Publié le 12 Oct 2012 - 10:30
La Chronique de Magum Kër

La laïcité combattante

 

Les fractions islamistes qui se sont emparés du nord du Mali et qui de fait l’administrent désormais, ont encore proposé à la suite du capitalisme, du marxisme et du libéralisme démocratique l’Islam comme l’idéologie de l’émancipation politique et sociale du genre humain. L’Islamisme radical n’est pas vraiment une hétérodoxie que des exégètes écarteraient d’un revers de main parce qu’ils auront décidé pour eux-mêmes, devant la puissance des forces de la laïcité combattante que le Djihad, entendez le combat, comprenez la résistance, est passé de mode. C’est pourquoi ceux qui se hâtent lentement vers la guerre et préconisent le dialogue doivent être écoutés.

 

Le président du Faso, médiateur de la CEDEAO, Blaise Compaoré a avancé d’un cran dans le sens de ce dialogue en amenant le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) à substituer à sa revendication de l’indépendance celle du principe de l’autodétermination. La symbolique est forte de l’expérience de ce militaire adepte de la révolution démocratique par les armes qui a désormais beaucoup œuvré pour la transition vers la démocratie comme l’ancien président du Ghana John Jerry Rawlings et le président du Congo Denis Sassou Nguessou et pourquoi pas le Malien Amadou Toumani Touré. Le succès électoral d’Hugo Chavez conforte cette tendance sur l’échiquier mondial et face à l’hostilité naturelle de la puissance hégémonique.

 

Cette hostilité de la puissance hégémonique et de l’occident en général a un fondement historique qui ne peut occulter les crimes du colonialisme et de l’impérialisme. L’Occident se pose en justicier alors qu’il est patent que la violence islamiste est le produit de sa propre violence depuis les Croisades quand la religion chrétienne, qui est née en Orient, n’a pris pied en occident qu’avec la conversion de Constantin le grand qui en fit une religion d’Etat en 312 contre laquelle les persécutions cessèrent. Autant les croisades que les conquêtes arabes ne sont à mon sens une guerre de religion mais le fruit de rivalités des grandes puissances d’orient et d’occident.

 

Aussi bien les conflits nés de l’invasion de l’Irak ne sont que la manifestation d’un impérialisme décadent obsédé par la perte de contrôle des puits de pétrole du moyen orient, aussi bien l’alerte sonnée autour de l’occupation du nord du Mali, n’est qu’une tentative de récupération stratégique de vastes étendues riches en minerais de toutes sortes. Le fait terroriste invoqué par les occidentaux demanderait à être mieux étayé et dans le cas du Mali, ne devrait concerner qu’Al Qaeda au Maghreb islamique (AQMI) et pour l’Afrique de l’Ouest le Bokko Haram nigérian. Il est assez notable que les insurgés syriens qui utilisent effectivement des méthodes terroristes ne sont pas ainsi qualifiés par les Etats-Unis.

 

 

L’habileté des occidentaux est de masquer leurs visées hégémonistes par les conflits particularistes qu’ils suscitent. Le vécu islamo-chrétien dans l’espace qui délimite les champs de bataille de demain renvoie aux premiers musulmans que le prophète Muhammad envoya se réfugier chez le Négus chrétien pour échapper à la furie des païens de La Mecque. Aussi bien quand le Khalife Omar entra en vainqueur dans Jérusalem et que l’appel du muezzin le trouva dans la crypte du Christ, demanda-t-il à quel endroit prier à l’Archevêque qui venait de lui donner la clef de la ville en signe de reddition. Lequel étonné, lui répondit qu’il pouvait prier où il voulait puisqu’il était désormais le maître de Jérusalem. Alors Omar sortit pour ne pas donner arguments aux musulmans qui voudraient déposséder les chrétiens de leur lieu saint parce qu’il y aurait prié.

 

La laïcité combattante qui s’est imposée en France sous Nicolas Sarkozy a trouvé son second souffle avec le président François Hollande, prompt comme ses émules historiques à voter des crédits de guerre en disant que c’est pour défendre les peuples d’Afrique de l’Ouest et du Maghreb. Mais ce ne sont pas les islamistes qui auront tiré la première balle. Même pas en Iran puisque ce sont deux organisations d’extrême gauche, les Fedayines et Moujahidines du peuple qui ont déclenché l’insurrection armée. Alors que le clergé chiite proche de Khomeiny donnait consigne par les hauts parleurs des mosquées de cesser l’attaque des commissariats et de déposer les armes dans les mosquées.

 

En Algérie, c’est pour éviter une seconde victoire aux urnes du Front islamique du salut (FIS) que le processus électoral a été interrompu par les militaires. Les groupes islamiques qui se sont raccordés sur le tard à Al Qaeda portaient ce combat démocratique de leur victoire volée. Ce n’est donc pas étonnant que cette sensibilité, dans tous les autres pays où leur existence légale est exclue, ne pense s’exprimer que par les armes. L’Algérie qui a expérimenté le dialogue en même temps que la répression a pu trouver une solution politique qui a marginalisé les islamistes radicaux, sa réticence devant l’intervention étrangère sur le champ malien devrait faire réfléchir.

 

 

Car ce qui précède montre bien qu’un embrasement de la sous région ne servirait en réalité ni la cause de la démocratie ni celle de l’émancipation des peuples, ce serait une guerre de rapines. Les castes militaires établis seuls pourraient y trouver leur compte. Les régimes dits démocratiques qui s’y engageraient naïvement avec l’arrière-pensée d’occuper ailleurs leurs forces armées n’auront pas retenu les leçons de l’Histoire comme quoi les guerres sécrètent les révolutions. L’équation de la rébellion malienne se pose en termes de survie de l’entité ouest-africaine et maghrébine après que l’intervention de la laïcité combattante a embrasé sans fin le Moyen-Orient et l’Afrique de l’Est.

 

 

 

AVERTISSEMENT!

Il est strictement interdit aux sites d'information établis ou non au Sénégal de copier-coller les articles d' EnQuête+ sans autorisation express. Les contrevenants à cette interdiction feront l'objet de poursuites judiciaires immédiates.

 

 

Section: