Wade déroule le tapis de l’opacité à Karim
Le Code des marchés vient de subir une modification. Et c’est une modification de taille… taillée sur mesure pour Karim Wade et son fameux plan Takkal qui vont désormais se passer du Code des marchés en ce qui concerne l’acquisition de ‘’combustibles destinés à l’exploitation des centrales électriques de l’Etat’’. En effet, le président Wade vient de prendre le décret 2012-01 du 2 janvier 2012 portant modification de l’article 3 du décret 2011-1048 portant Code des marchés permettant à l’Etat de se passer d’appels d’offre pour les achats de combustibles.
Article qui a trait aux ‘’dérogations’’. Ainsi, l’Etat peut ‘’acquérir les combustibles destinés à l’exploitation des centrales électriques de l’Etat (fuel, diesel, etc.), les produits pétroliers dénommés super carburant, essence ordinaire et gasoil, destinés uniquement à l’usage des véhicules administratifs, et dont l’acquisition est soumise à l’application du prix en vigueur figurant au barème des produits pétroliers publié périodiquement par la Commission nationale des Hydrocarbures du Ministère chargé de l’Energie, ainsi que les activités d’opération et de maintenance (O & M) d’installations destinées à produire de l’énergie électrique lorsqu’elles sont confiées aux fabricants des machines concernées’’, sans faire un appel d’offre. Une manière de régulariser les 115 milliards de francs Cfa dépensés en 6 mois sans appel à la concurrence dans l’achat de produits pétroliers pour faire fonctionner le plan Takkal. Mais surtout le choix de la société sud-coréenne KEPCO pour la réalisation d’une centrale à charbon à Sendou d’une valeur de 300 milliards de francs Cfa.
Dans le même décret, un autre alinéa du même article 3 est retouché. Il s’agit des ‘’services d’arbitrage, de conciliation, d’assistance, de conseil juridique et de représentation ; des services financiers relatifs au conseil financier, à l’émission, à l’achat, à la vente et au transfert des titres ou d’autres instruments financiers, en particulier les opérations d’approvisionnement en argent ou en capital des autorités contractantes, et des services fournis par des banques centrales’’.
Et pour justifier ces modifications en catimini du Code des marchés, le rapport de présentation renseigne que ‘’les modifications proposées visent à résoudre des difficultés qui subsistent encore dans le dispositif réglementaire en matière de marchés publics dans un souci d’efficacité à la fois juridique, économique et sociale’’. En effet, il est apparu aux yeux du pouvoir que le dispositif des marchés publics ‘’a montré certaines limites et connu des améliorations’’. Mais que ‘’celles-ci n’ont pas permis de régler définitivement certaines questions, en raison de l’absence de modalités de mise en œuvre pratique y afférentes’’. Il en est ainsi lorsque ‘’l’Etat doit mener à bien des réformes dans certains secteurs en crise profonde, notamment dans le domaine de la fourniture d’énergie, où une action diligente des pouvoirs publics est nécessaire’’.
‘’Une petite fenêtre lourde de conséquence’’
La modification apportée au Code des marchés et qui met l’achat de combustibles hors du champ de la commande publique, a été adoptée sans l’avis de l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) qui n’a même pas été informée. ‘’C’est avec vous que j’ai appris que le Code des marchés a été modifié’’. C’est la réponse que le Directeur général de l’ARMP nous a servie quand nous l’avons joint hier dans la soirée. C’est également la même réponse que Babacar Diop et Abdel Kader Ndiaye, respectivement membres du Conseil de régulation de l’ARMP pour le compte de la Chambre de commerce et de la CNES.
L’étonnement des membres du Conseil de régulation se justifie à la lumière du décret 2007-546 portant organisation et fonctionnement de l’ARMP. ‘’C’est l’ARMP qui doit proposer des projets ou propositions de modifications du Code à l’autorité’’, fait savoir Babacar Diop qui ajoute que le Conseil de régulation n’a jamais été saisi d’une quelconque modification du Code des marchés. Dénonçant ‘’une rupture du consensus entre l’Etat, le secteur privé, la société civile et les partenaires techniques et financiers’’, Abdel Kader Ndiaye fait savoir qu’il va aviser la CNES avant de se décider. Mais déjà, il déclare n’être pas convaincu des arguments avancés pour justifier ces modifications.
Quant à Saër Niang, le Directeur général de l’ARMP, après avoir marqué sa surprise, il souligne que cette retouche du Code des marchés, ‘’c’est une petite fenêtre lourde de conséquences sur le système’’. D’après M. Niang, les ‘’petits mots’’ contenus derrière cette modification cachent ‘’des enjeux financiers énormes. Ce seul article peut compromettre tous les 150 autres articles du Code’’. Pour lui, ‘’C’est une porte qu’il va falloir refermer au plus vite pour l’intérêt du système de passation des marchés’’.
Bachir FOFANA