Publié le 15 Nov 2016 - 23:30
LES « LIONS » BATTUS PAR LES « BAFANA-BAFANA »

Retour sur terre

 

Arrivés en Afrique du Sud auréolés du titre de leaders d’un groupe D des éliminatoires de la coupe du monde 2018 largement à leur portée, et de 2ème rang en Afrique, derrière les « Eléphants » de Côte d’Ivoire et 32ème mondial, dans le dernier classement FIFA, les « Lions » du Sénégal n’avaient pas usurpé la posture de favoris de ce match. D’autant plus l’armada de professionnels évoluant dans les grands championnats européens, qui composent la bande à Aliou Cissé, ne devrait avoir en face, à 2 ou 3 éléments près, que des joueurs locaux, issus pour la plupart du championnat Sud-Africain, et des clubs comme Mamelodi Sundowns (récent vainqueur de la Ligue africaine des champions), Orlando Pirates ou Kaiser Chiefs.

Mais, hormis leur maître à jouer, Thulani Serero, et leur gardien de but, le vétéran et très expérimenté Itumeleng Kuhne, le reste de l’équipe Sud-Africaine est composé d’illustres inconnus qui ne supportent pas la comparaison avec les noms ronflants de Sadio Mané, Diao Baldé Keïta, Kalidou Coulibaly, Mame Biram Diouf, Idrissa Gana Guèye ou Cheikhou Kouyaté, de petites « stars » qui évoluent dans de grandes écuries professionnelles d’Europe. Alors qu’on s’attendait à ce que les « Lions » engagent la partie pied au plancher en marchant sur leurs adversaires, on a eu la grande surprise de voir une équipe sénégalaise trop attentiste, recroquevillée dans sa zone, jouant le frein à la main, incapable de hisser son niveau de jeu et avec un bloc équipe trop bas pour pouvoir inquiéter la défense adverse. Cette densité du bloc équipe dans son propre camp s’effilochait dès que le ballon se retrouvait dans le camp adverse.

 Il faut noter que les Sud-Africains trouvaient toujours le décalage du côté gauche sénégalais défendu par le latéral Saliou Ciss, guère aidé dans ses tâches défensives par son binôme du même couloir, Diao Baldé Keïta, qui ne faisait pas l’effort de bloquer l’ailier droit adverse et d’assurer le repli défensif. Les «Bafana-Bafana », le physique râblé, vifs et jouant par de petites passes, arrivaient toujours à perforer les lignes défensives sénégalaises. A ce jeu, la vivacité des petites tailles comme Andile Jali, Keegan Dolly ou Tiyani Mabunda, mettait mal à l’aise les grands gabarits sénégalais, moins agiles. Une équipe Sud-Africaine qui n’a jamais fermé le jeu, quel que soit le score, et même au plus fort de la domination sénégalaise. Une domination nette mais stérile en seconde période en ce sens que les Sénégalais tombaient sous le faux-rythme des Sud-Africains qui les aspiraient dans leur camp pour mieux placer des contre-attaques derrière. Quand des milieux relayeurs et qui affectionnent d’habitude le « box-to-box » comme Cheikhou Kouyaté ou Momo Diamé, sont presque collés à leur défense, les « Lions » ne peuvent qu’avoir du mal à produire du jeu.

A cette disposition sur le terrain, il faut y ajouter les déchets techniques inhabituels de Saliou Ciss, ceux habituels de Momo Diamé ou l’absence d’un Sadio Mané, mis sous l’éteignoir par la fulgurance de l’entrejeu Sud-Africain, et qui avait du mal à faire dans la même explosivité que sous les couleurs des « reds » de Liverpool. Les courses dans le vide de Moussa Konaté, esseulé au front de l’attaque et qui décrochait souvent pour aller chercher le ballon, avaient l’inconvénient de dégarnir son poste à la pointe de l’attaque devenue un « no man’s land » car il n y’avait alors personne à la réception pour reprendre les centres des co-équipiers. Le pensionnaire du club suisse du FC Sion, sans soutien et ne recevant aucun bon ballon, s’échinait à courir comme un dératé, après des ballons injouables, et dézonait sans cesse car les pourvoyeurs de « caviars » que devraient être Idrissa Gana Guèye ou Sadio Mané n’étaient que les ombres d’eux-mêmes. Les latéraux, Lamine Gassama et Saliou Ciss, n’apportaient pas le surnombre en attaque que leur auraient permis des montées et des débordements sur les flancs. Bref, c’est toute la machine qui était grippée ce 12 novembre 2016 sur la très belle pelouse du stade Peter Mokaba de Polokwane.

Dans ce naufrage collectif de la première période, le seul motif de satisfaction est venu de la charnière centrale des « Lions »  où la paire Kara-Kalidou avait le souci constant de ne jamais paniquer et de dégager à l’emporte-pièce, mais d’essayer de toujours de faire la passe ou la relance juste pour le partenaire afin de garder le plus longtemps possible la possession du ballon. Il est vrai que les Sud-Africains faisaient un pressing très haut dès la perte du cuir. Malgré tout, l’équipe locale ne s’est jamais montrée dangereuse. Mais, pour avoir trop respecté cette équipe Sud-Africaine qui craignait visiblement le Sénégal au départ, les « Lions », fébriles et timorés dans la première partie du match, ont alors mis en confiance leurs adversaires qui, ne voyant pas les Sénégalais les attaquer et les prendre à la gorge comme tout le monde s’y attendait, ont progressivement cru et senti qu’il y avait quelque chose à chercher dans ce match.

Pénalty imaginaire

On a l’habitude de dire que la chance est certes une donnée aléatoire, mais il faut la provoquer, et elle sourit toujours aux plus audacieux. Pour l’avoir oublié, les « Lions » l’ont laissée passer aux mains de l’adversaire qui n’en demandait pas tant. Ragaillardis et requinqués par la timidité inattendue des « Lions » et à force de croire en leurs chances de venir à bout de l’équipe du Sénégal, les « Bafana-Bafana » ont vu leurs efforts récompensés par un coup de pouce de l’arbitre ghanéen Joseph Odartei Lamptey qui a accordé un pénalty imaginaire à l’équipe locale. Un referee qui doit vite aller faire un tour chez l’opticien pour se payer de toute urgence des binocles afin de mieux zyeuter, à moins qu’il ne se fasse consulter par un ophtalmo car il n’est pas loin d’avoir la berlue.

Un arbitre qui voit main à la place de cuisse. Pourtant, quelques jours avant la rencontre, le coach Aliou Cissé avait déjà tiré sur la sonnette d’alarme en demandant à la Confédération Africaine de Football (CAF) de désigner un arbitre qui soit à la hauteur des enjeux de ce match et de la dimension des deux équipes. La transformation du pénalty n’étant pas un passif rédhibitoire, les « Lions » n’avaient aucune raison de s’énerver outre mesure jusqu’à sortir du match car jusque-là ils étaient encore dans le coup. Surtout qu’on ne jouait que la 43ème minute. Ils avaient plus d’une mi-temps pour refaire leur retard et recoller au score. Rien n’était encore perdu. Mais, les circonstances dans lesquelles ils ont encaissé le 2ème but sont i-nac-cep-tables.

Sinon, comment comprendre que sur un coup-franc concédé dans leur propre moitié de terrain, les « Lions » se mettent à protester auprès de l’arbitre au lieu d’aller se replacer très vite et de procéder au marquage individuel. Une étonnante naïveté et un manque de respect des fondamentaux et des principes du jeu qui leur ont été fatals car bien exploités par les « Bafana-Bafana » qui ont très vite et astucieusement joué le ballon pour les surprendre et marquer le but du break qui coupe littéralement les jambes aux « Lions » désorientés, encore sous le coup de l’émotion créée par le pénalty et qui se sont laissés avoir comme des débutants. En l’espace de trois minutes seulement (43ème et 46ème mn), à moins d’un miracle après la pause, le match était pratiquement plié.

Réaction tardive

La réaction des « Lions », en seconde période, a été trop tardive et laissait peu d’espoirs au regard de la lourdeur du score. Le remplacement de Momo Diamé à la mi-temps, par Cheikh Ndoye, est synonyme de mauvais casting du coach qui persiste à aligner un Momo Diamé qui n’a visiblement pas sa place dans cette équipe du Sénégal. L’entrée de Cheikh Ndoye, capitaine du SCO d’Angers (ligue 1 française), avec son physique de déménageur et son abattage immense, a stabilisé le milieu de terrain des « Lions ». L’autre entrée, à l’heure de jeu (60èmemn) de Mame Biram Diouf, à la place de Moussa Konaté, a fait du bien à l’attaque du Sénégal, beaucoup plus présente à partir de cet instant, et donc plus dangereuse. Mais auparavant, il était étonnant que les « Lions » n’aient pas sonné la révolte dès la reprise, comme s’ils n’étaient pas largement menés à la marque ou comme si le coach ne leur avait pas remontés les bretelles, dans les vestiaires, pendant la mi-temps. En effet, Il fallait marquer très vite, dès la reprise, pour faire douter l’adversaire, se relancer voire revenir au score. Les accélérations de Sadio Mané, en seconde période, avec lesquelles le feu-follet meneur de jeu des « Lions » arrivait à casser les lignes adverses, étaient trop tardives. Sûr que si les « Lions » avaient fait montre du même état d’esprit qu’en première période, ça aurait été un tout autre match.

Classés 2ème en Afrique dans le ranking de la Fifa, les « Lions » doivent savoir tenir leur rang car, à l’évidence cette équipe Sud-Africaine n’est véritablement pas un foudre de guerre ; et l’on n’est pas étonné que lors des éliminatoires de la CAN 2017, qu’elle ait été tenue en échec par la Gambie, qu’elle ait baissé pavillon devant la Mauritanie, qu’elle soit finalement classée 3ème de sa poule, mais et surtout, qu’elle ne soit donc pas qualifiée à la prochaine Coupe d’Afrique des Nations (CAN) qui aura lieu au Gabon. Le but de raccroc du Sénégal, inscrit par Cheikh Ndoye, à 15 minutes de la fin du temps réglementaire (une éternité en football) avait suscité tous les espoirs d’une égalisation, mais les multiples occasions de but ont été vendangées à cause des maladresses, du manque d’application ou de lucidité impardonnables à ce stade de la compétition. C’est connu, les « Lions » ont cette fâcheuse manie de manquer de réalisme ou de sang-froid devant le but adverse et de pêcher dans le geste final ou dans la dernière passe.

En effet, il y avait de la place pour revenir au score voire de gagner ce match, même sur le fil. Jugez-en, au regard des situations franches que les « Lions » se sont procurées dans ce match, essentiellement en seconde période : 70ème mn, sur un centre tendu venu de la gauche, Mame Biram Diouf place une tête rageuse qui frôle la barre de Khune, le portier de l’équipe adverse. 83ème mn, sur une incursion dont lui seul a le secret, Sadio Mané dribble le gardien de but des « Bafana-Bafana » mais, malgré sa position excentrée, trouve le moyen de mettre le ballon dehors alors que les buts étaient vides. 88ème mn,  sur un centre plongeant dans les 5,50 mètres de la surface de réparation Sud-Africaine, ni Mame Biram Diouf, ni Cheikhou Keïta, arrivés lancés, n’ont pu, ne serait-ce qu’effleurer tout juste le ballon, pour le mettre au fond des filets adverses.

90ème mn, seul au deuxième poteau, Cheikhou Kouyaté met une tête piquée qui passe à côté du montant pour finir sa course dans le décor. 90ème mn+3, sur une remise de Cheikh Ndoye, Diao Baldé Keïta rate, on ne sait trop comment, un but tout fait et qui était synonyme de 2-2. Voilà comment les « Lions » du Sénégal ont dû laisser filer une victoire précieuse qui leur tendait les bras, et ont perdu leur place de leaders du groupe D, pour être maintenant relégués à la 3ème place, au moins jusqu’en août 2017. Une grande équipe, c’est aussi celle-là qui sait arracher des victoires improbables ou qui s’en sort avec un match nul quand elle doit objectivement perdre un match. Au demeurant, l’histoire retiendra que les deux dernières défaites des « Lions » à ce jour l’ont été, à chaque fois, sur les terres de la Nation-Arc-en-ciel, face à l’Afrique du Sud (0-1, le 8 septembre 2015 lors du Challenge Mandela et 1-2 le 12 novembre 2016 pour la 2ème journée des éliminatoires de la Coupe du monde Russie 2018). De là dire que les « Bafana-Bafana » sont les bêtes noires des « Lions », il n’y a qu’un pas que nous n’hésiterons pas à franchir allègrement.

Rien n’est encore perdu

Cette défaite, la première après une saga de sept victoires consécutives, et surtout un carton plein lors des éliminatoires de la CAN 2018, avec un total de 6 victoires en 6 journées de compétition, marque certes une fin de série pour les « Lions », mais n’hypothèque nullement les chances des poulains du sélectionneur Aliou Cissé de se qualifier pour la Coupe du monde 2018 en Russie. Ils ont certes grillé un joker, mais tout n’est pas compromis. Pour composter le ticket pour la Russie, il suffit de récupérer ce point perdu (ou ces trois perdus) en allant chercher des résultats positifs au Burkina Faso et au Cap-Vert. Pour les matchs à domicile, il n’y a pas de calculs, la victoire est impérative. Une telle performance est bien dans les cordes de cette équipe qui est pétrie de qualités. Mais encore faudrait-il le prouver sur le terrain, car on a beau avoir un très bon groupe sur le papier, un « onze » qui a de la gueule, avec une profondeur du banc de touche où il y a des remplaçants qui seraient des titulaires indiscutables dans beaucoup de sélections africaines, c’est sur le terrain que les matchs se gagnent. Après l’exceptionnelle série de victoires, on s’est vu trop beau, d’aucuns se voyaient même déjà couronnés champions d’Afrique au Gabon au soir du 5 février 2017.

Après la victoire récente sur le Cap-Vert  (2-0), avec la manière s’il vous plait, mon fils aîné, qui rêve d’une affiche Brésil-Sénégal avec un succulent duel Neymar-Sadio Mané, me disait que les « Lions » peuvent rivaliser avec les « Auriverde ». Tout ça pour dire à quel point les Sénégalais peuvent se prendre la tête et être très vite grisés par le succès. Un peu d’humilité ne nous ferait pas de mal. Cette équipe du Sénégal est du bon cru, mais il lui faut s’armer d’un mental de fer, d’un moral à toute épreuve et d’une hargne de compétiteurs. Elle manque de caractère, de « gnac », de « grinta » ou de ce « dem ba jeex » qui caractérise nos clubs navétanes, mais aussi de vécu car la plupart des jeunes joueurs qui la composent sont certes très talentueux, mais n’ont pas encore acquis l’expérience des très grandes compétitions. Aucune raison donc d’être trop gonflés et présomptueux plus que de raison. Toutefois, cette sélection du Sénégal a un très gros potentiel. Par conséquent, aussi longtemps qu’ils resteront sérieux et concentrés, tout en ayant des ambitions mesurées, ces « Lions » peuvent nous valoir beaucoup de satisfaction et aller très loin.

Pape SAMB

papeaasamb@gmail.com

Section: 
Macky Sall, PASTEF et la vérité qu’on refuse de dire
Colloque du Gingembre Littéraire : vers une justice postcoloniale ? : Le Portugal face à ses responsabilités historiques
LEOPOLD SEDAR SENGHOR  PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE du SÉNÉGAL : RAPPEL HISTORIQUE
Le Phosphate Sénégalais : Un Levier de Croissance Économique ?
REDUCTION DE L'AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT : Quels impacts et quelles alternatives pour les pays africains ?
L’innovation militaire au Sénégal : Entre ambition et précautions
Oignons et pommes de terre : Les prix s’envolent, la spéculation commence à s’installer, et les mesures prises semblent ne pas convaincre
La candidature de M. Hott à la présidence de la BAD
Election de Sidi Ould Tah a la tête de la Bad : Soit une preuve d’amnésie, de tolérance des noirs africains ou de grand enfants
Macky SALL À L'ONU : DE L'URGENTE NÉCESSITÉ DE SOUTENIR SA CANDIDATURE !
Zone CFA : Trois forces financières mondiales à surveiller de près !
Sénégal, pays de paradoxes
Plaidoyer pour un Acte 4 de la Décentralisation : Pour des Territoires Résilients, Autonomes et Transformateurs
L’Horticulture : Une Science au Cœur de l’Avenir Agricole et Écologique
Le Sénégal, l’Alliance des Etats du Sahel (AES) et la prochaine vague démocratique : Fascination de la Négation des valeurs du Sénégal
UNE OPPOSITION MINORITAIRE FACE AU DIALOGUE : Le choix risqué du boycott
Gaza ou l’effacement méthodique
DIALOGUER, VOUS DITES…
Des intellectuels, écrivains, constitutionalistes, chercheurs, économistes et sociologues, pour la préservation de la république, la sauvegarde des libertés et droits fondamentaux
Dialogue national du 28 mai 2025 : L’histoire ne doit pas se répéter !