Les bourses d’excellence ou le complexe du colonise
Le Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation vient de publier sous le n° 02008 /MESRI/SG/DC/DB/DB/B.BEX/kg en date du 10 septembre 2020, un communiqué relatif à l’institution des bourses d’Excellence pour nos bacheliers ayant eu la mention TRES BIEN ou BIEN afin qu’ils puissent aller poursuivre des études supérieures en France. NON. Pincez moi, je crois rêver !!
Tout d’abord relevons l’incongruité administrative de la note en question. La note est référencée N°..../MESRI/SG/DC/DB/B.BEX/kg. Une correspondance ne peut pas, dans une même structure ministérielle émaner à la fois du Secrétaire Général (SG) et du Directeur de cabinet (DC). C’est l’un ou l’autre et pas les deux à la fois comme indiqué dans les références de cette note. Défaut d’attention ou carence manifeste ? Passons.
Ensuite, cette note nous renseigne que plus de soixante ans après notre souveraineté internationale recouvrée, on continue toujours à envoyer nos meilleurs élèves se former en France. Si pour nos premières élites, il était normal qu’elles soient formées en France avec l’argent public du Sénégal (il faut le souligner) et étaient censées nous revenir pour nous montrer la voie du Nationalisme et du travail organisé et soutenu pour développer nos pays en se servant des savoirs acquis à bonnes écoles; il devient quand même dégradant que jusqu’en 2020, on continue à envoyer nos meilleurs élèves en France pour se former. Qu’est-ce à dire ? Que nos Universités nationales notamment l’UCAD sont NULLES et ne méritent pas d’accueillir nos têtes d’œufs ? Alors, autant les fermer TOUTES.
Pourtant malgré toutes les insuffisances matérielles criardes et autres manquements structurels, nos Universités continuent nolens volens, à performer dans le concert des Universités africaines avec les succès probants de nos enseignants aux différents concours d’agrégation et de professorat du CAMES et de nos étudiants aux concours d’éloquence et de plaidoiries à travers le monde. « Si la petitesse des moyens, …et l’immensité des résultats sont les mesures.. » de la performance pour dévaliser Lamartine, nos Universités ont très bonne allure. Alors où se situe le problème ? Pourquoi ne peut-on pas orienter nos meilleurs élèves dans nos Universités pour qu’ils y soient formés par des professeurs émérites ? Pourquoi encore et toujours la France ? Le complexe du colonisé va nous tuer. BILLAHI.
Plus de soixante ans qu’on envoie nos meilleurs élèves en France pour se former et nous revenir. Le résultat n’est pas reluisant. La plupart des étudiants boursiers de l’Etat du Sénégal, pour ne pas dire presque tous, envoyés en formation en France et ailleurs avec les deniers publics ne nous sont pas revenus. Ils ont choisi de rester vivre et s’épanouir chez l’Etranger. La brillantissime Rose y est partie DIENG sous les couleurs du Sénégal et des années plus tard, sa dépouille nous est revenue KUNZ pour se reposer dans nos cimetières.
A l’instar de nombreux autres cracks de notre pays qui ne nous reviendront que pour leur enterrement. Ceux qui nous sont revenus, à l’image de nos premières élites, seront bardés de diplômes prestigieux qu’ils se sont plu à collectionner comme le vieux nègre et sa médaille. Ils arborent des titres ronflants d’Agrégés qui n’agrègent RIEN. En somme « des agrégés inutiles » comme dirait le journaliste Rémy Ngony.
Ils sont aussi des Maîtres-es qui ne maîtrisent RIEN du tout, des Docteurs qui n’ont rien de docte, des Professeurs qui ne professent rien si ce n’est le copier-coller de leurs gourous français. Ils nous reviennent tous en « précieux ridicules », clones imparfaits des Toubabs dans tous les domaines notamment vestimentaires : costumes-cravattes rek même à quarante degrés à l’ombre. Ou alimentaires : à table et avec des repas à base d’entrée, de plat de résistance et de dessert, déclinant les plats du terroir tels que le « soupou kandia ou le Mafé » qu’ils trouveront tout à coup cancérigène (oui oui) ou du thièbou diène (trop gras) pour des « cassoulets au poulet » ou des « fricassées d’agneau à la pomme vapeur » ou des « têtes de veau à la vinaigrette» et autres curiosités culinaires découvertes durant leur séjour d’initiation à Paname.
Bref, dans leur mimétisme grotesque, ils deviennent des suppôts de la France contre leur propre peuple, obéissant au doigt et à l’œil aux oukases des maîtres français dans tous les domaines de la vie économique, sociale, politique, commerciale, industrielle et éducationnelle de leur pays. Et « rien n’est plus dévastateur qu’un africain à l’esprit européen » pour citer feu Thomas SANKARA. De véritables « Peaux noires, masques blancs » pour parler comme Franz Fanon.
Une situation qui persiste encore de nos jours. Car on continue toujours à former nos élites en Europe et surtout en France avec des Valeurs françaises, snobant Nos universités nationales qualifiées de sous-campus.
Est-ce cela que l’on cherche? Alors que rien que pour les bourses étrangères d’Excellence, l’Etat du Sénégal dépense au moins cinq millions de F.CFA par an et par étudiant ? (Voir Emile Bakhoum in L’OBS du 11 septembre 2020 page 5).
Dès lors, n’est-il pas temps de revoir tout le système des bourses d’Excellence ?
Dans cette perspective, il me semble impératif de changer de paradigmes en la matière. En effet, ces jeunes cracks fort méritants au demeurant, sont pour la plupart issus de milieux paysans très défavorisés et ne connaissent même pas bien DAKAR pour nombre d’entre-eux. Alors, vouloir avec les bourses d’Excellence, les envoyer dans les « villes cruelles » de France et de Navarre, c’est justement les exposer à vivre des aventures plus qu’ambigües qui risquent de les marquer à vie. C’est pourquoi, beaucoup d’entre eux, désorientés, déboussolés dans ces milieux hostiles, échouent dans leurs études premières.
C’est pourquoi, plutôt que de persister dans cette voie sans issue de bourses d’excellence à l’étranger qui ne donnent que des résultats très mitigés voire décevants en termes de retour d’investissement pour le pays ; il serait plus intéressant d’instituer des bourses Nationales d’Excellence pour des montants de 100. 000 Francs par mois par exemple et la garantie d’une chambre d’étudiant d’office, pour ces gros cerveaux et les maintenir à DAKAR et dans nos Universités du moins pour le premier et le second cycle de leur formation jusqu’au niveau Master2.
Ensuite s’ils continuent à performer, on pourra toujours leur octroyer des bourses d’excellence du 3ème cycle pour le Doctorat ou l’Agrégation. Cela aura l’avantage de parfaire la formation de ces cracks encore adolescents, dans le contexte sénégalais et dans leur milieu familial et social, de maintenir ces gros cerveaux dans nos amphi pour servir de tête de file à la cohorte de leurs camarades vers la performance et surtout de permettre à l’Etat de faire des économies d’échelle sur les bourses et être en mesure d’augmenter la population des boursiers nationaux.
Enfin, la bourse d’excellence du 3ème cycle aura l’avantage d’envoyer à l’étranger des adultes assez bien équilibrés et bien trempés dans «la sauce sénégalaise» et à même de pouvoir bien se mouvoir dans les pays d’accueil sans trop de velléités d’exil ou d’acculturation. Car c’est là où se trouve à mon avis, le véritable challenge. Comment faire pour bien former des sénégalais aimant son pays, y travaillant, y vivant , s’y investissant.
C’est le VRAI COMBAT qui mérite d’être mené: la désaliénation du Sénégalais et des africains francophones en général. Plutôt que des vociférations et autres cris d’orfraie contre des édifices de pierre. Comme nous en saoulent certains, drapés dans leurs certitudes académiques.
Pour l’heure, le COVID19 est toujours là. Gardons la distance, lavons nous les mains régulièrement, mettons nos masques et surtout restons à la maison pour tout ce qui n’est pas essentiel et que DIEU Nous gardes et gardes l’Afrique.
Dakar le 15/09/2020
Guimba
KONATE guimba.konate@gmail.com