Une drogue pour les jeunes
Au Sénégal, beaucoup de jeunes, parfois sans emploi, et même des vieux, jouent aux jeux de hasard, tout en espérant gagner et devenir riches un jour.
Les jeux de hasard sont devenus le hobby de bon nombre de Sénégalais. Une bonne partie de la jeunesse et même des personnes du 3e âge s’adonnent à cette pratique. Cependant, 1xbet est devenu le pari préféré des jeunes et des adultes. Pourquoi ? Parce que les amateurs peuvent rester chez eux et parier tranquillement via leur smartphone sans que personne ne s'en rende compte, contrairement au Parifoot où il faut se rendre aux kiosques pour pouvoir jouer. Un enseignant à l'école primaire bientôt à la retraite, Abdoul Khadre Mbaye, est un grand parieur depuis trois ans. Il dit être heureux quand il joue au 1xbet. "Cela me procure un grand plaisir en jouant au 1xbet. Quand je joue, je suis complètement déconnecté. Je peux rester des heures à me concentrer sur mon téléphone portable sans parler avec personne ni déranger. Même si je ne gagne pas assez, je ressens du plaisir en combinant des matchs", déclare le quinquagénaire.
"J'ai commencé à jouer au 1xbet depuis trois ans maintenant, mais je n'ai pas encore gagné une somme significative. La somme la plus élevée que j'aie eu à gagner est 80 000 F CFA seulement et ça date de très longtemps. Tous les jours, je parie 1 000 F CFA sauf les jours de championnats où je parie plus. Parfois, je gagne 3 000, 5 000 ou 10 000 F CFA. Mais il y a des jours où je ne gagne rien", informe-t-il. Malgré ses pertes, Abdoul Khadre continue de parier et ne pense pas abandonner tant qu'il ne gagnera pas beaucoup d'argent. "J'espère gagner beaucoup d'argent un jour. C'est pourquoi, je n'abandonne pas. Je le rêve et je le ressens. Il y a des gens que je connais qui sont devenus millionnaires aujourd'hui grâce à ce jeu et j'espère aussi le devenir un jour. Parce qu'on peut miser 100 F CFA et avoir des millions et on peut aussi miser 10 000 F CFA et se retrouver avec 0 F. Je ne vais pas abandonner tant que je ne gagnerai pas des millions", dit-il.
À ceux qui disent que ce jeu est une perte de temps, l'enseignant fait savoir que lorsqu'il aura gagné des millions, ses détracteurs se rendront compte que ce n'est pas une perte de temps. ‘’C'est ce qui s'est passé avec un de mes amis. Les gens lui disaient qu'il perdait son temps et le traitaient de tous les noms, mais lorsqu'il a gagné beaucoup d'argent, ces derniers venaient lui demander de l'aide. Pour vous dire, il ne faut jamais dire aux gens qu'ils perdent leur temps à faire certaines choses", narre-t-il.
Embouchant la même trompette, Amadou Diop, un jeune de 26 ans, sans emploi, souligne qu'il joue au 1xbet pour gagner de l'argent et pouvoir satisfaire ses besoins. "Je parie pour avoir de l'argent. Je n'ai pas de boulot certes, mais je demande à ma mère ou à mes frères des pièces de 100 ou 200 F CFA pour parier. Parfois, je parie avec l'argent de mon petit-déjeuner", révèle-t-il.
"Ce jeu est dangereux, parce que quand on commence, on ne peut plus reculer"
"Il faut savoir faire la part des choses. Quand il s'agit de travailler, il faut le faire. Je ne joue pas pendant mes heures de travail, c'est-à-dire les heures de cours. Je joue uniquement pendant mon temps libre", soutient Abdoul Khadre Mbaye.
Au Sénégal, certains jeunes ont tendance à considérer les jeux de hasard comme un travail. "Je déconseille aux gens, surtout les jeunes qui n'ont pas de travail, de s'adonner à ce jeu de hasard. À mon humble avis, ce jeu est destiné aux personnes qui travaillent. Car en jouant, on dépense de l'argent et si la personne ne travaille pas, comment peut-elle avoir de l'argent pour pouvoir miser ? Si tu veux parier et que tu n'as pas de travail ni d'argent, donc tu vas voler ou faire la délinquance. Mais étant travailleur, tu peux enlever 1 000 ou plus sur ton salaire pour parier", pense-t-il.
Étant accro aux jeux de hasard, l'enseignant a fait savoir que parier est dangereux, parce que, dit-il, quand on commence, on ne peut plus reculer. "J'ai arrêté de jouer au 1xbet, car je perdais plus que ce que je gagnais. Lorsque je jouais, je ne travaillais pas, j'utilisais ma bourse d'étudiant et l'argent que m'envoyait mon père pour les frais de transport. Pendant les deux ans que je pariais, j'avais perdu énormément d'argent", confie un jeune étudiant en Licence 3 à l'université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Au début, raconte-t-il, "je n'avais même pas à l'esprit jouer aux jeux de hasard. Mais un jour, un de mes amis a gagné des millions. Il a construit sa maison familiale et il a acheté des téléviseurs et autres accessoires. Dès lors, je me suis dit, je vais aussi jouer pour gagner comme mon ami. Malheureusement pour moi, je n'ai rien gagné de spécial, à part les 350 000 F CFA que j'ai gagnés une seule fois".
Jeux de hasard et islam
Sous l'appellation générique de ‘’maysir’’, l'islam interdit tous les jeux de hasard. Cette interdiction frappe indistinctement les jeux de dés, les paris d'argent, quels qu'ils soient, les loteries, en passant pour les puristes par l'interdiction du jeu d'échecs, des jeux de cartes, voire toute forme d'amusement ou de distraction, c'est-à-dire le jeu lui-même. Cette grande austérité traduit une vision éthico-légale de la société musulmane par les penseurs et les juristes musulmans, conception qui, dans la réalité, est contredite de principe par la diversité des êtres et, dans les faits, par le maintien dans la réalité musulmane de ce que nos penseurs à leur tour voulaient éradiquer.
D'après l'imam Ahmet Kanté, les jeux de hasard sont haram à l'unanimité des oulémas sur la base du Coran et des hadiths. "Cet argent est haram, vu son mode d'acquisition qui est illicite. Toute chose qui sera faite avec cet argent ne sera pas acceptée dans la charia. Sinon, à quoi servirait-il de le déclarer haram ?", a souligné l’imam Kanté.
FATIMA ZAHRA DIALLO (STAGIAIRE)