Mon avis sur la Bourse de Sécurité Familiale
La décision du Gouvernement du Sénégal, de procéder, officiellement, au lancement du grand projet concernant la bourse de sécurité familiale, marque, indubitablement, un tournant majeur dans le combat que mène notre pays, pour éradiquer la pauvreté.
Dans l’Histoire du développement économique et social des Etats situés au Sud du Sahara, il ne fait pas de doute, qu’elle fera date et dans la trajectoire évolutive du libéralisme social, elle a valeur d’exemple. Dégager, d’une seule traite, une enveloppe de 5 milliards de francs, au profit immédiat de 50 000 familles, presque, totalement démunies, minutieusement choisies et annoncer, fermement, dans le même mouvement, que ladite enveloppe sera, dès 2014, portée à 10 milliards de francs, d’une part et que, d’autre part, au cours des 5 années qui suivent, 250 000 familles au total vont bénéficier de la bourse de sécurité familiale, constitue, assurément, une initiative audacieuse, politiquement révolutionnaire. Certes, le Président Bush avait décidé, pour relancer l’économie de son pays en panne, de donner à chaque américain, un chèque de 800 dollars, pour booster la consommation et développer, concomitamment la production et l’emploi. Certes, le Président Lula avait, lui aussi, entreprit d’attribuer à des ménages vivant dans l’extrême pauvreté, disposant d’un revenu mensuel de moins de 120 réals, soit, environ, 45 Euros, une aide maximale de 95 réals, correspondant à 38 Euros, pour améliorer leurs conditions de vie. Mais, le Sénégal, n’ayant, ni les moyens des Etats-Unis (première puissance économique mondiale), ni ceux du Brésil (géant économique de l’Amérique Latine, pays émergent, membre des BRICS), le geste, qui vient d’être posé par le Président de la République, n’en devient que plus significatif et mérite, comme tel, d’être salué et soutenu. Aucun pays en Afrique au Sud du Sahara n’a, à ma connaissance, consenti un effort identique, au moment où les défis de la conjoncture internationale et l’environnement sous-régional imposent des contraintes difficilement compatibles avec des initiatives hardies, en matière de promotion sociale. Lorsqu’on connait les efforts, que les ménages vulnérables déploient, chaque jour dans notre pays, pour accéder au petit crédit, dans les structures qui pratiquent la finance populaire, aux fins d’obtenir des prêts, plus ou moins, dérisoires, de 25 000 à 50 000F, à des taux et selon des modalités difficilement compatibles avec leurs maigres moyens, on peut se faire une idée de ce que les bénéficiaires de la bourse de sécurité familiale ont ressenti, quand ils ont reçu cette « manne » financière non remboursable, qui sera, en plus, répétitive, une « manne » financière, arrivée à point nommé, à quelques encablures de la rentrée des classes de la fête de la Tabaski. Les populations concernées pourront, ainsi, améliorer, non seulement leur confort et leur mieux-être, mais elles pourraient, même, comme ce fut le cas au Brésil, monter de petits projets générateurs de revenus, qui leur permettront de vivre plus dignement et d’aborder, désormais, l’avenir, avec moins d’angoisse pour elles et leurs familles, voire d’acquérir une autonomie qui les libérera définitivement de la pauvreté. Ne fût-ce que pour cela, la nouvelle initiative gouvernementale mérite d’être encouragée. Ce n’est pas un fait du hasard, si le Président de la Banque Mondiale, en 2003, avait salué, parlant de l’initiative prise par Lula, de « révolution sociale ». Dans ce domaine, le Sénégal a ouvert la voie, il y a quelques années, en distribuant des bourses et des aides scolaire à tous les étudiants, en proclamant la gratuité des fournitures et des soins pour les malades atteints de Tuberculose et de Sida, en lançant le Plan Sésame et la gratuité de la césarienne pour les femmes de certaines régions. Ce capital vient d’être, substantiellement, renforcé par la décision du Gouvernement, d’accorder la gratuité des soins à tous les enfants âgées de 0 à 5 ans et par l’annonce de la mise en place de la couverture médicale universelle, au cours des toutes prochaines années. Toutes ces initiatives, accouplées à une politique de promotion de l’emploi, de développement de l’habitat social et de contrôle des prix, pour maitriser le coût de la vie, constituent de bonnes mesures capables d’apaiser le front social et de booster la croissance et le développement. Les couches défavorisées du peuple sénégalais méritent qu’on s’occupe d’elles. Laissées pour compte, depuis l’époque coloniale, elles ont, rarement, vu leurs conditions de vie s’améliorer, en dépit des nombreuses promesses, qui leur avaient été faites par les hommes politiques de tous bords. C’est pourquoi, j’ose espérer que la décision, qui a été prise, va s’inscrire dans la durée et qu’au-delà de 2017, elle pourra bénéficier à plusieurs centaines de milliers de nouvelles familles, prouvant, ainsi, que la prospérité de notre pays doit profiter à toutes les couches sociales, sans exception, singulièrement à celles qui en ont, le plus, besoin, parce que défavorisées par le sort.
Professeur Iba Der Thiam