N’en perdent-ils pas quelques crocs ?
La Saudi Pro League a réussi à attirer trois cadres de l'équipe nationale du Sénégal. Édouard Mendy, Kalidou Koulibaly et plus récemment Sadio Mané sont tous partis rejoindre un championnat encore très loin du niveau européen. À seulement quelques mois de la Can ivoirienne, ce grand déménagement interroge.
Mendy, Koulibaly et Sadio Mané, et dans une moindre mesure Habib Diallo, toute la colonne vertébrale de l'équipe nationale du Sénégal évolue désormais en Saudi Pro League, la nouvelle attraction du football planétaire. Ces Lions, quasiment au crépuscule de leur carrière professionnelle, n'ont donc pas pu résister au très lucratif championnat saoudien qui a d'ailleurs eu raison de Cristiano Ronaldo, Karim Benzema et Neymar, pour ne citer qu'eux.
Sous cet angle, ajouter quelques chiffres sur le compte en banque demeure forcément une bonne idée. La carrière de footballeur est assez brève, il faut savoir en profiter.
Joint par ‘’EnQuête’’, le chargé de la formation au Racing club de Dakar, El Hadj Aliou Cissé, semble comprendre cette ruée vers l'Arabie saoudite. Il s'explique : "La majorité des joueurs qui migrent vers l'Arabie saoudite est trentenaire. Ils sont au crépuscule de leur carrière. On peut comprendre qu'ils veuillent ajouter quelques chiffres sur leur compte banque. Pour le cas des footballeurs sénégalais, comme l'a expliqué Koulibaly, l'objectif c'est de s'assurer un avenir encore meilleur et d'aider le maximum de leurs proches, de leur entourage. C'est un objectif très louable et s'ils étaient restés en Europe, ils n'auraient certainement pas décroché des contrats aussi juteux."
Sur le plan purement économique, Karim Mané semble rejoindre son collègue. Mais selon lui, ‘’cette colonne vertébrale de l'équipe nationale n'a quasiment plus de défis à relever sur le vieux continent et ce trophée de la CAN glaner est une sorte d'apothéose, un sacre qui restera à jamais gravé dans l'histoire du football national. Il est difficile de résister aux pétrodollars saoudiens. L'exemple le plus patent jusqu'ici est sans doute le contrat de Neymar qui dépasse l'entendement. Concernant nos joueurs, quasiment tous en fin de carrière et qui n'ont presque plus rien à prouver en Europe et au niveau local, c'est l'occasion d'aller se faire encore un peu plus d'argent. Cette CAN remportée il y a un peu plus d'un an leur enlève un certain poids. Ils méritent eux aussi de profiter à cette manne importante’’.
Un trio indispensable à l'équipe
Avec une Coupe d'Afrique des nations qui pointe à l'horizon, il est légitime de s'attarder un peu sur la compétitivité des tauliers d'Aliou Cissé. En outre, le Sénégal va engager cette Can en tant qu'ultime favori, mais aussi et surtout comme champion en titre. Si les cadres qui ont grandement participé à décrocher la toute première étoile continentale migrent tous dans un championnat qui se cherche encore, on peut avoir du souci à se faire. D'autant plus que le football intra-africain est fait de duels et autres défis physiques.
Mais à en croire les techniciens, l'impact sur le niveau global de l'équipe ne devrait pas être conséquent. Le coach Karim Mané s'est même projeté en axant sa réflexion sur la prochaine Coupe d'Afrique des nations.
Selon lui, le sélectionneur national sera obligé de faire avec les nouvelles recrues de la Saudi Pro League. "En tant que conservateur, Aliou ne pourra pas se passer de ces trois joueurs-là, sans oublier qu'il s'agit de la colonne vertébrale de l'équipe. L'apport de Koulibaly, Mendy et Sadio a été crucial, lors de la Can au Cameroun notamment. Et à quelques mois du retour de cette compétition phare du football africain, il est juste inconcevable que l'entraîneur ne parte pas avec ses meilleurs éléments. Même s'il faut le rappeler, les portes de l'équipe nationale étaient fermées à certains joueurs, car ils évoluaient dans un championnat jugé faible".
Sadio Mané et ses coéquipiers en équipe nationale ont quitté ainsi le très haut niveau européen pour l'élite saoudienne encore en chantier. Les stars s'empilent dans ce qui passe pour le nouvel eldorado du football mondial.
Mais dans le fond, c'est loin d'être l'électrique Barclays Premier League, la technique Liga espagnole, la tactique Serie A ou la spectaculaire Bundesliga.
Toujours est-il qu'il faudra encore beaucoup d'années de travail à la Saudi Pro League pour atteindre le niveau du vieux continent ; si bien sûr l'objectif va au-delà de la Coupe du monde 2030, une compétition qu'est en train de convoiter ardemment le royaume des Saoud.
Mamadou Diop