AstraZeneca, le vaccin polémique
Homologué par l’Organisation mondiale de la santé, le vaccin AstraZeneca suscite la controverse. Beaucoup de pays, à l’exception de la France et du Sénégal, ont suspendu son injection, à cause des craintes liées à la formation de caillots sanguins. Des décisions que n’apprécie pas l’agence de l’ONU.
La vaccination suit son cours, au Sénégal. Il y a eu le lancement de la campagne, le 23 février, avec les 200 mille doses du vaccin Sinopharm. Puis la réception de près de 400 mille doses d’AstraZeneca. Ce qui constitue une masse assez critique pour mener une vaccination en masse. Sauf que le vaccin AstraZeneca fait polémique, bien qu’il soit homologué par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Mais sa suspension n’est pas à l’ordre du jour, au Sénégal.
Vendredi dernier, le ministre de la Santé et de l’Action sociale s’est voulu clair sur le sujet, au moment de recevoir un don du gouvernement indien constitué de 25 mille doses de ce même AstraZeneca.
Il précise que le Sénégal n’a encore relevé aucun cas qui mérite d’être posé en termes de pharmacovigilance. ‘’Tout se passe bien, dans le cadre de notre surveillance. S’il y a maintenant des cas dans un pays qui méritent à ce que le Sénégal prenne des dispositions… A notre niveau, au niveau de l’OMS, encore moins à l’Agence européenne du médicament et même dans notre dispositif de surveillance, il n’y a rien qui puisse effectivement nous inquiéter’’, dit-il. Rappelant que l’AstraZeneca est le deuxième vaccin homologué par l’Organisation mondiale de la santé. De plus, ils n’ont reçu aucune orientation spécifique pouvant les faire reculer par rapport à la vaccination.
Mais une chose est claire : le vaccin AstraZeneca, homologué par l’OMS à travers l’Initiative Covax, fait l’objet de toutes les attentions. Puisque des cas de formation de caillots sanguins lui sont imputés chez des personnes qui ont reçu cette dose. Dès le début de l’épidémie, il y eut différents débats sur ces vaccins. Et le directeur général de l’OMS a dénoncé, naguère, le fait que certains pays, faisant partie de l’Initiative Covax, aient démarré la vaccination avec d’autres vaccins. Une sortie que les gouvernants en question avaient jugé inopportune.
Méfiance
En tout cas, par mesure de précaution, la République démocratique du Congo (RDC) a reporté, ce samedi 13 mars, le début de sa campagne de vaccination avec l'AstraZeneca. Les autorités sanitaires de la RDC disent attendre les conclusions sur le lot du vaccin AstraZeneca qui serait lié aux troubles de la coagulation sanguine chez des personnes sur lesquelles il a été administré. Le ministre de la Santé, le Dr Eteni Longondo, souligne, pourtant, ce samedi 13 mars, qu'aucun lien n'a été "formellement prouvé". Malgré cela, dit-il, les experts sanitaires du pays ont pris la décision de reporter le début de la campagne de vaccination.
Toutefois, rapporte le ministre, les experts rassurent la population congolaise que le vaccin AstraZeneca est actuellement utilisé dans plusieurs pays, y compris en Afrique. Et que, dans plusieurs pays, les données de surveillance collectées n'ont pas rapporté ces cas de troubles de la coagulation sanguine. C’est le cas du Sénégal.
D'autres pays, dont la Thaïlande, la Bulgarie et la Norvège, ont tous interrompu leur campagne de vaccination, ces derniers jours, en raison des craintes suscitées. Le Danemark a suspendu, ce jeudi 11 mars, son utilisation, à cause de craintes liées à la formation de caillots sanguins chez des personnes vaccinées. Cette suspension intervient après des rapports de cas graves de formation de caillots sanguins chez des personnes qui ont reçu des doses du vaccin contre le Covid-19. Une enquête est en cours pour élucider cette affaire.
Néanmoins, le directeur de l'agence danoise, Soren Brostrom, indique qu’ils n’ont pas renoncé au vaccin AstraZeneca. "Il est important de souligner que nous n'avons pas renoncé au vaccin AstraZeneca, mais que nous faisons une pause dans son utilisation", a-t-il indiqué. Cinq autres pays ont suspendu son utilisation, par mesure de précaution.
L'Autriche a annoncé, en début de semaine, avoir cessé d'administrer un lot de vaccins produits par le laboratoire anglo-suédois. Cela, après le décès d'une infirmière de 49 ans qui a succombé à de "graves troubles de la coagulation", quelques jours après l'avoir reçu.
Le mercredi 10 mars, une enquête préliminaire de l'Agence européenne des médicaments (EMA) a souligné qu'il n'existait aucun lien entre le vaccin d'AstraZeneca et le décès survenu en Autriche.
En effet, jusqu’au 9 mars, seulement 22 cas de thrombose avaient été signalés pour plus de trois millions de personnes vaccinées dans l'espace économique européen, selon l'agence européenne. L'Estonie, la Lituanie, la Lettonie et le Luxembourg avaient suspendu, dans la foulée, les vaccinations avec des doses provenant de ce lot, livrées dans 17 pays et qui comprenait un million de vaccins.
L’Afrique du Sud est le premier pays à avoir suspendu l’administration du vaccin. Bien avant même que le Sénégal ne reçoive ses premières doses du vaccin Sinopharm.
Déployé à grande échelle au Royaume-Uni où il constitue, avec le vaccin Pfizer/BioNTech, le socle de la campagne ayant déjà permis d'administrer plus de 12 millions de premières doses, le vaccin est loin de connaître le même succès en dehors du pays où il a été développé par le laboratoire suèdo-britannique avec l'université d'Oxford. À l'origine de cette décision, une étude de l'université du Witwatersrand, à Johannesburg, qui affirme qu'il est efficace à seulement 22 % contre les formes modérées chez les jeunes adultes.
Le Sénégal et la France sont les deux pays à continuer la vaccination. Le ministre de la Santé français, Olivier Véran, a estimé, le jeudi 11 mars, qu’il n'y a pas lieu de suspendre les injections du vaccin d'AstraZeneca. Pour lui, le bénéfice apporté par la vaccination est jugé supérieur au risque, à ce stade. En conférence de presse, il a souligné que ce risque n'était statistiquement pas plus fort chez les patients vaccinés avec AstraZeneca que chez les autres.
La colère de l’OMS
Ici, au Sénégal, l'immunologue, expert en vaccin à l’Iressef (Institut de recherche en santé, de surveillance épidémiologique et de formation) Professeur Tandakha Ndiaye Dièye, est d'avis qu'il faut continuer la vaccination. Selon le spécialiste, les lots reçus par le pays diffèrent de ceux qui ont été incriminés. La surveillance continue comme dans tous les autres pays et les résultats rassurent. "Sur 5 millions de personnes vaccinées, une trentaine ont développé des effets secondaires. Et il faudra encore prouver que c'est imputable au vaccin", dit-il.
Par conséquent, le Pr. Dièye estime que les bénéfices dépassent largement les risques. Donc, il ne faudrait pas qu'on s'arrête.
Une thèse soutenue, ce week-end, par une des porte-parole de l’OMS, Margaret Harris, au cours d’une conférence à Genève. Pour l’agence sanitaire de l’ONU, les avantages du vaccin d’AstraZeneca l’emportent sur les données négatives le concernant. Il est donc recommandé, à ce stade, de continuer à l’utiliser, parce qu’il n’y a pas de raison de ne pas le faire. Margaret Harris souligne que le Danemark, l’Islande et la Norvège ont décidé de suspendre l’utilisation du vaccin d’AstraZeneca, par mesure de précaution. En outre, poursuit-elle, ils ont interrompu l’utilisation de lots de vaccins distincts.
De son côté, le Comité consultatif de l’OMS sur la sécurité des vaccins étudie les signaux et fera le point ultérieurement. ‘’Il est très important de comprendre que, oui, nous devrions continuer à utiliser le vaccin AstraZeneca. Tout ce que nous examinons, est ce que nous examinons toujours. Toute alerte de sécurité doit faire l’objet d’une enquête. Le vaccin devrait être utilisé parallèlement à l’enquête sur la cause de la thrombose’’, recommande Mme Haris.
En attendant, l’OMS souligne que la cause et l’effet des cas de thrombose sont actuellement étudiés avec soin. Car l’agence ne sait pas encore si une telle réaction était prévisible et comment elle est liée à ce vaccin en particulier.
Mais leur porte-parole n’arrive toujours pas à avaler la pilule de cette suspension par plusieurs pays. Sur ce, elle souligne qu’il faut que tout le monde soit assuré qu’ils étudient toutes les alertes de sécurité, quand ils distribuent des vaccins. En plus, ils doivent les passer en revue, mais il n’y a aucune indication de ne pas utiliser le vaccin d’AstraZeneca. ‘’Si nous n’écoutions pas les signalements sur la sécurité, cela laisserait entendre qu’il n’y a pas assez de surveillance et de vigilance’’, insiste Mme Harris.
Le sérum d’AstraZeneca est, pour le moment, le seul homologué par l’OMS avec le vaccin de Pfizer-BioNTech. Le produit d’AstraZeneca/Oxford est un vaccin à base de vecteurs viraux appelé ChAdOx1-S (recombinant). Il est produit sur plusieurs sites de fabrication, ainsi qu’en République de Corée et en Inde. A la mi-février dernière, l’OMS a constaté que le vaccin ChAdOx1-S est efficace à 63,09 % et convenait aux pays à revenu faible ou intermédiaire, en raison de sa facilité de stockage.
Plus de 300 millions de doses de divers vaccins distribuées dans le monde. ‘’Selon un bilan établi par l’OMS, aucun pays n’a encore signalé de décès lié à la vaccination’’, ajoute Mme Harris. Néanmoins, l’OMS soutient que les personnes ayant des antécédents de réaction allergique grave à l’un des composants du vaccin ne doivent pas être vaccinées. ‘’Le vaccin n’est pas recommandé pour les personnes âgées de moins de 18 ans, dans l’attente des résultats d’études complémentaires’’, annonce Mme Harris.
VIVIANE DIATTA