Publié le 25 Nov 2024 - 21:10
LUTTE ET VIOLENCE

Terreur et frayeur au stade

 

Ils ne se cachent plus ; ils opèrent au grand jour, au vu et au su de tous. Malgré une mobilisation exceptionnelle des forces de défense et de sécurité, hier, les bandits ont encore frappé à Pikine et ses environs. 

 

''Nous sommes face à un véritable problème de sécurité publique. Nous ne pouvons pas continuer de laisser les populations à la merci des délinquants''. C'est en ces termes que cet ancien fonctionnaire de la police se désole de la situation qui prévaut dans les alentours de l'Arène nationale, après chaque combat de lutte. Il ajoute : ''Moi-même qui vous parle, ma fille était venue me rendre visite. Il y a un instant - l'entretien a eu lieu vers 16 h - elle m'a dit qu'elle doit rentrer à cause du combat de lutte. Cela veut dire que les gens ont peur et ce n'est pas acceptable.''

C'est devenu un secret de polichinelle. Avant et après chaque grand combat, les bandits dictent leur loi sur les principales artères allant des quartiers des lutteurs à l'Arène nationale sise à Pikine-Ouest, à côté du Technopole. Le combat Modou Lo vs Siteu n'a pas dérogé à la règle.

Depuis vendredi, deux jours avant le combat qui s'est tenu hier, ils ont été nombreux les internautes à publier sur les réseaux sociaux les risques d'agressions dans les localités de Pikine, Diamagueune, Thiaroye, Cambérène, Patte d'Oie, Parcelles6Assainies... Et comme ils le craignaient, des agressions massives ont encore été perpétrées en amont comme en aval du combat. Une vidéo filmée en direct par le site d'informations générales Dakaractu a d'ailleurs été rendue virale sur la toile dans l'après-midi. 

Joint par téléphone, le reporter Cheikh Oumar commente : ''C'est un groupe de jeunes qui venaient de Diamagueune et qui allaient vers le stade. L'agression a eu lieu après Poste Thiaroye, à hauteur de l'usine. La victime était au bord de la route nationale en train d'attendre un bus. C'est là où l'agresseur l'a trouvé, l'a giflé avant d'arracher son téléphone et son porte-monnaie. Il n'y avait ni police ni gendarmerie dans les environs.'' 

''Nous avons vu un dispositif exceptionnel''

Plus loin, vers le stade, un dispositif impressionnant a été déployé. Habitant de la cité Technopole, Cheikh Sadibou Fall confirme : ''Nous avons constaté un dispositif sécuritaire exceptionnel, avec des éléments de la gendarmerie qui ont jalonné la route principale qui mène vers l'Arène nationale. Je ne me rappelle pas avoir vu un tel dispositif lors d'un combat de lutte. C'est peut-être à cause de l'envergure du combat et de la nature des supporters des deux camps.'' 

Grâce à ce dispositif, les cas d'agressions ont diminué dans les environs immédiats de l'Arène nationale, observe le journaliste. Mais comme d'habitude, les voyous agissent aussi loin du stade, sur le chemin, à l'aller comme au retour. Sadibou Fall : ''Personnellement, je n'ai pas constaté directement des agressions sur place, mais j'ai entendu des gens en parler vers Diamagueune, le quartier de Siteu.''

Par rapport aux précédents combats, M. Fall reconnait une certaine amélioration, en tout cas aux alentours du stade. ''Dernièrement, il y avait un combat - ce n'était même pas d'envergure - mais c'était catastrophique à la fin. Les voyous ont semé la terreur dans tout le quartier. Ils agissent en groupes et ils s'attaquent à tous ceux qui se trouvent sur leur chemin''. Dans le quartier, confie-t-il, chaque fois qu'il y a combat de lutte, c'est la psychose chez les riverains. ''Nous sommes dans un quartier très calme. Les gens ont peur de vaquer à leurs occupations, les jours de combat. De 9 h à 21 h, tu ne peux pas sortir parce que les délinquants rôdent''.

Pour que la peur change de camp

Pour beaucoup de citoyens, il est temps que la peur change de camp. Que les populations en tout temps et en tout lieu puissent continuer de circuler librement et en toute sécurité. À ceux qui s'interrogent sur les aptitudes des forces de défense et de sécurité à faire régner l'ordre même les jours de combat, l'ancien fonctionnaire de police tente de rassurer : ''Je ne pense pas que ce soit de l'impuissance. À mon avis, soit c'est de l'incompétence soit de l'inconscience. Si c'est l'incompétence, il faut mettre des gens compétents, car ça ne manque pas. Si c'est de l'inconscience, il faut que les gens en prennent conscience. Parce que cette situation ne peut pas continuer.''

Selon lui, la police et la gendarmerie ont tellement recruté ces dernières années qu'elles ne peuvent plus avoir d'excuses. 

Mais comment faire face à cette délinquance et lutter contre ce banditisme ? De l'avis de l'expert en sécurité publique, il faudrait d'abord faire la cartographie des quartiers criminogènes pour ensuite déployer un dispositif sécuritaire adéquat. À l'entendre, parfois, la simple présence d'une voiture de la police ou de la gendarmerie peut suffire. Il explique : ''Un voyou qui sort du stade, s'il a l'intention de faire quelque chose, il va prendre 10 à 20 minutes pour s'organiser. S'il voit une voiture de la police ou de la gendarmerie, il arrête de réfléchir. Il va encore marcher 20 à 30 minutes pour recommencer à penser. S'il voit une voiture, il arrête encore de penser. S'il le fait deux fois, il s'éloigne du point névralgique. Parce que nous sommes dans un cercle concentrique. Plus tu t'éloignes du lieu de rassemblement, plus c'est difficile d'accomplir ton forfait. Il faut jalonner à deux ou trois kilomètres à la ronde.''

Sur les points éloignés, il préconise des patrouilles, avec des véhicules qui se croisent en des intervalles réguliers. ''Nous avons connu ce genre de situation dans le passé avec la lutte comme avec les navetanes, mais on a su le gérer'', a-t-il renchéri. La difficulté, a-t-il insisté, c'est par rapport aux preuves. ''On essayait de les emmerder, de les dissuader de recommencer. Mais c'est difficile de trouver des preuves contre eux, même si leur culpabilité ne fait l'objet d'aucun doute''.

 

Témoignage d’une victime

Sur les réseaux sociaux, les témoignages des victimes et des citoyens font florès. ‘’EnQuête’’ a pu interpeller la consœur Angelina Gomis qui a failli être lynchée lors d'un combat de lutte. Elle raconte : ''Je revenais d'un séminaire à Saint-Louis. À bord d'un 4x4 que nous avions pris en location avec une consœur de Trade FM, nous étions tombés sur des agresseurs à hauteur de la station EDK de Pikine, à côté du Technopole. Pris de panique, le chauffeur qui, dans les normes, devait nous ramener à Guédiawaye, avait décidé de nous abandonner sur place. Sur un ton nerveux, il nous avait sommées de descendre de son véhicule pour pouvoir rebrousser chemin.'' La peur dans le ventre, Gina est alors descendue véhicule et a essayé de se mettre en sécurité à côté des gendarmes qui étaient stationnés  à côté. À sa grande surprise, ces derniers l'avaient chassée des lieux. 

Paniquée, elle a pu traverser la route pour se réfugier à l'intérieur d'un restaurant et d'appeler son chauffeur qui, heureusement, n'a pas tardé de se pointer. ''C'est au moment d'entrer dans la voiture qu'un groupe de jeunes est venu nous attaquer. Ils voulaient coûte que coûte prendre mes bagages. Heureusement, le chauffeur a pu démarrer très vite. J'ai eu la peur de ma vie. J'ai dû éteindre mon téléphone alors que mes collègues qui peinaient à me joindre s'inquiétaient. Ils ont dû appeler chez moi pour voir si je suis bien arrivée. Toute ma famille était inquiète et se demandait ce qui m'est arrivé. Nous avons fait plus d'une heure entre Pikine et Guédiawaye, et les bandits étaient partout pour semer la terreur'', se remémore la jeune journaliste qui invite les autorités à prendre en charge cette lancinante question. 

Le pire est que sur tout le chemin, Mlle Gomis n'a cessé de penser à ce genre de scénario à cause des alertes. Ce qui la pousse à se demander pourquoi des dispositions suffisantes ne sont pas prises. ''J'avais lu une publication sur Facebook ; j'en avais même fait part aux confrères avec qui j'étais dans la voiture, je ne pouvais imaginer que cela allait tomber sur nous. L'État doit prendre ses responsabilités face à cette insécurité récurrente. On ne peut pas être casanière chaque dimanche parce que simplement il y a un combat de lutte. Personne n'ose sortir maintenant de chez lui, les rues sont souvent vides, les activités à l'arrêt. Nous sommes vraiment fatigués...''

 

 

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