Les populations saluent la baisse ‘’modique’’, mais ‘’impactante’’
C’est hier lundi 24 juin que la mesure sur la baisse des prix de quelques denrées de première nécessité est entrée en vigueur. Les Sénégalais vont débourser un peu moins qu’à l’accoutumée, soit 155 F, pour avoir le litre d’huile, le kilo de riz non parfumé et le kilo de sucre. À Matam, certains commerçants avaient déjà trouvé la parade pour amortir la baisse imposée par le gouvernement. Ils avaient augmenté certains produits durant la semaine suivant la Tabaski, au grand désespoir des clients impuissants.
‘’Une baisse, aussi minime soit-elle, est toujours une bouffée d'air pour le portefeuille du ‘goorgoorlu’’’, dit le maçon Mamadou Mansour, la quarantaine, en réponse à une remarque d’un client qui se plaignait du caractère ‘’insignifiant’’ des baisses annoncées par le gouvernement de Bassirou Diomaye Faye.
En effet, dans la 11e région du Sénégal, la baisse divise. Si la majorité applaudit la mesure, une partie se montre bien déçue des ‘’montants dérisoires’’ diminués sur les tarifs.
À 10 h, au quartier Moderne 3 de Ourossogui, le soleil avait déjà braqué ses rayons infernaux sur l’atmosphère lourde de ce début d’hivernage. La boutique de Mass est achalandée ; c’est l'une des plus fréquentées. Plus de sept personnes patientent. Les mots fusent de partout : ‘’Mass, dépêche-toi !’’, ‘’Mass, j’ai trop tardé dans ta boutique’’. Les femmes rouspètent, s’impatientent, mais le boutiquier réponde toujours avec le sourire : ‘’Je suis désolé, yaye boye, une minute et je suis à toi.’’
À cette heure de la journée, c’est l’huile et le riz qui sont les produits les plus demandés. Fatima a bien suivi les informations sur la baisse qui est entrée en vigueur le lundi 24 juin. Elle achète comme tous les jours 3,5 kg de riz non parfumé. Elle a remarqué une réduction de 140 F CFA par rapport au montant déboursé la veille. ‘’Vraiment, c'est une mesure qu’il faut saluer, surtout pour les couches défavorisées comme nous, dit-elle. Chaque franc de moins que nous sortons a son impact dans nos ménages. Aujourd’hui, j’ai économisé 140 F CFA, rien que sur le riz que nous consommons. Cette somme est loin d’être dérisoire pour nous. Elle peut servir à acheter du couscous pour ma petite fille, si mon mari ne trouve rien pour le dîner. Nous sommes contents du président en espérant bien sûr qu’il y aura très prochainement d’autres réductions’’, espère la deuxième femme d’un mécanicien.
Pour Mariama, une enseignante de l’élémentaire et mère de trois enfants, le gouvernement d’Ousmane Sonko a bien fait, même s’il pouvait largement faire mieux. ‘’La baisse des prix des denrées est une bonne chose pour les populations. Nous saluons cette décision du chef de l’État qui vient à son heure, car les Sénégalais souffrent de la cherté du coût de la vie. Cependant, je trouve que Bassirou Diomaye Faye pouvait largement faire plus d’efforts en appliquant une baisse plus significative. Par exemple, le kilo du riz aurait dû baisser jusqu’à 250 F CFA et l’huile jusqu’à 500 ou 650 F CFA. Cela aurait été un grand coup pour le nouveau régime en qui les populations fondent un immense espoir’’, souligne-t-elle.
Chez Mass, la baisse des prix est effective. Il n'a pas voulu ramer à contre-courant de la loi. ‘’Aujourd’hui, j’ai appliqué la mesure sur la baisse des prix du riz, de l’huile et du sucre. Comme annoncé, j’ai vendu le kilo du riz non parfumé à 410 F CFA, révèle le boutiquier originaire de Diourbel. Je suis un citoyen et je ne suis pas au-dessus des lois. Si l’État décide de diminuer les prix, je dois les appliquer, même si quelque part ça ne nous arrange pas, parce que nous avons un stock que nous n'avons pas encore écoulé,’’ philosophe Mass.
La parade de la hausse avant la baisse
Chez certains boutiquiers, une légère hausse sur le litre d'huile avait été appliquée, au lendemain de la Tabaski. Seynabou est une mère de famille qui était allée célébrer la ‘’fête du mouton’’ à Touba avec son mari. À son retour, le vendredi, elle a été surprise de constater que l’huile avait connu une hausse. ‘’J’ai été étonnée quand le boutiquier m’a dit que le prix de l’huile a connu une hausse, alors que le gouvernement avait annoncé une baisse, même si la mesure n'entrait en vigueur que ce lundi. Je trouve que ce n’est pas normal ; les boutiquiers ne doivent pas augmenter les prix comme ils le souhaitent. Mais ici, dans le Fouta, il n’y a aucun contrôle. Les boutiquiers dictent leur prix au vu et au su de tout le monde. Il est très fréquent de voir dans un même quartier deux boutiquiers vendre un même produit à un prix différent. On se demande s’il existe des contrôleurs dans cette région’’, s’interroge-t-elle.
Le boutiquier, qui n'a pas voulu décliner son identité, a effectivement concédé la hausse de la semaine dernière, mais selon ses explications, c’est une hausse qui ne lui est pas tributaire. ‘’Ce sont les grossistes qui imposent la hausse. Ils avaient augmenté 1 000 F CFA sur le bidon d’huile. À ce prix, nous sommes obligés de le répercuter sur le prix de vente. C’est au lendemain de la fête que cette hausse a eu lieu. Mais aujourd’hui (lundi), nous nous sommes conformés à la loi’’, précise-t-il.
Hors micro, il nous révèle que c’était sûrement une stratégie de la part des grossistes pour limiter les pertes. ‘’Je pense que cette hausse improvisée était une manière de combler le manque à gagner sur les baisses qui s’appliquent aujourd’hui. Ainsi, même s’il y a un stock qui n’est pas encore écoulé, on aura déjà notre bénéfice’’, nous confesse-t-il.
L’espoir de voir la baisse des prix être appliquée dans toutes les boutiques de la région de Matam reste entretenu par l’implication des ‘’badienou gox’’ et des chefs de quartier dans le contrôle. Pour les populations, c’est un grand pas en avant du gouvernement de Bassirou Diomaye Faye pour soulager les populations.
Djibril BA