Le gouvernement invité à prendre ses responsabilités
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Les migrants sénégalais rapatriés il y a peu, à partir d’Agadez, demandent à l’Etat du Sénégal de sortir de son mutisme. Ils sollicitent une assistance physique et morale, en plus d’une insertion dans le monde professionnel.
Le 19 août dernier, 28 migrants ont foulé à nouveau le sol sénégalais. Partis à l’aventure, à la recherche d’un mieux-être, ces Sénégalais ont été rapatriés par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), après avoir passé plus de trois mois dans le désert d’Agadez (Niger).
Face à la presse hier, ils ont demandé l’accompagnement de l’Etat. ‘’On a souffert en ces lieux. Vous ne pouvez même pas imaginer ce qu’on a traversé. Nous sommes rentrés, mais depuis, nous n’avons aucune aide du gouvernement. Certains ont été frappés, pendant le voyage, mais à leur arrivée, ils n’ont eu aucune assistance physique, ni morale. On les a laissés retourner dans leurs familles respectives dans un piteux état, livrés à eux-mêmes. Il y en a parmi nous qui ont des séquelles psychologiques. Les autres nationalités bénéficient pourtant de l’aide de leur gouvernement, mais nous, c’est comme si on appartient à aucun gouvernement. Il n’a pris aucun engagement face à la situation’’, décrit le président du collectif des migrants recalés d’Agadez.
Si certains sont rentrés de manière volontaire, d’autres ont subi un refoulement. A ce jour, 29 autres migrants sont retenus à Agadez. Le collectif déplore les actes de racisme fortement ancrés dans le Maghreb. Toutefois, ses membres soutiennent qu’ils n’avaient plus le choix. ‘’En rentrant, explique Modou Thiaw, on se fait prendre nos téléphones et tout notre argent. Pourtant, il y a l’ambassade de l’Algérie au Sénégal. Pourquoi nos affaires ne sont pas amenées là-bas pour qu’on puisse les récupérer ? On te refoule sans rien et on te jette dans le désert. Le gouvernement sait tout cela, mais il n'agit pas. Si on avait un accompagnement ici, on n’aurait jamais tenté l’aventure. Nous ne sommes pas des vagabonds. Certains parmi nous sont des étudiants, d’autres des ouvriers’’.
Ce maraîcher affirme avoir fait tout son possible pour avoir un espace de culture (1 ha) sans jamais y arriver. Au contraire, il lui a été proposé un revenu de 2 000 F CFA par jour ou encore 45 000 F CFA par mois. Certains membres du collectif soutiennent avoir travaillé pour des tiers sans recevoir un seul franc. C’est face à ces déboires qu’ils ont décidé de quitter le Sénégal pour l’Algérie, le Maroc ou la Libye, en attendant de pouvoir rejoindre l’Europe. Modou Thiaw et ses camarades demandent une insertion professionnelle à l’Etat du Sénégal, car, disent-ils, ils ne manquent pas de compétences.
L’OIM pointée du doigt
Par ailleurs, l’Organisation internationale pour les migrations est accusée d’un ‘’détournement de financement’’. Selon les migrants, l’institution affine sa communication en faisant croire à ses bailleurs qu’elle est active. Mais, en réalité, le financement promis à ces jeunes porteurs de projet ne se pointe jamais. L’OIM serait plus encline à se débarrasser de ces jeunes qu’à les accompagner, comme il est prévu dans les textes qui la régissent. Ce qui accentue, selon le collectif, de nouvelles tentatives parmi les refoulés.
‘’Il faut qu’ils soient accompagnés. Nous entendons encore cette jeunesse en situation de détresse et de vulnérabilité chronique qui constitue aujourd’hui l’urgence absolue. Il faudra que l’Etat prenne ses responsabilités dans ce dossier, pour une meilleure prise en charge des problématiques liées au chômage chronique des jeunes. Il faut les accompagner ; il faut les écouter ; il faut les insérer dans le tissu social et économique, sinon, ce seront d’autres potentiels candidats à l’émigration clandestine. Il faut que l’accent soit mis sur la prise en charge de cette jeunesse’’, plaide pour sa part le président de l’Organisation pour la défense et l’orientation des migrants Horizons sans frontières.
EMMANUELLA MARAME FAYE