Publié le 9 Oct 2012 - 22:30
MODOU DIAGNE FADA (PRÉSIDENT DU GROUPE PARLEMENTAIRE DÉMOCRATES ET LIBÉRAUX)(Suite et fin)

«Macky Sall est pris en otage, il ne fera rien»

 

Pour le dernier ministre de la Santé de Me Wade, les dés de la gouvernance Macky Sall sont d'ores et déjà pipés. Il n'en sortira donc aucun résultat positif pour les Sénégalais.

 

Des anciens de l’Ujtl ont demandé l’exclusion de l'ex-Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye qui a dénoncé un prix bidon remis à Me Wade par le Fora. Y êtes-vous favorable ?

 

Nous sommes dans le cadre d’un parti démocratique. Ce qui m’engage, c’est le dernier communiqué du Comité directeur du Pds. Nous avons déclaré que le Pds salue le Prix Fora, félicite le président de la République Abdoulaye Wade pour avoir été désigné lauréat de ce Prix FORA. Et nous pensons que c’était important de rendre hommage à un homme multidimensionnel. C’est la raison pour laquelle nous avons massivement participé à cette cérémonie. Maintenant, qu’un responsable du parti ait une autre position, c’est sa liberté. Je ne commente pas les points de vue défendus en dehors du parti. C’est un droit absolu.

 

Par le passé et pour moins que cela, vous avez eu à traduire des responsables devant la commission de discipline.

 

Qui ?

 

Par exemple Yankhoba Diattara, Idrissa Seck…

 

(Il coupe) Que ça soit Diattara, Idrissa Seck, que ça soit d’autres responsables qui ont été auditionnés par la Commission de discipline, ce n’est pas la suite d’une appréciation d’un Prix donné au président de la République.

 

Au cours de cette cérémonie de distinction, Me Wade a appelé les libéraux à se regrouper entre eux, les socialistes entre eux. Est-ce réaliste ?

 

Le président Wade a raison. Le débat politique a besoin d’être clarifié. On ne peut pas faire abstraction de l’idéologie. Je suis un libéral et je suis fier de l’être. Je connais des socialistes qui sont fiers de l’être. Ceux qui se ressemblent s’assemblent. Mais au Sénégal, ce n’est pas une priorité. On voit des socialistes gouverner avec des libéraux, des libéraux gouverner avec des socialistes. Il peut y avoir certes des variantes. Moi, je suis un libéral de centre gauche, il peut y avoir un libéral de centre droit, un libéral du centre centre. Allez à l’UMP (Union pour une majorité populaire, parti dominant de droite en France), ils sont tous de la droite. Il y en a qui sont de la droite droite, d'autres qui se réclament de la droite gauche, mais ils sont tous de la droite de manière générale. Au Sénégal, les libéraux doivent travailler ensemble, gérer ensemble. C’est valable pour les socialistes. Mais ce gouvernement «supu kanja» là ! La démocratie sénégalaise mérite plus que cela.

 

Pendant 12 ans, vous avez pourtant cheminé avec des partis d’obédiences diverses et colorées.

 

On peut le comprendre avec la première alternance de 2000. On peut aussi le comprendre avec la deuxième alternance intervenue le 25 mars 2012, mais il est venu le moment d’enclencher la réflexion pour que demain, ceux qui arriveront au pouvoir, gouvernent avec ceux avec qui ils partagent les même idées.

 

Comment appréciez-vous les 6 mois de Macky Sall à la tête du pays ?

 

Catastrophique ! «cin bu nàree neex bu bàxee xeegn» (NDLR : Ce qui s'annonce ne présage rien de bon). Maintenant, je suis convaincu que Macky Sall ne pourra pas gérer le pays et ne fera pas de résultats.

 

Pourquoi ?

 

Parce qu’il est en tenaillé, pris en otage. Il y a plusieurs centres de décisions.

 

Lesquels ?

 

Il y en a plusieurs. On décide au Palais, dans le parti, dans Benno Bokk Yaakaar, à partir de l’Assemblée des leaders. On ne peut pas gérer un pays comme ça. C’est la raison pour laquelle Macky Sall a des problèmes pour prendre en charge les préoccupations des Sénégalais. C’est lui qui avait dit qu’il allait baisser les prix des denrées de première nécessité ! Son équipe de campagne avait même fait des projections pour dire que le prix du riz allait être vendu à 300 francs et plus, que le sucre allait baisser. Aujourd’hui, le sucre importé coûte plus de 800 francs, le sucre en poudre est à plus de 600 francs. Le kilogramme du riz parfumé coûte plus de 500 francs, et il y a l’essence, le gaz butane, les factures d’électricité... C’est lui qui s’était aussi engagé à créer des emplois. Vous avez suivi à travers la presse des entreprises qui ont fait faillite et qui ont licencié du personnel. Au lieu de créer des emplois, il est en train d’aggraver le chômage. Quand il aura fait 12 mois, ce sera catastrophique.

 

Le président Macky Sall a quand même hérité d’une situation économique catastrophique

 

Quelle situation catastrophique ?

 

Il y a un déficit budgétaire de plus de 400 milliards sous votre règne.

 

(Il coupe). Le déficit budgétaire… Nous avons emprunté de l’argent pas pour fonctionner, mais pour investir. Créer des infrastructures, faire des autoroutes, créer des aéroports, faire des hôpitaux, des écoles. Ces investissements-là sont en train de rapporter de l’argent. Vous avez entendu le président dire qu’il compte sur l’autoroute à péage qui, je le rappelle, permet à l’Etat du Sénégal de collecter 200 millions de francs par mois. Cela est un faux-débat. D’ailleurs, il faut être crédible pour pouvoir s’endetter. Ils se sont même rendu compte qu’ils ont passé 3 mois pour emprunter 950 milliards de francs Cfa. L’endettement fait partie des règles économiques de fonctionnement d’un État sérieux. Quand on quittait le pouvoir, nous leur avons laissé un budget de 2500 milliards de francs Cfa. Le Sénégal avait respecté 9 des 10 critères de convergence de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest africaine). Nous avons respecté les critères de convergence de la Cedeao. Nous avions un pays qui était en voie d’émergence, un pays où les investisseurs étaient très enthousiastes de construire le Sénégal. Aujourd’hui, les investisseurs fuient le Sénégal à cause des suspicions. Ils ont bloqué toutes les entreprises.

 

Comment ?

 

Beaucoup d’entre elles ne sont pas payées. S’il (le pouvoir) continue à bloquer l’argent des entreprises, elles seront obligées de licencier. On a arrêté tous les chantiers pour dire qu’il faut auditer.

 

Par rapport aux audits, vous aviez défié le Premier ministre Abdoul Mbaye en ces termes : «Si vous avez quelque chose contre nous, sortez-le !»

 

Je le défie encore ! Et la réponse du Premier ministre a été : «Nous continuons à chercher les milliards soi-disant planqués à l’extérieur, mais cela pourrait prendre même 10 ans.» Il fait du bluff. Il voulait faire comprendre aux Sénégalais que tant que nous ne recevons pas ces milliards planqués à l’étranger, nous ne progresserons pas dans la prise en charge de leurs préoccupations. Or, ce n’est qu’une vue de l’esprit. Et les populations les ont découverts. Il faut qu’ils comprennent qu’il faut travailler, bien travailler pour pouvoir développer le Sénégal.

 

PAR DAOUDA GBAYA

 

 

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