''Pour plus de richesses, le PIB doit progresser''
De passage à Dakar, à la faveur de la visite du Roi Mohamed VI, Mohamed el-Kettani, président-directeur général de Attijariwafa Bank, première banque marocaine, a accepté de répondre à quelques questions de EnQuête et de Nettali.net. L'occasion pour ce manager d'aborder plusieurs sujets, dont l'expansion du groupe chérifien en Afrique de l'Ouest et du Centre et la contribution que ce mastodonte bancaire marocain entend apporter à l'économie et au développement social du Sénégal.
L’on a noté une implantation du Groupe Attijariwafabank au Sénégal, en Mauritanie, au Burkina, au Mali et même en Afrique centrale, notamment au Gabon et au Cameroun. A quoi obéit cette logique d’expansion soudaine en Afrique noire?
Ayant réussi une grande fusion bancaire au Maroc entre deux banques centenaires, Banque Commerciale du Maroc (Attijari) et Wafabank, opérée entre 2004 et 2006, la nouvelle banque Attijariwafa Bank a atteint une taille critique et des moyens conséquents, surtout sur le plan humain. Nous disposions ainsi de capacités solides pour envisager des relais de croissance à travers un plan d’expansion à l’échelle continentale. La première étape de notre plan de développement couvre le Maghreb, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale. Sur les six dernières années, nous avons réalisé notre implantation dans 10 pays, essentiellement par acquisitions de banques de référence sur leurs marchés respectifs.
Comment percevez-vous le marché sénégalais, sous-régional et l’économie de ces pays ? Pensez-vous qu’il y a des perspectives sérieuses ?
Le Sénégal, depuis notre première implantation en 2005, a connu un développement continu et relativement régulier. Certes, il est souhaitable, et la volonté des autorités est manifeste dans ce domaine, que la progression du PIB soit plus importante afin de créer plus de richesses pour le pays. Plusieurs projets sont d’ailleurs prévus et pour certains, entamés, dans divers domaines tels que l’agriculture, l’immobilier, les infrastructures, l’énergie, les mines, etc. Les perspectives sont donc très prometteuses et le groupe Attijariwafa Bank y est fortement engagé auprès des opérateurs, qu’ils soient privés ou représentant les intérêts de l’Etat. C’est donc avec beaucoup d’optimisme teint de réalisme que nous envisageons notre avenir au Sénégal.
Y a-t-il dans votre stratégie de développement en Afrique un projet de «panafricaniser» le management du groupe, comme c’est le cas dans d’autres groupes africains ?
Cette volonté existe depuis le départ et je dirais même qu’elle s’impose en raison des caractéristiques de notre métier qui se fait à travers la proximité et les contacts avec nos clients. Dans toutes nos filiales, nous procédons à un dosage judicieux entre les cadres locaux et ceux issus du groupe. Il s’agit d’arrimer la gestion des banques à la maison mère tout en lui laissant les marges de manœuvre suffisantes pour se développer sur son propre marché. De cette manière, vous ne trouverez dans les banques qu’un nombre limité de cadres expérimentés et ayant passé plusieurs années dans des fonctions de responsabilité au sein du siège pour accompagner leurs collègues dans nos filiales hors du Maroc. Et à ce titre, je tiens à souligner que sur les 5 000 collaborateurs du Groupe hors Maroc, nous comptons moins de 30 expatriés marocains. Par ailleurs, nous comptons aussi plusieurs cadres issus de nos pays de présence dans nos unités au Maroc et qui, par le jeu du croisement des compétences et des cultures, contribuent chaque jour à «panafricaniser» le management du groupe Attijariwafa Bank.
Après plusieurs années passées au Sénégal, pourriez-vous faire un bilan de votre présence dans notre pays ? Quelles perspectives aussi ?
Difficile de faire un bilan complet sur quelques lignes, mais ce que je peux vous dire, c’est que ce fut et cela continue à être un défi passionnant et largement relevé. Rappelez-vous, en 2005, nous avions commencé par créer une banque ex-nihilo, Attijariwafa Bank Sénégal. Ensuite, nous avions acquis la BST (Banque Sénégalo-Tunisienne) et nous avions, dans la foulée, fusionné les deux pour la nommer Attijari Bank Sénégal. Fin 2007, nous avions conclu un accord avec la famille Mimran pour l’acquisition de CBAO et nous avions, immédiatement après, fusionné cette grande banque avec Attijari Bank Sénégal en donnant naissance à CBAO Groupe Attijariwafa Bank que vous connaissez aujourd’hui. Parallèlement, dans le cadre d’un accord global avec le groupe français Crédit Agricole, la dernière acquisition du Crédit du Sénégal a été finalisée. Enfin, nous avons créé une succursale de CBAO au Burkina Faso. Parallèlement, plusieurs grands projets de développement et de restructuration ont été menés : développement significatif du réseau d’agences aussi bien à Dakar que dans les régions, élargissement de la gamme de produits et services, extension du réseau des guichets automatiques bancaires, accroissement du nombre de clients, augmentation des capacités du système informatique pour ne citer que ceux-là. Comme vous pouvez le constater, nous œuvrons continuellement à construire une grande banque avec des capacités extrêmement importantes pour accompagner le développement du pays et répondre de la manière la plus adaptée, et aux meilleurs standards, aux attentes de nos clients.
Dans certains médias de la place, il a été fait état d’un rachat par votre groupe, d’une société d’assurance de la place, même si ce n’est pas sur la place publique. Peut-on voir là une stratégie d’évolution vers la banque Assurance comme c’est aujourd’hui la tendance dans le monde ?
Le groupe Attijariwafa Bank est leader au Maroc dans la banque, cela est relativement connu, mais ce qui l’est peut-être moins, c’est qu’il l’est aussi dans l’assurance à travers Wafaassurance. Nous avons en effet bâti, depuis plusieurs décennies, une solide expérience en banque assurance et aujourd’hui, ce modèle qui consiste à rapprocher la banque de l’assurance contribue significativement dans les résultats consolidés du groupe. Le plan stratégique prévoit effectivement une croissance externe de notre filiale Wafaassurance dans les régions où la banque est implémentée, mais je ne peux vous en dire plus pour le moment.
Au Sénégal, votre groupe développe deux marques : une sous CBAO adossée à Attijari et une seconde sous la marque «Crédit du Sénégal» également adossée au groupe. Quelle est la logique de faire cohabiter deux marques de cette manière-là, alors qu’elles sont toutes deux dans la banque de détail ? Y a-t-il un projet voire une stratégie derrière, à terme ?
Ces deux banques sont en fait complémentaires. Le positionnement du Crédit du Sénégal se limite à Dakar et développe ses activités dans une frange particulière de la clientèle alors que CBAO a un projet beaucoup plus large. Les résultats obtenus par le Crédit du Sénégal depuis sa reprise en 2009 sont au-dessus de nos prévisions, qui étaient très optimistes au départ. Nous sommes aujourd’hui satisfaits de cette double présence et nous nous employons à la rendre créatrice de valeur pour nos clients, pour l’économie sénégalaise et pour le groupe Attijariwafa Bank.
Quelle innovation peut-on attendre de la part de votre groupe, en termes d’accompagnement des Pme/Pmi, de l’industrie, de l’habitat social, de la politique d’emploi et surtout des infrastructures ?
Ce qui est certain, c’est l’évolution continue des besoins de la clientèle et la nécessité pour nous, banquiers, de nous y adapter en permanence en étant à l’écoute du marché. Aujourd’hui, les économies de nos pays ont atteint la maturité et disposent des compétences nécessaires pour se prendre en main et être leur propre acteur de développement pour l’orienter dans le sens des intérêts du pays. Effectivement, le financement de l’économie nécessite de la part d’acteurs banquiers comme nous de mobiliser massivement l’épargne et cela nécessite des moyens de captation de clients et de bancarisation conséquents. C’est ce que nous faisons en développant notre réseau d’agences partout au Sénégal. Ensuite, il faut financiariser les agents économiques, qu’ils soient particuliers, Très Petites Entreprises, Moyennes ou Grandes Entreprises en leur apportant les solutions adaptées pour gérer leurs flux avec leurs clients et fournisseurs. Et enfin, apporter les financements et concours pour l’accompagnement du cycle d’exploitation ou les investissements. Dans les domaines que vous citez, l’expérience acquise par les équipes du siège est considérable et elle est apportée à nos filiales qui en ont besoin. Nos contributions et innovations dans ces domaines sont multiples et se matérialisent donc par les compétences de nos femmes et hommes de CBAO et de Crédit du Sénégal, qui sont devenues, aujourd’hui, une référence sur la place sénégalaise.
PAR CHEIKH KOUYATE & MAMOUDOU WANE