''Le PS, en termes de suffrages, est à un niveau trop bas pour prétendre à court terme se relever tout seul''
L'ancien Directeur général du Port autonome de Dakar (Pad) s'est décidé à retrouver son statut de leader politique. Reconduit à la tête de la 25e coordination de Rufisque du Parti socialiste (PS), Pathé Ndiaye, poursuivi en 2001 pour ''abus de biens sociaux'', puis blanchi, entend marquer son retour sur la scène politique.
Votre nom est associé au Port autonome de Dakar que vous avez eu à diriger sous le régime socialiste. Vous êtes également un homme politique qui a eu à surseoir à ses activités pendant plusieurs années pour avoir été placé sous contrôle judiciaire. Qu'est-ce qui vous a poussé à sortir aujourd'hui de l'ombre ?
J'ai volontairement suspendu mes activités politiques, en accord avec mes collaborateurs politiques à Rufisque et ma famille, car, à l'époque, la pression était grande sur moi. J'étais convoqué chaque semaine soit à la Division des investigations criminelles (Dic) soit à la Cour des comptes.
Et comme nous étions en campagne électorale pour les législatives de 2002, je ne voulais pas porter préjudice d'une part à mes amis du PS à Rufisque car n'ayant pas beaucoup de temps pour m'impliquer dans une campagne électorale, d'autre part à mon parti. Car les rumeurs diffusées dans la presse pouvaient avoir des effets néfastes en terme de résultats. Je ne pensais pas que cette période allait durer aussi longtemps. Malheureusement, cette période a duré plus de 8 ans.
Le fait d'avoir été épinglé par l'audit du Port, puis innocenté, vous a-t-il dopé ?
Je dirai que je suis naturellement revenu, après avoir été blanchi par la Justice, pour reprendre mes activités politiques. Un homme politique doit être libre pour pouvoir agir et parler la conscience tranquille. Il ne doit pas traîner des casseroles. Mes ambitions demeurent les mêmes : participer au développement de ma ville que j'adore, la rénover, lui faire retrouver ses couleurs et ses valeurs ; participer également au développement de mon pays en mettant à disposition mes compétences et mon expérience professionnelles.
''Le PS n'a jamais pris position officielle pour défendre les divers responsables politiques, DG de sociétés d’État et autres, qui ont été agressés par le régime de Wade''
On imagine que cet épisode de votre vie vous a affecté
Oui bien sûr que cela m'a beaucoup affecté et déstabilisé au départ. Mais j'ai dû parler à ma famille pour la préparer au déballage médiatique, notamment mes enfants et afin qu'ils puissent se défendre, en cas d'agressions verbales qui sont courantes dans ces situations. Mais j'ai été beaucoup soutenu par ma famille.
Il s'agit de mon grand-frère, Malé, aujourd'hui rappelé à Dieu. Chaque fois que j'avais rendez-vous à la DIC, je le trouvais à l'arrivée et à ma sortie souvent très tardive. Me Aïssata Tall Sall qui, par amitié, s'est volontairement constitué pour me défendre et qui m'a accompagné jusqu'au bout de manière très efficace.
Me Mbaye Jacques Diop, bien que n'étant plus avec nous politiquement, s'est souvent déplacé jusque chez moi et m'appelait souvent. Mamadou Diop, ex maire de Dakar, qui m'a pris à ses côtés quand il était président de l'association des maires, comme coordonnateur de la cellule d'administration des élus Locaux.
C'est normal que vos camarades de parti vous soutiennent...
Le PS n'a jamais pris position officielle pour défendre les divers responsables politiques, DG de sociétés d’État et autres, qui ont été agressés par le régime de Wade jusqu'à mettre en prison un bon nombre. Certains n'ont pas supporté (la prison) et sont morts en prison.
Qui sont-ils ?
je pense à Mamadou Diallo dit ''Cuba'', ex DG de la SODEFITEX, responsable PS à Kédougou ; Papa Ousmane Diallo, ex DG de la SODEVA et responsable politique PS à Saint-Louis. Qu'ils aient commis des fautes de gestion ou non, le devoir du parti était de les défendre et de s'exprimer, comme le fait actuellement le PDS vis à vis de ses collaborateurs. Mais j'étais convaincu que je m'en sortirai proprement, car j'ai toujours su faire la part des choses entre mes activités politiques et mes activités professionnelles.
Vous avez été reconduit récemment à la tête de la 25e coordination des socialistes de Rufisque. Quelles sont aujourd'hui vos ambitions politiques ?
J'ai voulu reprendre de manière démocratique et transparente la Coordination dans laquelle j'ai toujours milité et que j'ai dirigée avant la suspension de mes activités. C'est ainsi que j'ai été investi démocratiquement par les militants de la 25e Coordination dans son écrasante majorité : 4 sections sur 6 ! Mais, il y a un problème qui existe que la direction du parti doit trancher, car quelqu'un d'autre qui n'est pas du ressort territorial de la coordination prétend avec 2 sections avoir monté une coordination.
Il y a aussi lieu de souligner que les renouvellements internes au PS qui se déroulent partout, tirent en longueur et risquent de créer des dégâts relativement aux élections locales, tant les divisions et les déchirements et scissions sont nombreux. Nous attendons la décision d'arbitrage du parti. Force est de souligner que nous devons reprendre le travail de mobilisation et de massification du parti en direction des élections locales.
Comptez vous allez ou non avec BBY à Rufisque ?
Notre volonté est d'aller en équipe aussi bien pour gagner que pour gérer les différentes communes de Rufisque. Nous allons formaliser très bientôt et rapidement cette coalition. Nous avons déjà eu des discussions avec l'APR et d'autres partis.(...)
Il paraît que votre retour sur la scène politique n'a pas été facile
Des difficultés se sont posées, c'est vrai, à cause des enjeux liés à l'acte 3 de la décentralisation. Mais j'ai bien été accueilli au départ. J'ai fait ma rentrée politique en février 2010 avec la bénédiction des responsables du Parti socialiste. Mais depuis qu'il y a des renouvellements et des enjeux électoraux, de jeunes responsables politiques me font la guerre. Il faut souligner que l'union communale n'est pas structurée du fait que les camarades ne sont pas unis. (...)
Moustapha Niasse a récemment déclaré que son parti, l'AFP, ne présentera pas de candidat en 2017 face à Macky Sall. Quelle est votre appréciation ?
La sortie de notre doyen Moustapha Niasse, pour lequel j'ai beaucoup d'estime et de respect, pose une problématique qui touche sans doute tout parti engagé dans la coalition BBY. Que cette problématique soit discutée ou non : elle est là dans les esprits des responsables. En somme, comme l'a dit Shakespeare: "To be or not to be, That the question !'' C'est une question à débat que tout parti doit prendre en compte et instaurer une discussion démocratique dans ses instances de direction.
A mon avis, il faut soutenir le Président Macky Sall, nous l'avons élu et sommes dans la coalition BBY avec un programme d'actions assumé par ladite coalition, quoi qu'on en dise.
Si tout se passe bien et que les objectifs de la coalition se réalisent d'ici la fin de son premier mandat, il n'y a pas de raison de ne pas continuer avec lui.
Quelle doit être concrètement la position du Parti socialiste ? Doit il s'inscrire dans la même logique que l'AFP ?
Le PS pourrait trouver une voie médiane, tout en restant avec le Président Macky, de se renforcer et massifier sans présenter de candidature.
En plus il faut être réaliste, le PS , en termes de suffrages est à un niveau trop bas pour prétendre à court terme se relever tout seul et même d'être dans une autre coalition crédible et gagnante . Nous devons soutenir Macky Sall et les candidatures pourront s'afficher après deux mandats.
Mais cela ne risque-t-il pas de plomber l'envol de jeunes présidentiables qui sont au niveau des partis membres de la coalition BBY ?
Les jeunes présidentiables n'ont qu'à prendre leurs responsabilités et apprécier à leurs risques et périls. Car il faut d'abord avoir le soutien d'un parti fort pour se lancer ou bénéficier d'une dynamique de changement exigé par des résultats négatifs du régime de Macky. Or, ce dernier est, je crois, dans une bonne dynamique de réalisation des espoirs placés en lui.
Nous sommes vraiment dans toutes les conditions de réussite et d'atteinte des objectifs de gouvernement de la Coalition BBY.
Vous rejoignez alors Moustapha Cissé Lô qui demande aux membres de BBY de se ranger derrière Macky ou de quitter la coalition ?
Cissé Lô a dit des vérités de façon crue, mais il n'a pas à initier une telle réflexion. Il doit laisser aux partis le soin de se décider.
Par Matel BOCOUM