Publié le 12 Apr 2024 - 12:03
POLÉMIQUE AUTOUR DU ‘’SOUKEROU KOOR’’ DES IMAMS

La rupture à l’épreuve des vieilles pratiques républicaines

 

L’affaire du ‘’Soukerou Koor’’ pour les imams relance le débat sur la rupture que veut mettre en avant le nouveau régime de Bassirou Diomaye Faye. Ce débat sur l’insécurité financière et la précarité des imams pourrait remettre au goût du jour la création d’un ministère des Affaires religieuses. 

 

Le message est poignant, mais il interroge sur l’idée de rupture prônée par les nouvelles autorités. L’imam Oumar Diène a rappelé au nouveau régime le versement de l’aide financière aux imams, lors de la période du ramadan, au titre du ‘’Soukerou Koor’’ (NDLR : sucre du ramadan). Ce dernier, lors d’une intervention à la RFM, avant-hier, a expliqué que cette tradition de dons financiers non conventionnels aux imams remonte au temps du président Léopold Sédar Senghor et s’est perpétuée sous le magistère du président Macky Sall. Cette tradition consiste en la distribution d’une somme d’argent par le chef de l’État aux imams de Dakar, sans aucune formalité officielle, pour leur permettre d’échapper momentanément à une certaine précarité et au fléau de la pauvreté. ‘’Ce que nous attendons, c’est un secours, un grand secours. Les imams, qui ont l’habitude de recevoir cette somme d’argent, ne font pas partie des bénéficiaires éligibles à la bourse familiale. Ils comptent donc sur cette aide financière d’un montant de 50 000 F CFA’’, lance-t-il. 

Mais cette sortie n’est pas du goût de la Ligue des imams et prédicateurs du Sénégal (Lips). Dans un communiqué transmis à la presse, son président Ahmad Dame Ndiaye entend se démarquer de cette demande et réclame la révision du statut de l’imam. ‘’La ligue appelle les autorités à engager une réflexion approfondie sur le statut du religieux dans notre République et sur la formalisation des relations entre l’État et la religion’’, ont fait savoir Dame Ndiaye et ses camarades. 

Dans la même dynamique, l’imam Mouhamed Moustapha Lo, qui officie à Keur Massar, a tenu à dénoncer l'attitude de certains de ses confrères qui ont décidé de faire de l’imamat un métier. ‘’Il y a certaines personnes qui ont décidé de faire de l’imamat une profession, alors que ça ne doit pas l’être. L’imam doit avoir une activité économique et indépendante financièrement, et après avoir dirigé la prière, il doit retourner à son travail’’, dit-il, avant d’indiquer que l’imam ne doit en aucun cas vivre de l’assistanat. ‘’Le Prophète, notre référence à tous, n’a jamais tendu la main, alors qu’il lui arrivait de diriger la prière le ventre vide’’, informe-t-il. 

De son côté, Cheikh Diagne, imam de la mosquée des HLM Grand-Médine sur mer, estime que les rapports entre l’imam et la communauté peuvent être définis selon un compromis autour de cette question de la fonction d’imam. ‘’Il appartient aux populations et à la communauté de définir ce rapport entre l’imam et la société. Les personnes peuvent demander à ce dernier de se consacrer entièrement à sa fonction, en contrepartie d’une assistance financière pour lui permettre d’assurer ses dépenses’’, renseigne-t-il.  

Reconsidération des liens entre l’État et les religieux ?

Ce débat autour de la situation financière des imams et religieux intervient dans un contexte d’austérité et de sobriété dans la gestion des finances publiques prônées par le nouveau gouvernement. Et il faut croire que le président Bassirou Diomaye Faye n’a pas eu le temps d’être imprégné de la question, lui qui a pris les rênes du pays dans la foulée de son élection.

En tout cas, le chef de l’État a demandé un audit des finances publiques et entend rompre avec certaines pratiques anciennes. C’est ce qu’il faut comprendre dans les propos du ministre de l’Énergie, du Pétrole et des Mines, Birame Soulèye Diop, à sa sortie de la prière de la Korité, le mercredi : ‘’Nous allons travailler pour le Sénégal. C’est notre priorité. Je le dis ici : dans ce gouvernement, on n’y verra pas quelqu’un parrainer des combats de lutte, des baptêmes ou matchs de football’’, a déclaré l’ancien président du groupe parlementaire Yeewi Askan Wi (Yaw).  

Cette volonté de renouveau dans les relations entre l’État et les corps sociaux intermédiaires comme les confréries, les associations et autres syndicats risque-t-elle, à terme, d'entraîner des remous dans la société sénégalaise ? Surtout que l’organisation des cérémonies religieuses (Ziarra, Gamou, entre autres) se déroule souvent avec l’aide financière de l’État. 

Il faudra attendre pour voir si le nouveau régime va mettre un terme à ce soutien financier qui pourrait avoir des répercussions sur l’activité économique des terroirs.

Restauration d’un ministère du culte pour lutter contre la précarité des imams et des prédicateurs religieux

L’État doit-il repenser le rôle de ces corps au sein de l’organisation et la gestion de la vie en société ?  Le caractère laïc de la République est-il un frein à toute intervention de l’État dans la sphère religieuse ? Des questions qui pourraient relancer le débat sur l’instauration d’un ministère du culte ou des affaires religieuses. Une structure qui pourrait aussi assurer la formation et la formalisation des imams au Sénégal. Un moyen de lutter contre la précarité et le dénuement dont sont souvent victimes les imams et les prédicateurs au Sénégal.

Ce système instauré dans certains pays du Maghreb comme en Algérie ou en Arabie saoudite visait avant tout à contrôler les mosquées et les prêches qui ont longtemps été l’apanage des milieux salafistes. 

Toutefois, le caractère laïc de la République pourrait être en porte-à-faux avec la notion de prise en charge du culte par l’État. Les tentatives d’instaurer ce ministère sous Abdoulaye Wade avec feu Bamba Ndiaye se sont montrées infructueuses, en raison d’une certaine hostilité des confréries.

Ce dispositif mettant en place un ministère tutélaire pour les imams, selon Cheikh Diagne, imam à la mosquée d’HLM Grand-Médine sur mer peut, à long terme affaiblir l’image et l’autorité de l’imam qui serait considéré comme un fonctionnaire de l’État. ‘’C’est très dangereux de vouloir contrôler les prêches et les dires des imams dans les mosquées. Un imam qui est salarié de l'État, il lui sera difficile d’aller contre les intérêts de ce même État. Je pense que l’État et les imams peuvent travailler en bonne intelligence pour faire des prêches et des discours allant dans le sens de la stabilité du pays, sans qu’on mette en place un régime de cooptation des imams’’, soutient-il.

D’après lui, un imam doit être indépendant de toute influence financière et politique pour conserver toute sa crédibilité aux yeux de la population. 

MAMADOU MAKHFOUSE NGOM

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