L’heure du redressement

Avec un PIB en baisse de plus de 900 milliards F CFA et des recettes en chute de plus de 200 milliards, selon la LFR, le gouvernement, qui n’est pas en mesure d’atteindre ses objectifs initiaux, présentera son plan de redressement, ce vendredi. La présentation intervient à quelques jours d’une mission de haute importance du Fonds monétaire international.
À peine un mois après l’adoption de la loi de finances rectificative, moins d’un an après le nouveau référentiel, le gouvernement s’apprête à présenter un nouveau plan dit de redressement. Face aux reporters, le week-end dernier, docteur Khadim Bamba Diagne, par ailleurs secrétaire permanent du Cos-Petrogaz, est revenu sur le caractère impératif du redressement et de la relance.
“On est obligé de redresser et de relancer. Cela permet de voir ce que l’État peut faire pour diminuer un peu les dépenses. Il faut essayer de maximiser les recettes, de minimiser les dépenses dans beaucoup de secteurs, ce qui permet de libérer quelques marges de manœuvre”, expliquait l’économiste qui n’a pas manqué de souligner la délicatesse de l’exercice.
Il y a quelques jours, à l’Assemblée nationale, lors du vote de la loi de finances rectificative, le ministre des Finances informait que le gouvernement avait décidé de différer environ 200 projets, faute de ressources. Interpellé sur la baisse des investissements financés sur ressources internes, il disait : “Cette baisse est bien réelle et nous l’assumons. Si vous avez des recettes de l’ordre de 5 000 sur cette enveloppe, 4 000 sont déjà engagés dans des projets qu’on ne peut arrêter. Il ne vous reste que 200 qu’il faut utiliser de manière efficiente. Nous procédons donc à des arbitrages permanents, selon les priorités du moment.”
Ces dernières semaines, la presse a fait état de nombreux projets à l’arrêt à cause notamment de ces difficultés de financement. Ce qui a sérieusement impacté de nombreuses entreprises, notamment dans le secteur des BTP, avec l’arrêt en cascade des chantiers.
L’ambition de l’État, avec ces coupes de dépenses budgétaires, est une meilleure maîtrise du déficit dans un contexte de raréfaction des ressources. Il ressort de la LFR que le gouvernement mise sur un déficit en deçà de 8 %. “Notre objectif est de rapporter le déficit à 5 %. On va faire tous les efforts nécessaires pour y parvenir. Dès cette année 2025, on est à 7,8 % de déficit, parce que la crédibilité de notre trajectoire et la confiance des partenaires en dépendent”, s'est-il défendu.
Cheikh Diba n’a pas manqué de souligner que des coupes ont aussi été faites sur le fonctionnement, ce qui a permis de dégager un peu plus de 109 milliards entre les transferts courants et les achats de biens et services.
Dans le plan de redressement, il a été question de chercher des financements alternatifs à l’investissement public pour certains projets prioritaires. À en croire plusieurs sources, le gouvernement mise beaucoup sur les partenariats public-privé. Nous avons d’ailleurs vu dernièrement des signatures en cascade de projets, notamment avec la Chine et d’autres pays asiatiques et du Moyen-Orient. Des conventions qui, généralement, sont conclues en dehors de la réglementation en vigueur des marchés publics, avec des pays qui, souvent, imposent leurs entreprises au détriment du privé national. Ce qui constitue une sérieuse menace au projet d’endogénéisation de l’économie, une question qui devra sans doute être bien abordée par les plans de redressement et de relance en vue.
L’équation du financement
L’une des grandes équations du plan de redressement est de savoir comment le gouvernement compte trouver les énormes besoins de financement, évalués à plus de 5 700 milliards F CFA. Lors de son face-à-face avec les députés fin juin, le ministre des Finances avait signalé que ses services travaillaient sur le plan de financement, avec l’identification et l’exploitation de toutes les sources de financements possibles.
Le besoin, selon Diba, est très important. Dans un contexte marqué par la raréfaction des ressources internes, il faudra nécessairement recourir aux partenaires techniques et financiers. Dans cette perspective, l’accord du Fonds monétaire international (FMI) est essentiel. Cheikh Diba : “Nous travaillons à réunir toutes les conditions pour renouer avec le Fonds monétaire international. S’il est possible de capter les ressources du fonds, que l’on puisse le faire. Sinon, que l’on puisse combler le gap de financement avec les autres partenaires.”
Mais le plus important, expliquait le ministre des Finances, est de normaliser les relations avec le FMI, parce que c’est impératif pour avoir la confiance des autres partenaires. “Le FMI nous aide à stabiliser les rapports avec les autres bailleurs. Si on arrive à normaliser ces relations avec le FMI, cela va nous permettre d’emprunter à de meilleures conditions. Il faut préciser que le fonds ne nous enseigne rien. Il y a juste des principes et le fonds est chargé de veiller à ce que ces principes ne soient pas bafoués par les États. Nous avons une matrice des mesures de réformes que nous avons challengée avec le Fonds monétaire qui, depuis que nous nous sommes engagés à faire ce travail sérieux de redressement, s’est engagé à nous accompagner. Cela ne signifie pas de la complaisance. Il y a un travail très sérieux, très rigoureux, très difficile qui se fait avec le FMI”, avait insisté le ministre des Finances et du Budget.
Il faudra attendre le mois d’août pour avoir une idée un peu plus précise du sort que l’institution de Bretton Woods entend réserver à la collaboration avec le Sénégal. Lors d’un point de presse récent, la directrice chargée de la communication de l’institution avait laissé entendre la probabilité de la venue d’une nouvelle mission dans quelques semaines. L'objectif de la mission sera de discuter des mesures à prendre avant de porter l'affaire des fausses déclarations devant le Conseil d'administration, avait informé Julie Kozack. “L'équipe profitera également de l'occasion pour entamer des discussions sur les contours d'un nouveau programme soutenu par le FMI pour le Sénégal”, avait-elle ajouté.
La visite du FMI : une étape dans le long processus
À en croire la source, ce ne sera qu’une étape dans le long processus qui attend le Sénégal. En effet, une fois que les parties parviendront à un accord sur les principales mesures correctives, le Conseil d'administration du FMI examinera l'affaire des fausses déclarations du Sénégal et prendra une décision, précisait une source de l'agence Reuters.
Il convient de noter qu’au-delà des failles dans le dispositif sénégalais, sa responsabilité est aussi interpellée. Selon Reuters, le FMI travaille aussi à situer les responsabilités à ce niveau. “Le porte-parole a déclaré que le FMI, qui a été critiqué pour ne pas avoir détecté les prêts hors bilan, présentera au Conseil d'administration des informations sur la manière dont ces prêts ont pu passer inaperçus. Le FMI procède à une évaluation et à un diagnostic internes dans le cadre du processus d'établissement de rapports erronés”, rapportait Reuters.
Face aux reporters, l’économiste Khadim Bamba Diagne revenait également sur l’importance de renouer avec le FMI pour pouvoir relancer l’économie. En attendant cette normalisation, avertissait le spécialiste, le Sénégal va souffrir. “Parce que tous les autres bailleurs sont ce qu’on appelle des ‘free riders’. Ils suivent de près ce que le FMI va dire du Sénégal. Il y a tellement de projets bloqués à cause de cette situation. Des gens qui étaient prêts à investir, mais qui suspendent leur décision en attendant ce que le FMI va dire. Mais nous avons choisi le chemin de la vérité et de la transparence, et je pense que ça ne va pas tarder à se décanter”.
Face à certaines critiques relatives notamment à la pertinence d’un plan de redressement moins d’un an après le lancement du nouveau référentiel, Dr Khadim Bamba Diagne rétorque : “Il faut noter que cette stratégie n’est pas un plan statique, c’est un plan dynamique. Quand vous mettez en place un plan, lorsqu’il y a certaines variables qui évoluent, il faut s’adapter. Il faut avoir le courage de faire des arbitrages et de s’adapter en conséquence. C’est ce que le gouvernement a pu faire avec le plan de redressement.”
L’autre question que devra aborder le plan de redressement est le recours jugé récurrent au marché sous-régional, ce qui risque, selon de nombreux économistes, de porter préjudice aux autres acteurs économiques.
Interpellé sur la problématique, Khadim Bamba Diagne confirme, tout en relevant que c’est parce que l’État n'a pas de meilleure alternative. “Si, par exemple, sur le marché BRVM, il y a 6 000 milliards disponibles, si l’État en prend 4 000, ça veut dire qu’il n’y aura que 2 000 pour le privé. À supposer que le privé a besoin de 6 000, seuls ceux qui accepteront de payer des taux plus élevés auront du crédit. Et si le privé emprunte cher, il vend aussi cher. C’est pourquoi l’État a habituellement recours à plusieurs sources”, explique le spécialiste, avant de préciser : “Mais avec les conditions actuelles, la prime de risque sur le marché financier international est très élevée. La meilleure option reste le marché de la BRVM où les taux d’intérêt sont contrôlés.”
Par Mor Amar