Publié le 26 Oct 2014 - 20:10
PROCESSUS DE PAIX EN CASAMANCE

Estampillé zone rouge, Djibidione ambitionne de retrouver sa blancheur perdue

 

De 1993 à 2006, les 59 villages qui composent la défunte Communauté rurale de Djibidione ont été le théâtre d’âpres combats entre «Atika» et l’armée sénégalaise. Ratissages, pilonnages, crépitement des armes, embuscades, représailles, exactions et déguerpissements ont rythmé la vie de milliers de personnes dans la plus vaste zone du département de Bignona. A la faveur de la paix qui se dessine, l’ancienne « poudrière » réaffirme, plus que jamais, sa farouche volonté de tourner cette page sombre de son histoire pour, résolument, se lancer dans la voie de la paix et du développement durable.

 

A mi-chemin de la piste qui conduit à Djiral, le conducteur du véhicule dans lequel nous avons pris place lance : «Ils ne m’ont pas dit la vérité. Si j’avais été informé de notre destination finale, je n’allais pas venir. Rien ne vaut un tel déplacement. Je ne reviendrais plus ici». Nous sommes seulement à mi-chemin d’une piste cahoteuse qui mène à Djibidione. Après les villages de Kagnarou et Niankite, les visages recouverts de poussière sous un soleil de plomb, nous atteignons Diagoye Banga, ensuite Batong et Boulignoye, puis Djibidione. Première étape d’un véritable « parcours de combattant » qui doit nous mener à Djibième, Néma Dinaré, Guité et enfin Djiral. A notre arrivée à Djibidione, Ansoumana Sagna, le maire de la commune et l’équipe municipale sont à l’accueil.

La descente aux enfers

L’on ne pose pas les pieds à Djibidione dans l’indifférence. Tout ou presque dans ce village du Fogny, situé à une trentaine de kilomètres de Bignona, rappelle une page sombre de la crise en Casamance. Sa situation géographique, à la frontière avec la Gambie, avait fait de cette zone, plus qu’un « nid », un bastion des combattants du Mouvement des Forces démocratiques de Casamance (MFDC). Djibidione a même été désigné comme l’Etat-major du Front nord dénommé « Diakaye ».

Zone de non droit, véritable « no man’s land » estampillé zone rouge, le village de Djibidione et ceux qu’il polarise vont amorcer, véritablement, leur descente aux enfers, après les élections présidentielles et législatives de l’année 1993. En représailles à l’assassinat de trois individus, l’armée avait pilonné la zone. Les populations, qui n’avaient pas fui pour se réfugier en Gambie ou qui, après déguerpissement, avaient choisi d’y retourner, quelques mois après, allaient subir toutes sortes d’exactions de la part des belligérants qui les accusèrent, la plupart du temps, d’être de connivence avec l’un ou l’autre camp.

Retour au bercail

Aujourd’hui, ils sont 43 villages à avoir retrouvé la vie, après le retour au bercail des populations, suite notamment, à la grande opération de restauration de la souveraineté nationale, de sécurisation des personnes et des biens menée par l’armée, en août 2006. Opération qui avait touché le Nord Sindian, la Communauté rurale de Djibidione mais également le Nord Diouloulou. Depuis, la zone a connu une accalmie relative. Mis à part la « tuerie de Djibidione » de mai 2008, au cours de laquelle deux citoyens avaient perdu la vie, aucun affrontement n’y a été noté. 

Le crépitement des armes a cédé la place à une longue accalmie qui fait espérer un retour définitif de la paix dans cette zone. Mais le désordre économique et social pèse toujours sur les populations. L’enclavement chronique et l’absence notoire d’infrastructures socio-économiques de base constituent le goulot d’étranglement à partir duquel naissent tous les problèmes qui ralentissent toute initiative.

Marre d’être les oubliés de la république

Les écueils et contraintes multiformes ont pour noms absence d’infrastructures et d’équipements sanitaires, agricoles et éducatives. Les 43 villages n’ont accès ni à l’électricité ni à l’eau potable. Le téléphone sonne « Africel », la monnaie résonne « Dalasi ».   «Vous avez-vous-même fait l’amer constat. Il n’existe pas d’infrastructures. Pas la moindre piste. Nous avons marre d’être les oubliés de la république. Le village de Djibidione dispose de 2 forages qui n’existent que de nom, comme le poste de santé ou encore la maternité. Le système économique est déstructuré. Et pourtant la zone clignote au jaune maintenant», souligne le maire de la commune de Djibidione.

Face à cette situation et à la déforestation de la zone, certains, ne sachant à quel saint se vouer, s’adonnent malheureusement à la culture du chanvre indien. Pour inverser la tendance, les populations ont décidé de prendre en main leur destin, notamment, en ce qui concerne les questions liées à la paix et au développement de cette partie. «Zone rouge, non ! Zone blanche, Oui ! L’image du Fogny Ouest dépend de nous. Nous voulons un Fogny meilleur. Nous demandons des audiences foraines pour l’obtention de la Carte d’identité nationale» ont, entre autres, clamé les populations, dimanche dernier, au cours d’une marche organisée à Djiral, à quelques encablures de Djibidione, par le Comité des villages frontaliers du Fogny ouest (COVIFFO).

L’action de l’armée magnifiée par les populations

La tenue de l’événement a été rendue possible grâce au soutien du  Lieutenant Lamine Diallo, chef du sous-secteur 562 de l’armée basé à Djiral. «A mon arrivée, il n’existait aucune structure à partir de laquelle je pouvais dialoguer ou communiquer. Il fallait mettre en place un cadre d’échanges avec les jeunes et les populations. J’ai pensé à la tenue d’un tournoi de football, du genre Navétane, regroupant près de trente (30) villages pour montrer que la zone est fréquentable, mais également pour raffermir les liens sociaux », a expliqué Lieutenant Diallo, originaire d’Oussouye.

Selon les populations, la seule bonne chose que l’Etat du Sénégal a fait dans la zone, c’est de leur avoir envoyer l’armée pour assurer leur sécurité. «Merci au Lieutenant Diallo, merci à l’armée », pouvait-on lire sur les pancartes, lors de la marche. « Pour la bonne tenue du tournoi de football, l’armée a apporté un soutien logistique et financier », a expliqué, non sans au préalable remercier la hiérarchie, le jeune officier, parrain de la manifestation. Une action à mettre à l’actif des Actions civilo-militaires (ACM). Selon lui, les populations ont plus que jamais compris que la seule « guerre » qui vaille la peine d’être menée est celle de la paix et du développement durable.

HUBERT SAGNA (CORRESPONDANT, ZIGUINCHOR)

 

 

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