Diomaye corrige l’inertie des corps de contrôle
Sous le parrainage du président Macky Sall, les corps de contrôle sont restés plusieurs années sans publier leurs rapports censés être publics. En Conseil des ministres, hier, le président Bassirou Diomaye Faye a donné des instructions fermes pour la publication de ‘’tous les rapports’’ de la Cour des comptes, de l’IGE et de l’Ofnac.
‘’Jub’’, ‘’jubal, ‘’jubanti’’. Tel est le refrain chanté depuis quelques jours par le gouvernement Diomaye I, conformément aux instructions données par leur patron. C’est dans ce même sillage que s’inscrit l’injonction faite par le président de la République, hier en Conseil des ministres, à ses services de procéder à la publication des différents rapports des corps de contrôle, en souffrance dans les tiroirs depuis plusieurs années. ‘’Le président de la République, lit-on dans le document, a ordonné la publication des rapports de la Cour des comptes, de l’IGE et de l’Ofnac des cinq dernières années’’.
Cinq ans ! C’est la durée que les corps de contrôle ont laissé s’écouler sans publier des rapports. Pourtant, il résulte de la plupart des lois qui les régissent que ces rapports sont publics.
En ce qui concerne la Cour des comptes, la loi organique n°2012-23 du 27 décembre 2012 dispose à son article 3 alinéa 4 que ‘’la cour établit un rapport public général annuel qui reprend les principales observations qu’elle a faites dans l’année et les mesures préconisées pour remédier aux manquements, anomalies et dysfonctionnements relevés’’. Selon la même disposition, la cour, outre ses rapports publics, ‘’peut, dans le cadre de ses contrôles, établir des rapports publics sur des entités, des thèmes particuliers ou des secteurs déterminés’’.
‘’Tous les rapports seront publiés’’, confient certaines sources à ‘’EnQuête’’
Président de Legs (Leadership, éthique, gouvernance et stratégie) Africa, Elimane Haby Kane salue la nouvelle directive présidentielle et espère qu’elle sera matérialisée dans les meilleurs délais. ‘’Cette décision, souligne-t-il, vient régulariser un manquement grave de la part de certains organes de contrôle qui, depuis quelques années, se sont soustraits à l’obligation de publier des rapports, particulièrement la Cour des comptes, l’Ofnac (Office national de lutte contre la fraude et la corruption), l’IGE (Inspection générale d’État)’’.
En effet, pour beaucoup d’observateurs de la société civile s’activant dans les questions de gouvernance, les organes ont failli en s’abstenant de rendre publics leurs rapports annuels. Interpellé sur la question, M. Kane précise : ‘’Pour certains rapports annuels statutaires Ofnac, Cour des comptes et l'état de la gouvernance des finances publiques de l'IGE, ils doivent être publiés selon la loi organique de ces institutions. Par contre, pour d'autres rapports de l'IGE et de la Cour des comptes, il faut qu'ils soient autorisés ou déclassifiés par le président de la République pour être rendus publics…’’
Ce qui pousse d’ailleurs à s’interroger sur le champ d’application de la mesure présidentielle.
Elimane Kane salue les directives présidentielles et attend les suites administratives et judiciaires à donner aux recommandations des différents rapports
S’agira-t-il juste de publier les rapports censés être publics ou plutôt ira-t-il jusqu’à déclassifier les rapports pour lesquels son autorisation est nécessaire ? Selon nos sources, tous les rapports sont concernés. ‘’Le président parle de tous les rapports’’, précisent nos sources. À Legs Africa, on attend maintenant l’application de la décision. Elimane Kane de préciser : ‘’… Maintenant, l’annonce est une chose qui peut calmer les ardeurs, mais l’application de la directive présidentielle est encore plus importante. Il va falloir que les différents responsables s’exécutent.’’
Après la publication, devra arriver l’étape la plus importante, si l’on en croit le responsable de la société civile. ‘’Pour nous, ce qui est encore plus important, c'est la suite administrative et judiciaire qui sera donnée aux recommandations des rapports. À ce niveau, les responsabilités du président de la République et du parquet seront observées’’, soutient M. Kane.
Cela dit, il salue le retour à l’orthodoxie et la confirmation de la volonté du chef de l’État allant dans le sens de plus de transparence. ‘’Cette décision contribue aussi à l’obligation de faire l’état des lieux sur la gestion des finances publiques et de satisfaire aux attentes des populations par rapport à tous ces scandales financiers qui ont marqué les consciences depuis quelques années. C’est aussi la confirmation de la volonté du président de promouvoir la transparence effective dans la gestion des affaires publiques et de mettre un frein décisif à l’impunité’’.
MOR AMAR