Ouattara réveille les démons de la division

Radié des listes électorales par une décision rendue hier par le tribunal de grande instance d'Abidjan, le candidat du PDCI-RDA, Tidjane Thiam, dénonce ce qu'il considère comme une injustice et met en garde contre une éventuelle crise. Retour sur les raisons de sa radiation.
La bataille a été rude. Les conseils de Tidjane Thiam, président du PDCI-RDA, se seront battus jusqu'au bout. Mais n'ont rien pu faire pour empêcher la radiation de leur client des listes électorales, conformément à la requête des partisans du président Alassane Dramane Ouattara. Comme un couperet, la décision de justice l'écartant de la course à la prochaine Présidentielle est tombée hier, suscitant colère et indignation chez les nombreux militants et sympathisants du PDCI-RDA. Certains observateurs n'ont pas manqué de rappeler la jurisprudence Ouattara, quand Gbagbo l'autorisait à participer à la Présidentielle, alors que de sérieux obstacles juridiques se dressaient devant lui.
Mais qu'est-ce qui est donc reproché à Tidjane Thiam pour récuser sa candidature ?
En fait, selon les explications des avocats, il lui est reproché d'avoir acquis la nationalité française en 1987. Or, rapporte son avocat Me Dadje Rodrigue revenant sur l'argumentaire du juge, l'article 48 du Code de la nationalité ivoirienne prévoit que “perd la nationalité ivoirienne tout Ivoirien majeur qui acquiert une nationalité étrangère. Le président Thiam ayant été naturalisé, en 1987, français, il aurait perdu la nationalité depuis cette date”.
À en croire la robe noire, la magistrate se trompe sur toute la ligne. En effet, souligne-t-il, contrairement à ce qui est dit, Tidjane Thiam est français de par sa naissance et non par acquisition. “Comme nous l'avons toujours dit : le président Thiam est né français. Aujourd'hui, nous avons produit la preuve que M. T. Thiam est né français. On a produit la copie du registre d'état civil européen où on déclarait toutes les personnes qui sont nées françaises. La déclaration a été faite par son père monsieur Amadou Thiam qui était lui-même français”, plaide Me Dadje, non sans préciser que cela est vérifiable aussi bien sur les registres d'état civil de la mairie du Plateau que sur ceux de Nantes. En conséquence, signale la robe noire, l'article 48 n'aurait jamais dû lui être appliqué.
Revenant sur les origines de celui qui est présenté comme principal challenger du parti présidentiel, Me Dadje a insisté sur le fait qu'il est né binational : français de par son père, ivoirien de par sa mère. “Son père était fonctionnaire français détaché en Côte d'Ivoire à la Radiotélévision où il était en fonction avec M. Goudou qui est d'ailleurs le père de notre ministre Raymond Goudou. C'étaient d'ailleurs les deux seuls Français au niveau de la radio”, souligne l'avocat.
Avec cette décision qui allonge la liste des candidats radiés des listes électorales (après Gbagbo, Blé Goudé et Soro), la prochaine Présidentielle, prévue en octobre, s'annonce sous haute tension. Dans une déclaration, M. Thiam a regretté une décision malheureuse. “Notre pays a connu toutes sortes de difficultés. Je crains une fois de plus que nous soyons au bord d'une crise. Le président Alassane Ouattara effectue son troisième mandat et il lui est même reproché d'envisager de faire un quatrième. La conjonction de tous ces éléments crée un environnement potentiellement dangereux pour notre pays. Et vous savez l'attachement que j'ai pour la paix, le rejet de la violence, la légalité. Cela dit, je n'accepterai pas cette radiation, parce qu'elle est injuste, injustifiée, incompréhensible”.
Il s'est dit déterminé à se battre pour que les Ivoiriens puissent choisir librement leur futur président. Pour lui, c'est une question de dignité et il appelle tous Ivoiriens à faire face à ce qu'il considère comme une forfaiture.