L'Afrique de l'Ouest au cœur de détournements de fonds publics
Dans son rapport annuel 2022, le Giaba a mené une étude sur les typologies du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme relatives à la corruption en Afrique de l'Ouest. L'étude a révélé que le détournement de fonds publics reste important dans l'Administration publique des différents pays de la sous-région.
Le groupe intergouvernemental d'action contre le blanchiment d'argent en Afrique de l’Ouest (Giaba) a mené une étude, dans le rapport annuel de l'année 2022, sur les typologies du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme relatives à la corruption en Afrique de l'Ouest. D'après l'étude, une forte prévalence du détournement de fonds publics reste importante dans l'administration publique des différents pays de la sous-région. "La corruption est un obstacle majeur à la croissance des économies ouest-africaines. Elle altère l'intégrité des indicateurs économiques et fausse les prévisions de développement. La gravité de ce phénomène est particulièrement aiguë en Afrique de l'Ouest où la prédominance des transactions en espèces et le faible taux de bancarisation constituent des obstacles à l'inclusion financière", a-t-on souligné dans le rapport.
Dans de nombreux pays, révèle-t-on dans le document, la corruption, particulièrement la corruption des officiels gouvernementaux, est une source majeure d'enrichissement illicite et de blanchiment de capitaux (BC). "Elle tend également à être l'un des obstacles les plus critiques à la promotion de la transparence, de la sécurité et de l'intégrité du système financier. Pis encore, la corruption sert de catalyseur à de nombreuses activités criminelles, dont le terrorisme et son financement. Ses effets néfastes sur la gouvernance, le développement humain et la stabilité sont bien documentés", apprend-on du rapport.
L'objectif général de cette étude est de fournir une connaissance et une compréhension approfondies de la question de la corruption aux acteurs de la LBC/FT, particulièrement les autorités chargées des enquêtes et poursuites pénales (AEPP).
Ainsi, dit-on, l'analyse des données et les études de cas examinés dans le rapport à travers une multitude de sources disponibles telles que la Centif, les agences centrales de lutte contre la corruption, les autorités chargées des enquêtes et des poursuites ont fourni un aperçu général des pratiques de corruption répandues en Afrique de l'Ouest, de leur ampleur et de leurs impacts sur le développement dans les pays.
Selon le rapport, l'étude a révélé que "la corruption est l'une des infractions sous-jacentes de BC les plus préjudiciables à la sécurité et au développement des pays ouest- africains, fait prospérer d'autres activités illégales telles que le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme, la fraude fiscale, l'escroquerie et la falsification de documents, le financement illicite d'activités des partis politiques, le crime organisé, etc.". Toutes ces infractions pénales, regrette-t-on, amplifient à leur tour l'onde de choc de la corruption, avec toutes ses conséquences néfastes sur la gouvernance.
Les recommandations du Giaba
Par ailleurs, le rapport reconnaît que les pratiques de corruption ont le pouvoir d'affaiblir le système de défense nationale d'un pays et d'exacerber les tensions en matière de sécurité. Dans les pays touchés par des conflits armés, fait-on savoir, des motifs de corruption peuvent pousser des factions rivales à faire perdurer le conflit armé et à en profiter pour piller les ressources naturelles, détourner l'aide humanitaire ou tirer d'autres avantages de l'économie.
Selon le rapport, les diverses méthodes ou techniques utilisées par les criminels pour blanchir les produits de la corruption dans la région comprennent : la non sous-déclaration et déclaration anticipée du patrimoine, l'utilisation d'institutions financières offshore, l'utilisation de prête-noms pour acquérir des actifs, l'utilisation d'intermédiaires comme façades et l'utilisation de constructions juridiques.
Par des investissements directs ou indirects, explique-t-on, les bénéficiaires des produits de la corruption parviennent à blanchir des fonds illicites dans des activités formelles, à maintenir leur niveau de vie et à garantir leur impunité.
En outre, le document a analysé le lien inextricable entre la corruption et le blanchiment de capitaux, et comment les activités de corruption sont les principales sources de revenus criminels dans les États membres du Giaba.
Par ailleurs, souligne-t-on, l'étude n'a pas permis d'établir et de documenter le lien entre la corruption et le financement du terrorisme. Toutefois, elle a donné des indications claires sur le niveau des risques de FT associés au phénomène.
Ainsi, informe-t-on, "des études complémentaires seront nécessaires sur la manière dont la corruption facilite le financement du terrorisme en Afrique de l'Ouest. La corruption alimente le crime organisé et d'autres infractions sous-jacentes au blanchiment de capitaux. Il est donc essentiel que les autorités compétentes des États membres comprennent et apprécient pleinement les méthodes et techniques utilisées par les individus corrompus (agents privés ou publics) pour blanchir les produits de la corruption".
Après avoir effectué cette étude, dans son rapport, le Giaba a adressé une série de recommandations aux États membres de cette organisation. Il rappelle la nécessité pour les États membres de procéder à une révision exhaustive des cadres légaux et réglementaires existants en matière de LBC/FT afin de fournir une protection spécifique aux lanceurs d'alerte, le renforcement de l'indépendance et de l'autonomie des agences de lutte contre la corruption et des autorités judiciaires. De même, le Giaba recommande la mise en œuvre d'un devoir renforcé par les institutions financières lors de l'établissement des relations avec des clients PPE et un suivi continu pour limiter le détournement de fonds des comptes gouvernementaux vers les comptes privés des PPE et de leurs associés.
Par la même occasion, il a invité les pays membres à digitaliser leurs opérations de service public et tous les systèmes de paiement afin de réduire autant que possible les interactions humaines.
FATIMA ZAHRA DIALLO