Deux Guinéennes condamnées à des peines fermes de prison
Envoyées au Sénégal pour recevoir une meilleure éducation, Rouguiatou K. et Fatoumata C. ont subi toutes sortes de sévices chez leur tutrice. Cette dernière se nomme Dieynaba Doumbouya. Elle confie ensuite les gamines à Asmaou qui, à son tour, fait subir plusieurs supplices aux filles. Elles ont fait face, hier, aux juges du tribunal des flagrants délits de Dakar pour répondre du chef de traite d’enfants.
Au Sénégal, la loi protège les enfants. Dieynaba Doumbouya l’ignorait certainement. Mère de trois enfants, la dame fait venir de la Sierra Leone deux enfants mineures, Rouguiatou K. 11 ans et Fatoumata C. 14 ans. Les gamines ont vécu l’enfer chez Dieynaba pendant plusieurs mois. Leurs parents qui les avaient envoyées à Dakar pour les études ne se doutaient pas que les enfants subissaient les pires sévices au Pays de la teranga. Depuis leur arrivée chez leur tutrice Dieynaba Doumbouya, les parents n’ont plus de nouvelles de leurs progénitures.
Le calvaire des fillettes ne laissait pas les gens indifférents. Leur triste histoire s’est répandue telle une traînée de poudre et a atterri entre les mains de la justice. C'est ainsi que les éléments du commissariat de Thiaroye se sont déployés afin de mettre la main sur les victimes. Retrouvées à l'ambassade, Rouguiatou et Fatoumata confirment les accusations.
Entendue, Fatoumata révèle les secrets de leur transfert de la Sierra Leone à Dakar, en passant par Conakry. Selon elle, elles ont passé quatre jours dans la capitale guinéenne, chez la sœur de Dieynaba. Elles sont ensuite conduites à Dakar. Une fois à la frontière sénégalaise, une nouvelle voiture est passée sur place pour les récupérer. À Dakar, c'est Dieynaba qui est venue récupérer les filles avant de les conduire chez elle à Pikine. Hélas, ceci n'était que le début de leur périple.
Là-bas, les gamines dormaient dans le salon avec les deux fils de leur tutrice et une dame. Ce, pendant neuf mois. Pis, elle les ramène dans un restaurant sis aux Parcelles-Assainies où elles géraient la plonge. Elles n'ont eu un temps de répit qu'au bout des quatre mois, lorsque Dieynaba fut remerciée par le propriétaire du restaurant. Puis, quelques jours après, le calvaire reprend et elles sont contraintes à vendre des sachets d’eau à Thiaroye, sous la tutelle d’Asmaou Diallo.
Au regard des faits, les dames Dieynaba Doumbouya et Asmaou Diallo sont arrêtées. D'emblée, elles sont placées sous mandat de dépôt le 27 septembre dernier. Leur affaire évoquée pour la première fois le mercredi 16 octobre a été renvoyée pour avoir un interprète. Les deux ont bénéficié d’une mise en liberté provisoire suite à la demande de leurs avocats. Elles ont comparu librement, hier, devant les magistrats du tribunal des flagrants délits de Dakar.
Poursuivies pour le délit de traite des enfants, les prévenues ont contesté les faits qui leur sont reprochés. Dieynaba, qui s'est défendue en premier, soutient que c'est leur père qui a demandé qu'elle récupère les filles pour les éduquer. D'ailleurs, soutient-elle, il les a ramenées jusqu'en Guinée avant de rebrousser chemin. C'est elle-même qui s'est occupée du voyage. Une fois à Dakar, déclare-t-elle, elle les a amenées à l’école coranique où on a refusé de les prendre, car elles ne comprennent pas la langue wolof. C'est sur ces entrefaites qu'elle les a confiées à Asmaou pour qu'elles puissent être en contact avec les Sénégalais et leur faciliter l'apprentissage de la langue. Dieynaba jure n'avoir jamais demandé à sa copine de forcer les filles à vendre de l'eau. Ce que la Guinéenne Asmaou confirme. À l'en croire, elle ne détenait pas la garde entière des filles. ‘’Elles n'ont même pas fait une semaine avec moi. Je leur ai donné juste à manger. C'est quand le problème a éclaté que j'ai appris qu'elles ont eu à passer la nuit au marché’’, ajoute-t-elle.
Mais elle est contredite par le témoin Monica Diop. De même nationalité que les deux filles, elle a saisi l'ambassade dès qu'elle a eu écho de ce qui se tramait. Celle-ci renseigne qu'Asmaou lui a avoué qu'une femme a ramené les enfants depuis la Sierra Leone pour qu'elles travaillent pour elle. En sanglots devant le tribunal, sa déclaration donne froid dans le dos. Elle dit : ‘’Je les voyais souvent au marché, mais je ne me doutais de rien. Elles étaient salles, habillées en haillons avec leur corps plein de boutons. Un jour, elles sont venues me supplier de les laisser passer la nuit chez moi, car cela fait des jours qu'elles n'ont pas vu Asmaou. En faisant des investigations, j'ai appris qu'elles ont eu à passer la nuit au marché. La plus grande m'a révélé que le fils aîné de leur tata tente d'abuser d'elle. Elles ont dit avoir passé des mois dans ce pays. Leur tutrice les emmène au restau, elles y restent jusque tard la nuit. C'est sur ces entrefaites que j'ai appelé leur père qui m'a avoué que Dieynaba a demandé de lui garder les filles, car elle est très fortunée, mais n'a pas d'enfants. Et elle aurait aimé en adopter. Ce qui était complètement faux’’, dit-elle.
Avant de rassurer : ‘’Les filles sont actuellement entre les mains de l'ambassade. Dieynaba est venue me les réclamer et je lui ai demandé d'aller voir les autorités, mais elle m'a opposé un niet catégorique. Elle a continué à m'intimider. Elle a même fait venir la police au marché et m’a humiliée devant tout le monde’’, confie-t-elle en chaudes larmes.
Convaincu de leur culpabilité, le maître des poursuites a requis l'application de la loi pénale. Tandis que les conseils de la défense ont sollicité la relaxe des prévenues. Selon les robes noires, Dieynaba a fait de son mieux pour la bonne conduite des filles. Selon la défense, ‘’depuis qu'elles sont venues, elle les a amenées chez le maître coranique qui a soutenu qu'il ne pouvait pas les enseigner, sachant qu'elles ne maîtrisent pas la langue nationale. C'est ainsi qu'elles ont confié les filles à Asmaou pour qu'elles puissent être en contact avec la société et apprendre au plus vite la langue wolof’’, plaide l'avocat qui soutient que la déclaration de Monica Diop n'est que contrevérité.
Finalement, le tribunal, après en avoir délibéré, a déclaré Dieynaba Doumbouya et Asmaou Diallo coupables du délit de traite d’enfants. Elles écopent respectivement de deux ans, dont trois mois ferme, et deux ans, dont un mois ferme.
MAGUETTE NDAO