Les véhicules de l’administration dans une mauvaise direction
Les véhicules de l’administration sénégalaise sont sur une mauvaise piste. Le rapport fait en 2013 par l’Autorité de régulation des marchés publics indique plusieurs problèmes. L’acquisition, l’utilisation, la régularité dans l’entretien, les pièces de rechange, la qualification du personnel de garage sont autant de niveaux où les contrôleurs ont relevé des dysfonctionnements.
Le rapport définitif sur ‘’l’acquisition, l’exploitation et l’entretien des véhicules administratifs’’ (octobre 2013) indique qu’il y a beaucoup de disfonctionnements sur les véhicules de l’administration. Le document est produit par l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP). Ces manquements se situent à plusieurs niveaux et vont de l’acquisition à l’utilisation par les bénéficiaires, en passant par les concessionnaires.
En ce qui concerne l’acquisition, tout ne se fait pas dans le respect des règles en vigueur, loin s’en faut. L’une des remarques importantes est que les véhicules de l’administration sont acquis soit par le budget de l’Etat, soit par dons. Or, les enquêteurs sont dans l’impossibilité de dire quelle est la somme allouée à l’achat des voitures pour pouvoir apprécier. Ce qui laisse penser qu’il y a un flou total sur cette question.
Par ailleurs, il est prévu clairement que pour toute acquisition et immatriculation de véhicules, il faut une autorisation de la Commission de contrôle des véhicules administratifs (CCVA), créée par décret du 30 juin 2008. Cependant, les experts de l’ARMP ont constaté qu’il existe plusieurs véhicules administratifs banalisés. Autrement dit, ayant deux numéros (un numéro AD et un autre de la série civile). ‘’Cette pratique ne facilite pas le contrôle’’, déplore l’Armp.
Mais les deux points les plus préoccupants sont sans doute l’utilisation et l’entretien. A propos de l’utilisation, les contrôleurs constatent qu’il n’existe pas de critères objectifs pour les attributions. Par exemple, quelqu’un qui est la plupart du temps dans des zones rurales peut avoir un véhicule fait pour la ville et uniquement le milieu urbain. Les enquêteurs recommandent à l’autorité, dans le dossier d’appel d’offres, de veiller à la zone d’utilisation du véhicule à acquérir afin de choisir les caractéristiques techniques adaptés au milieu. ‘’Il faudra insister sur la robustesse et l’adaptabilité du véhicule à faire tel ou tel travail. Vous ne pouvez pas acheter une berline pour un cadre qui est régulièrement en chantier, même s’il préfère une berline pour des raisons qu’on peut comprendre’’, suggère le document.
L’autre constat est que l’utilisateur n’est pas toujours la personne indiquée. Selon les règles, il ne doit y avoir au volant que les chauffeurs professionnels. Pourtant, d’après le rapport, ‘’tout le monde conduit le VA (véhicule de l’Administration). Souvent même des personnes non titulaires de permis de conduire’’. Face à de pareilles conditions d’utilisation, il n’est pas surprenant que les voitures tombent en panne de façon précoce. Ceci nonobstant l’existence d’un budget d’entretien et de fonctionnement. ‘’Les pannes prématurées observées nous poussent à affirmer que des améliorations doivent être faites sur son système de gestion’’.
Ces pannes prématurées dont font état les contrôleurs sont aussi liées à l’entretien. Les rédacteurs se sont rendu compte que le suivi des entretiens périodiques est presque inexistant. ‘’Les véhicules ne respectent jamais la périodicité des entretiens’’. Et en cas d’entretien, il y a peu de surveillance des réparations chez les concessionnaires. Il est à noter cependant, que quand bien même il y aurait respect de la périodicité, trois obstacles sérieux se présentent : les appareils pour détecter les pannes, les pièces de rechange, et la qualification du personnel.
Introduction du contrat d’entretien dans le DAO
Les garagistes ou mécaniciens de l’administration ne disposent pas de matériel électronique adapté à la marque des véhicules. Aucun ministère n’est doté de ces appareils. Même la Primature se trouve à la période de commande chez un constructeur (peut-être qu’entre-temps la commande a été livrée). Et même là, les rédacteurs préviennent : ‘’Il faudra faire attention, car chaque fabricant a son appareil de détection, calibré selon son propre logiciel et qui nécessite des mises à jour fréquentes.’’
Il s’y ajoute que le personnel dans les garages de l’administration n’a presque pas les notions en informatique pour la mise à jour des logiciels de bord, alors que le système des véhicules est de plus en plus informatisé. Le phénomène est même plus large que ça. Les rédacteurs ont formulé une recommandation qui s’apparente à bien des égards à un avertissement. ‘’Le métier de mécanicien ou bien de garagiste risque fort bien de disparaître car, sans outil électronique de diagnostic, aucun mécanicien ne peut réparer actuellement les véhicules qui sont sur le marché sénégalais. Sans également un renforcement en capacité, ils vont rester sans travail. Vu que ce métier crée de la valeur ajoutée au Sénégal, pays pauvre très endetté, l’Etat, à travers le ministère de la Formation professionnelle, devra faire un programme de formation à cet effet’’.
L’autre piste proposée est de s’appuyer sur les concessionnaires, mieux dotés en matériel et personnel, et ‘’qui semblent être dans de bonnes dispositions’’. D’ailleurs, les experts invitent l’Etat à ajouter des clauses dans les dossiers d’appel d’offres (DAO). ‘’L’introduction du contrat d’entretien est vivement recommandée. Il devra alors figurer dans les offres pour 2 ans ou 5 ans. Les véhicules actuels sont très sophistiqués, car ils sont truffés d’électronique.’’
Le même problème se pose aussi avec les pièces détachées. Les contrôleurs ont constaté que l’approvisionnement en pièces détachées accuse souvent des délais longs d’attente et de disponibilité. Cela peut aller jusqu’à deux mois, chez certains concessionnaires, en dépit des thèses selon lesquelles le lot de pièces détachées disponible est estimé à 1,5 milliard de francs CFA. Ils demandent ainsi aux concessionnaires d’étudier la possibilité de les écourter. Et pour être plus efficace, des recommandations sont faites à l’Etat. ‘’Il faut également et surtout inclure dans les DAO (Dossiers d’appel d’offres), des clauses d’ajustement telles qu’un lot de pièces détachées de première urgence pour chaque véhicule à acquérir. Ce lot de pièces détachées devra comporter les pièces d’usure courantes (filtres, courroies, plaquettes de freins, ferrodo, bougies, ampoules …) et quelques petites pièces détachées que le type de véhicule utilise souvent.’’
Le parc automobile du Sénégal est estimé à 326 352. (Source Mémento DTT 2011). Les véhicules de l’Etat représentent environ 5% du parc national. Le parc de véhicules de l’Etat immatriculés durant ces cinq dernières années (2007 à juillet 2012) comporte 5 725 véhicules classés sur une soixantaine de marques variées, de conceptions et d’origines différentes (marques chinoises ; iraniennes…).