L’état des lieux, les engagements et les doléances
Entre les retraités et l’IPRES, le dialogue n’est guère facile. Les deux parties se sont retrouvées hier pour faire un état des lieux et dégager des perspectives. Mamadou Racine Sy en a profité pour annoncer une augmentation de 10% de la pension. Pas suffisant, déclarent ceux qui pensent que l’institution peut faire plus et mieux.
La direction générale de l’Institut de prévoyance retraite (IPRES) a eu une rencontre hier avec les retraités. Les échanges avaient pour but de faire l’état actuel des lieux, de relever les contraintes et manquements, d’envisager des réformes et de dégager une feuille de route. Mais la séance de travail n’a pas toujours été calme, avec même des huées parfois. A propos de la situation des 146 000 retraités, tous les orateurs ont été unanimes pour dire que les pensions sont faibles, très faibles. D’ailleurs le président de conseil d’administration, Mamadou Racine Sy, n’a pas hésité à qualifier le départ à la retraite au Sénégal de saut vers la pauvreté. Pour lui, la retraite est une paupérisation des travailleurs. ‘’Car, en dépit de la perte de revenu, les 96 000 retraités directs ont parfois jusqu’à deux générations à gérer, leurs fils et leurs petits-fils’’, a renchéri le premier vice-président du CA, Mody Guiro.
Si les pensions sont insignifiantes, il existe des facteurs explicatifs partagés par les administrateurs de l’IPRES. Le PCA Mamadou Racine Sy, le directeur général Mamadou Sy Mbengue ainsi que le directeur du travail et de la sécurité sociale Karim Cissé sont d’accord pour dire que le problème fondamental se trouve dans le système qui est un système de solidarité et non de capitalisation. Par exemple, en ce qui concerne la durée de cotisation, il suffit juste d’avoir un cumul de mois (pas forcément linéaire) équivalant à une année de cotisation pour avoir droit à une pension à vie.
Pendant ce temps, il faut 15 ans dans la Fonction publique pour avoir droit à une pension. Même avec 14 mois, le cotisant devra se contenter d’une sortie de versement unique. Dans les pays limitrophes, ajoute M. Mbengue, il faut 10 ans de participation pour devenir allocataire. Ce qui explique le retard du Sénégal sur ses voisins, notamment le Mali, pays où un retraité peut gagner jusqu’à 5 millions. Le pourcentage est également désigné du doigt. Alors qu’un fonctionnaire cotise 35% de son salaire, un travailleur du privé verse 14%. Sans compter le fait que le régime de base de cotisation est de 256 000 F Cfa, et celui dit complémentaire cadre de 768 000 F Cfa. Autant de facteurs qui font dire à Karim Cissé que la situation de paradigmes qui fondent le système ne permet pas de générer plus de ressources que ce qu’il y a actuellement. D’où la proposition faite par la direction générale de réformer le système. Une conférence sociale est d’ailleurs prévue à cet effet au mois de mars.
Mensualisation et non charcutage
De même, la mensualisation qui a posé problème récemment n’a pas été abandonnée. Elle devait démarrer en début de ce mois-ci mais, avec la réaction énergique et hostile des allocataires, elle a été suspendue. Le PCA et le directeur de l’Ipres ont fait savoir que l’idée n’est pas abandonnée. Mais le temps nécessaire sera pris, surtout durant l’année 2016, pour étudier la question, afin de ne pas oublier les mesures d’accompagnement indispensables à sa mise en œuvre. Les retraités également sont pour la mensualisation. Cependant, pour eux, mensualisation ne veut pas dire division. Ibra Fall, un des orateurs de la région de Dakar, a accusé l’IPRES de charcutage de la pension à la place d’une mensualisation.
Mais en attendant que les acteurs trouvent une solution consensuelle, l’IPRES a décidé d’augmenter la pension de 10%, à partir du 1er janvier. Toutefois, cette mesure non plus n’a pas emporté l’adhésion de tous les retraités. Certains ont salué le travail de l’équipe actuelle, mais ils ont été nombreux à ne pas manquer de pointer du doigt le caractère insuffisant de cette hausse et les manquements de l’IPRES. ‘’La faiblesse des pensions est due à la négligence de l’IPRES qui doit avoir des agents pour contrôler les entreprises, afin qu’elles versent les cotisations’’, accuse un intervenant.
Beaucoup, parmi ceux qui ont pris la parole, ont demandé une augmentation sensible. Pendant que certains parlent de 80%, d’autres veulent 100%. Parmi les autres doléances, il y a aussi le paiement des pensions à la fin du mois, afin que les retraités ne soient pas obligés de demander des dérogations à leur bailleur. Un autre trouve que les 3 années de réserve de l’IPRES et ses différents placements dans l’immobilier et la banque sont la preuve que l’institution peut faire plus.
BABACAR WILLANE