Publié le 23 Oct 2024 - 21:15
SAINT-LOUIS : CRUES DU FLEUVE SÉNÉGAL

La vieille cité sous forte menace des eaux

 

Les prévisions annoncées pour les prochains jours par les services de l’hydraulique et de l’OMVS ne sont pas rassurantes pour les populations de Saint-Louis. Pire, certains quartiers riverains du fleuve commencent déjà à payer les frais du débordement de son lit. Depuis quelques jours, c’est le cas à Khar Yalla, à la cité Vauvert et au quartier Pikine 700 où les populations tirent la sonnette d’alarme et invitent les autorités à prendre toutes les dispositions utiles.

 

Dans son bulletin journalier d’hier, le Service régional de l’hydraulique faisait état de la montée vertigineuse du niveau du fleuve dans la région de Saint-Louis. D’ailleurs, dans les départements de Dagana et de Podor, les fortes crues du fleuve ont occasionné beaucoup de dégâts matériels, dont des centaines de périmètres rizicoles inondés, des villages engloutis et de nombreuses personnes évacuées de leurs localités. Si le Walo et le Fouta ont enregistré autant de dégâts et de sinistrés, l’ampleur de la catastrophe n’est pas encore à ce stade dans le département de Saint-Louis. Toutefois, les populations de la ville tricentenaire sont sous une forte menace d’éventuels débordements du fleuve, avec l’arrivée prochaine des crues.

Pour le directeur régional de l’Hydraulique de Saint-Louis, Souleymane Ndoye, la menace est très sérieuse, vu la situation exceptionnelle des crues de cette année. ‘’Depuis hier matin, nous avons constaté que le niveau du fleuve à Saint-Louis est à 1,51 m, alors que la cote d’alerte est de 1,75 m, soit une différence de 24 cm pour que la cote d’alerte soit atteinte, voire dépassée. Pourtant, à Saint-Louis, la crue que nous vivons actuellement est celle du mois de septembre, qui correspond au deuxième pic de la crue. Exceptionnellement pour cette année, il est attendu un troisième pic à Saint-Louis dans les prochains jours. Le pic du mois d’octobre va arriver. C’est ce pic qui a causé les graves dégâts à Bakel et, dans quelques jours, il sera à Saint-Louis. Une situation qui n’augure rien de bon pour les populations, si toutes les dispositions préventives et d’anticipation ne sont pas prises’’, a alerté Souleymane Ndoye.

Même si la cote d’alerte n’est pas encore atteinte, déjà, le débordement du fleuve a causé des dégâts mineurs dans certains quartiers de Saint-Louis, dont la cité Vauvert, près de l’aéroport international Ousmane Masseck Ndiaye, Khar Yalla, le site de relogement des premières populations déplacées de la langue de Barbarie et Médina Cheikh (Pikine 700). Dans ces zones, l’envahissement de l’eau du fleuve commence à hanter le sommeil des résidents. Pour le moment, c’est au quartier Khar Yalla que le danger se fait le plus sentir. Le site est connu pour être l’un des réceptacles des eaux pluviales de Saint-Louis.

Des quartiers déjà impactés par les crues à Ndar

Une situation qui explique en grande partie les inondations auxquelles les populations sont exposées annuellement depuis leur installation à Khar Yalla. Sur les lieux, le décor est désolant. Les eaux stagnantes et verdâtres issues des dernières pluies sont mélangées à celles des crues. Elles entourent les habitations, surtout celles faisant face au marigot. Pour accéder à leurs domiciles, les résidents réalisent un véritable parcours du combattant. ‘’Pour arriver à la maison sans passer dans les eaux, il faut pouvoir sauter ou jouer l’équilibriste sur les ponts de briques ou des sacs de sable. Sinon, il faut patauger dans les eaux nauséabondes. Nous vivons dans des conditions très difficiles. Nous sommes cernés en ce moment par les eaux du fleuve, de pluie et des eaux usées vidées ici par des camions de vidange, au su et au vu des autorités locales. C’est pourquoi nous craignons dangereusement la montée du fleuve et les conséquences qui peuvent en découler sur notre santé et celle de nos familles’’, s’est lamenté le vieux Malick Diagne.

Des inquiétudes qui sont largement partagées sur les lieux. Pour bon nombre de résidents, si les prévisions des techniciens de l’hydraulique se concrétisent, Khar Yalla vivra une catastrophe jamais vécue dans sa jeune histoire. Déjà, la situation actuelle est un véritable cauchemar et les empêche de dormir du sommeil du juste. ‘’Depuis qu’on nous a déplacés ici par les autorités locales en 2019, nous n’avons jamais vécu cette situation. Cette année, l’eau est gravement montée, surtout ces derniers jours. Certaines maisons sont envahies et leurs toilettes ne sont plus fonctionnelles. Donc, si on nous annonce que d’autres crues arriveront à Saint-Louis dans quelques jours, il y a lieu de s’inquiéter pour notre quartier’’, a soutenu mère Khady Diaw. Pour Serigne Sow, qui tient un daara coranique non loin du site de Yalla, la situation de 2024 est partie pour être la pire inondation du quartier de ces dix dernières années. ‘’J’ai passé des années sur ce site, mais on n’a jamais eu autant de problèmes pour accéder au daara. À chaque hivernage, on passait sur des pneus pour traverser. Mais cette fois-ci, ils sont submergés par l’eau. Une situation qui est due aux crues du fleuve qui ont favorisé les inondations au quartier Khar Yalla et ses environs’’, a indiqué Oustaz Sow.

Des difficultés qui n’ont pas laissé les autorités indifférentes. Pour ces dernières, des dispositions sont déjà prises pour faire face. Ainsi, des actions sont entreprises dans les quartiers touchés de la commune de Saint-Louis.

Selon le directeur régional de l’Hydraulique, sous la direction du gouverneur, un comité de crise a été installé pour minimiser les potentiels dégâts. ‘’Nous restons prudents et avons pris des dispositions pour prévenir l’impact de la crue. Des sacs de sable ont été disposés pour renforcer les zones vulnérables et des opérations de pompage sont prévues par les sapeurs-pompiers dans les quartiers inondés tels que Khar Yalla et Médina Cheikh, dans le quartier de Pikine’’, a renseigné Souleymane Ndoye.

Toutefois, le comité de crise invite les populations menacées à collaborer avec les autorités pour faciliter le travail, en respectant les directives des services techniques. ‘’En cas d’éventuelles évacuations, il ne faut pas que les populations s’y opposent. En cas de besoin, nous devons pouvoir les déplacer sans aucune résistance. Il faut qu’elles comprennent que ces mesures visent à les protéger’’, a ajouté le directeur régional de l’Hydraulique.

Il faut signaler que les mêmes dispositions qu’à Podor et Dagana sont prévues à Saint-Louis par le comité de crise, avec notamment des sites de recasement provisoires et d’autres solutions d’urgence.

IBRAHIMA BOCAR SENE, SAINT-LOUIS

 

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