‘’Il y a une tension mondiale sur l’engrais’’
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La tension sur le marché de l’engrais n’est pas seulement notée au niveau national. D’après le porte-parole du Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (CNCR), Sidy Ba, il s’agit d’un choc exogène.
Elément-clé pour avoir de bons rendements, surtout avec la pauvreté des sols, l’engrais reste, cette année, le casse-tête des paysans sénégalais. Porte-parole du Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (CNCR), Sidy Ba confie à ‘’EnQuête’’ que la mise en place de l’engrais 6-20-10, qui est destiné à l’arachide, est à hauteur de 70 %.
‘’Pour l’engrais céréale triple 15 et 15-10-10, on est à 50 %. Concernant l’engrais bio, il était attendu un pourcentage de 10 % qui devrait être mis à la disposition de ceux qui font ce type de culture. Au fait, il y a une tension mondiale sur l’engrais. L’usine qui en produit au niveau national exporte la grande partie de sa production à des prix très élevés. Les OPS (opérateurs privés stockeurs) qui exportaient de l’engrais pour le revendre, ont eu des problèmes au Maroc. Ils n’ont pas pu apporter une bonne partie de leur stock. Ils devaient chercher des éléments sur le marché international, certains éléments pour la composition de l’engrais. Ce qui a été un problème’’, explique notre interlocuteur.
D’après lui, à cause de cette rupture, même si les engrais pour le mil et l’arachide sont disponibles, aujourd’hui, il sera ‘’presque trop tard’’, surtout pour l’arachide. Parce que l’arachide commence presque à fleurir. ‘’Qu’on y mette de l’engrais ou pas, c’est du pareil au même. Il est même préférable de ne pas y mettre, à cette étape de leur développement. Parce que l’engrais est répandu 10 à 15 jours maximum après les semis. Or, l’hivernage a démarré depuis plus d’un mois. Donc, l’efficacité de tous les engrais qui sont mis à la disposition des agriculteurs est réduite. C’est des leçons qu’il faut en tirer et le ministère de l’Agriculture et de l’Equipement rural en est conscient’’, poursuit le porte-parole du CNCR.
Le Sénégal, note-t-il, avait l’habitude d’avoir assez d’engrais pour les agriculteurs. Mais ‘’depuis que l’Etat a commencé à privatiser les Industries chimiques du Sénégal (ICS) en les cédant aux étrangers, on a noté qu’il y a eu une tension sur le marché de l’engrais. L’Etat doit avertir à temps les fournisseurs pour qu’ils mettent sur le marché de l’engrais à temps, sachant qu’on est dans un pays agricole. Ils doivent en fournir suffisamment, afin qu’ils puissent s’en procurer. L’Etat peut aussi le subventionner’’.
Prendre les dispositions idoines pour la saison prochaine
Le coup étant déjà parti, le porte-parole de cette organisation paysanne estime que, l’année prochaine, dès le mois de février, des dispositions idoines doivent être prises. Ceci, pour que toutes les formules d’engrais qui peuvent concourir à booster la production, que ce soit le riz, les cultures légumières et fruitières, l’arachide et les céréales soient mis en place. Que ceux qui sont dans les zones des Niayes, dans l’agriculture des légumes et des fruits, aient assez de formule 10-10-20. Au niveau de la vallée où les gens cultivent du riz, qu’il y ait assez d’urée, de triple 16 à leur disposition. Aux agriculteurs du bassin arachidier, qu’on mette assez de triple 15, d’engrais maïs, de 15-10-10 au niveau de tous les points de vente et les opérateurs qui sont sélectionnés pour fournir de l’engrais, qu’ils le mettent à temps.
‘’Les opérateurs qui devront fournir cet engrais, qu’ils le mettent à temps et qu’ils aient les moyens de le déposer dans les lieux indiqués par le Maer à temps. Les lieux où les gens doivent mettre l’accent, dès les mois d’avril, c’est les zones Sud, Kédougou, Kolda et Ziguinchor. Qu’on mette tous les quotas nécessaires à la disposition de ces régions-là au niveau des points de vente. Là, les paysans qui auront de l’argent pourront se le procurer. Mais aussi que les prix soient disponibles. Les agriculteurs peuvent conserver eux-mêmes leurs propres semences. Ils peuvent produire des semences et les garder’’, renchérit M. Ba.
Avoir des opérateurs semenciers ‘’sérieux, recensés, répertoriés’’
Le porte-parole du CNCR soutient que les paysans gardent bien leurs semences, en mettant de côté les bonnes graines. ‘’Il est important de noter que l’Etat a fait des efforts. Cependant, si la quantité est de 150 000 t, l’Etat donne 75 000 t et le reste, c’est nous qui le fournissons et nous qui le conservons. L’Etat ne peut pas tout faire. Il arriva un moment où l’Etat se déchargera du secteur’’, soutient notre interlocuteur.
Cependant, il admet que pour les semences, c’est aussi un circuit qui mérite d’être ‘’organisé’’, afin qu’il y ait des opérateurs semenciers ‘’sérieux, recensés, répertoriés’’ et qui ont des contrats avec l’Institut sénégalais de recherches agricoles (Isra) pour l’achat de semences de pré-base. ‘’Là aussi, on demande à l’Isra de pouvoir remplir ces contrats-là. Parfois, les organisations paysannes se rendent à l’Isra pour avoir des semences, mais on leur dit qu’il n’y en a pas assez. Là aussi, c’est une autre difficulté. Si on n’a pas assez de semences pré-base, ils ne pourront pas les multiplier. Cependant, il y a des opérateurs sérieux choisis par le directeur de l’Agriculture pour multiplier les semences’’, dit-il.
A ses yeux, il est nécessaire, également, qu’en tant qu’organisations paysannes, qu’elles arrivent à multiplier les semences à tous les niveaux. ‘’Mais cela ne dépend pas de nous ; plutôt de la structure en charge de la production de semences. Il faut que l’Etat mette les moyens qu’il faut pour avoir assez de semences base et pré-base pour les paysans’’, ajoute-t-il.
MARIAMA DIEME