Les médecins sont à bout de nerfs
Une saisine du ministère de la Santé et de l’Action sociale avant toute arrestation d’un médecin, mais aussi de l’ordre des médecins. C’est le souhait du Syndicat autonome des médecins du Sénégal (Sames) qui a dénoncé, hier, les brutalités envers les membres de leur corps, les conditions de travail déplorables et la fuite des cerveaux, entre autres griefs.
Une arrestation encadrée. C’est le vœu du Syndicat autonome des médecins du Sénégal (Sames). Hier, lors d’un point de presse, le secrétaire général dudit syndicat a rappelé qu’ils ont déposé sur la table du gouvernement du Sénégal, depuis le 2 décembre 2023, une plateforme revendicative nationale.
En ligne de fond, d’après Mamadou Demba Ndour, il y a quatre grands axes. Le premier étant le statut particulier du médecin. ‘’Dans ce statut, nous revendiquons un privilège de juridiction pour que dans le cadre de l’exercice de sa fonction, le médecin ne puisse pas être interpellé de manière sauvage. Nous voulons que, désormais, si on veut poursuivre le médecin, qu’il y ait des démarches préalables. Il s’agit de la saisine du ministère de la Santé et de l’Action sociale pour pouvoir garantir, en cas de détention, une continuité des services de soins. Le deuxième niveau, il faut une saisine des ordres professionnels. Dans le cadre de ces professions, seuls les ordres sont habilités d’apprécier le bien-fondé de tel acte ou autre. Il est impératif que si l’on veut poursuivre un agent de santé dans l’exercice de ses fonctions, qu’on donne avis à l’ordre’’, indique M. Ndour.
Pour lui, au-delà du privilège de juridiction, le Sames demande un régime particulier, pour qu’ils puissent définir une retraite décente pour les médecins.
Les médecins, compte tenu de leur cursus long, démarrent le travail tardivement et ceci, d’après lui, ne leur permet pas de se positionner pour une bonne retraite. D’ailleurs, cela explique que bon nombre de médecins trouvent des solutions et tout ceci impacte négativement sur le système de santé. ‘’Tout ceci fait que les praticiens ne sont pas contents du service de santé public qui existe au Sénégal. Il faut aussi mettre l’accent sur la gestion des carrières pour les jeunes. Dès leur sortie de l’université, l’État doit pouvoir capter les jeunes. La médecine est une profession avec pas beaucoup de ressources humaines. L’État doit finaliser leur spécialisation pour les utiliser partout dans le territoire national pour lever l’inégalité territoriale dans l’offre de soins’’, indique le SG du Sames.
Dilatoire de l’État et menace de centralisation des urgences
Mamadou Demba Ndour insiste sur la ‘’démocratisation de l’offre de soins’’. Il déclare : ‘’Quand on a une patiente brûlée, on rencontre toutes les difficultés du monde. Il en est de même pour les prématurés et les femmes qui sont en couche qui sont trimballés de service en service, parce que la capacité d’accueil est limitée. Sur la plateforme, nous avons insisté sur l’accompagnement des malades en phase terminale, avec l’exemple des malades de cancer en phase terminale. Ce sont des malades pour qui la science médicale ne peut plus rien faire. Ils ne peuvent pas être laissés à la merci des familles qui ne savent pas quoi faire.’’
Ainsi, le Sames réclame un système de santé qui puisse les accompagner dans cette fin de vie pour affronter leur destin avec beaucoup de dignité, mais aussi pour le soutien des familles, parce que tout ceci doit être dans un cadre d’offre de soins qui prend en charge la personne dès sa naissance jusqu’à sa mort.
‘’La grande question, poursuit Mamadou Demba Ndour, doit être axée sur l’impérieuse nécessité de fixer le personnel de santé sénégalais qui est hautement compétent au Sénégal, en réglant les problèmes d’un faible niveau de rémunération, mais aussi celui de la retraite, mais surtout, en ramenant dans le secteur de la santé la sérénité et la joie de servir, parce qu’au-delà de tout, la profession médicale a pour principal objectif d’être au service de la population’’.
Le secrétaire général du Sames annonce, dans les jours à venir, un plan d’action national pour obliger l’État du Sénégal à s’assoir à la table des négociations. ‘’Jusqu’à présent, on est en face d’un dilatoire sans précédent. Dans notre plateforme de revendications, nous avons une panoplie de mode d’action, mais nous avons jugé nécessaire de se limiter, dans un premier temps, au respect des urgences. On va aller vers la centralisation des urgences. Par exemple, on peut décider qu’à Dakar, une seule structure va s’occuper des urgences et les patients vont converger vers’’, menace-t-il.
Fuite des cerveaux
En outre, Mamadou Demba Ndour a abordé la question de la mobilité des intellectuels qu’il considère comme un acquis pour l’humanité. ‘’Cependant, souligne-t-il, pour pouvoir maintenir nos ressources humaines de qualité au Sénégal et affronter cette fuite des cerveaux, le gouvernement du Sénégal a l’obligation de se prononcer sur le mal-être des médecins sénégalais. Parce qu’à chaque fois qu’une promotion sort, nous avons une saignée que nous remarquons, que nul ne peut expliquer. Cette saignée s’explique par le fait que les médecins et chirurgiens-dentistes ne s’épanouissent plus dans l’exercice de leur art. Les salaires sont faibles, les conditions de travail sont drastiques et, pire, il n’y a pas la protection et l’égard qu’on doit avoir pour les médecins. C’est pourquoi vous voyez des médecins qui sont emprisonnés. Ils sont en garde à vue. Les médecins sont malmenés dans leur lieu de travail’’, fustige-t-il.
Sur cette question, selon lui, le Sames reste intransigeant pour qu’on puisse fixer les ressources humaines. ‘’Il n’y a pas à réinventer la roue. Il faut de bons salaires, de bonnes conditions de travail ; il faut des mesures incitatives. Mais il faut surtout plus de considération pour ce corps qui, à l’image de son sermon, doit être au service exclusif des populations’’, lance le patron du Sames.
CHEIKH THIAM