Fama Daff décroche son Bfem à 37 ans
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Mère de six enfants et commerçante, Fama Daff vient de décrocher son diplôme de Bfem, à l’âge de 36 ans. Mariée à un homme au chômage depuis cinq ans, elle a été acceptée comme cas social à l’école privée Inchallah, après 12 ans d’arrêt. Elle nourrit le rêve de devenir sage-femme pour soutenir son époux et aider les femmes.
Il n'y a pas d'âge pour les études. Une vérité qui vient de se confirmer à Thilogne, ville située à 50 km au nord de Ourossogui. Une candidate, certainement la plus vieille de la région de Matam, voire du pays, a réussi à décrocher enfin son Brevet de fin d'études moyennes (Bfem). La lauréate, qui répond au nom de Fama Daff, est une femme à la trajectoire inédite.
Cette brave dame est née en 1985, à une époque où les parents étaient plus réticents à la culture occidentale, symbolisée par l’école française. Sa famille ceddo, sans être dans une opulence extravagante, parvenait tout de même à survivre dignement. Comme la plupart des filles de son âge, à cette époque, elle fit la laborieuse expérience du mariage précoce. Elle se maria en 2002, à l'âge de 17 ans, alors qu'elle faisait la classe de 5e. Face à une responsabilité plus accrue, les travaux ménagers et les cours, elle n’abdique pas pour autant. Mais elle tombe enceinte de sa fille ainée, l’année suivante, en 2003. Ce qui la contraint à mettre entre parenthèses ses études, pour se consacrer à son enfant.
Se dévouant entièrement aux tâches ménagères, elle s’occupe de son foyer, mais en ayant toujours dans un coin de sa tête la volonté de poursuivre ses cours. Quatre ans plus tard, en 2007, elle décide de reprendre les études en 5e, retour qu’elle réussit avec brio, puisqu’elle passe en classe supérieure. Enceinte à nouveau, elle va être obligée d’abandonner, une nouvelle fois, en 2008, en classe de 4e. Cette nouvelle naissance va lui grignoter une grande partie de son temps ; elle ne parvient plus à trouver du répit pour penser aux études. Elle met au monde quelques mois plus tard des jumelles.
Une situation qui aurait dû l’inciter à surseoir à ses ambitions et à accepter son sort de femme au foyer. Mais c’était sans compter avec son abnégation et sa pugnacité à faire face à un destin qui s’acharne.
Avec ses six bouts de bois de Dieu dont des jumelles, elle refuse la pauvreté. Son époux, qui était un vaillant commerçant à Dakar, est tombé en faillite, entre-temps. Les temps devenaient durs et la situation se compliquait pour Fama. Loin d’être fataliste, elle décide de venir en aide à son mari, en s'activant dans le commerce et la restauration. Avec ses petites économies, elle subvenait aux besoins de sa famille. Plus tard, elle va s’installer devant le portail du groupe scolaire Inchallah pour vendre le petit-déjeuner aux élèves, et ce, depuis cinq ans aujourd’hui. Cette proximité avec le temple du savoir a ravivé sa flamme pour les études.
Finalement, elle décide de s'inscrire en candidate libre, en suivant les cours à ses heures libres. Avec la compréhension de l’administration de l’établissement, elle assistait aux cours gratuitement. Elle a été logée au registre des cas sociaux.
Femme au foyer, courageuse et volontaire, elle a su allier travaux domestiques, petit commerce et études à l'école privée Inchallah de Thilogne.
Aujourd’hui, son nom est sur toutes les lèvres. Son parcours force le respect. Agée de 36 ans et étant restée 12 ans sans étudier, Fama Daff Dia a obtenu courageusement le Bfem, cette année, à l'issue des épreuves du second tour.
Ambitieuse et plus que jamais déterminée, elle a en ligne de mire le baccalauréat. Après le premier diplôme universitaire, elle voudrait faire une formation en santé pour devenir sage-femme ou infirmière... Un rêve qui a bien des allures de réalité.
DJIBRIL BA (MATAM)