Toutes les 10 minutes, une femme est tuée
Lutter contre les violences basées sur le genre, qui causent 62 560 décès par an, nécessite d’élaborer des stratégies de communication qui placent cette lutte, le respect des droits des femmes et des filles, ainsi que leur autonomisation au cœur de l'agenda médiatique. C’est l’un des objectifs du forum du REMAPSEN, qui regroupe 65 journalistes venus d’une trentaine de pays.
Le forum du Réseau des Médias Africains pour la Promotion de la Santé et de l'Environnement (REPAMSEN), qui regroupe 65 journalistes venus d’une trentaine de pays, a été ouvert avant-hier. Lors de cette rencontre, qui coïncide avec les seize jours d’activisme contre les violences faites aux femmes et aux filles, la représentante résidente d’ONU Femmes au Sénégal a confié que ce forum régional est consacré à un enjeu crucial : l'élimination des violences faites aux femmes et aux filles, en mettant au cœur le respect des droits humains et l'autonomisation des femmes.
Selon Arlette Mondo, s’appuyant sur les premiers rapports du processus de Beijing 2030, au cours des cinq dernières années dans la région, 79 % des États membres ont présenté des rapports permettant de mettre en place des plans d'action nationaux pour mettre fin à la violence contre les femmes et les filles, et 90 % ont introduit ou renforcé la législation en matière de lutte contre les violences à l'égard des femmes et des filles. Selon elle, 88 % des États ont également introduit ou renforcé des services pour prendre en charge les victimes de violences.
« Nous saluons ces progrès remarquables qui font une différence et qui montrent que la violence contre les femmes et les filles est évitable. Pourtant, la réalité que nous vivons est autre et montre que la violence reste omniprésente et dévastatrice. Nous sommes réunis dans un contexte où les faits relatant les violences faites aux femmes et aux filles restent alarmants’’, souligne-t-elle. Avant de donner des chiffres inquiétants.
‘’En Afrique de l'Ouest et du Centre, renseigne-t-elle, une femme sur trois subit des violences basées sur le genre. Les mutilations génitales féminines, les mariages précoces, les violences sexuelles et domestiques continuent de priver des millions de femmes et de filles de leurs droits fondamentaux tout en limitant leur potentiel individuel et leur contribution collective à notre société. Aucun pays n'est épargné et aucun pays n'a réussi à éliminer ce fléau de la violence contre les femmes et les filles’’.
Ces constats faits, elle enjoint la communauté internationale à initier une action audacieuse et transformatrice, pour y mettre fin. ‘’Nous avons besoin d'investissements plus importants, d'une plus grande innovation, mais surtout d'une plus grande volonté, non seulement politique, mais de la part de tous les acteurs, particulièrement les médias que vous êtes, pour combler les lacunes très réelles qui subsistent dans le domaine de l'autonomisation, du leadership des femmes, de la législation, des services et des systèmes qui garantissent justice, responsabilité et liberté. C'est la fin de l'impunité’’, assure Mme Mondo.
En effet, malgré les efforts des gouvernements, des partenaires et des organisations de la société civile, on est loin des objectifs fixés à Beijing. « Nous sommes loin des objectifs de développement durable, nous sommes loin des normes, des droits de l'homme qui devraient garantir la protection et la sécurité de chaque femme et de chaque fille’’, souligne-t-elle.
Pour étayer son propos, elle renseigne que le rapport sur les féminicides publié récemment révèle que toutes les 10 minutes, une femme est tuée par un partenaire intime ou un membre de sa famille. ‘’’Si vous calculez, nous avons bien dit, toutes les 10 minutes, essayez de faire le calcul pour trouver combien de femmes meurent en 24 heures, une journée, une année. Cette statistique exige une action urgente. Cette réalité est exacerbée par des normes patriarcales enracinées, par des conflits armés et par les nouvelles formes de violence facilitées par la technologie numérique’’.
Arlette Mondo appelle donc à une action immédiate, collective et déterminée. Elle souligne la nécessité de s'unir pour agir et s'attaquer aux inégalités structurelles qui normalisent la violence et affectent de manière disproportionnée les femmes et les filles. ‘’Nous voulons souligner que ces femmes et ces filles, ce sont nos mères, nos sœurs, nos épouses, nos filles, nos petites-filles’’, fait-elle remarquer.
« Votre rôle en tant qu'acteurs des médias est crucial »
Dans ce combat, elle invite les médias a joué un rôle crucial, un rôle central de par ses fonctions d'information et d'éducation. ‘’Vous (les journalistes) êtes des acteurs essentiels et incontournables. Vos capacités à influencer les attitudes et comportements sociaux sont un levier puissant pour transformer les normes sociales et promouvoir une culture de respect, d'égalité et de justice sociale, a-t-elle lancé aux journalistes présents.
En effet, ce forum régional constitue, à ses yeux, une opportunité unique pour renforcer les capacités des journalistes à couvrir des thématiques complexes, mais surtout à élaborer ensemble des stratégies de communication qui placent la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles, le respect des droits des femmes et des filles, ainsi que leur autonomisation au cœur de l'agenda médiatique.
Le conseiller technique N°1 au ministère de la Famille et des Solidarités de renchérir que les médias jouent un rôle fondamental dans la transformation sociétale, dans la mesure où l'information a ce pouvoir mobilisateur sur les communautés et d'éducation en conscientisant les esprits et en transformant les mentalités. ‘’En Afrique, où les défis liés aux inégalités et aux violences persistent, les médias peuvent servir de catalyseur pour une prise de conscience collective sur les enjeux de l'équité et de l'égalité de genre, afin d'atteindre le développement durable tant souhaité dans notre cher continent. Cet objectif de développement durable, que tous les pays africains se sont fixés, ne pourra être atteint sans l'autonomisation des femmes et des filles et l'éradication des violences basées sur le genre’’, indique Oumar Samb.
Les violences basées sur le genre, qu'elles soient physiques, psychologiques ou économiques, représentent, d’après lui, une violation grave des droits humains. Elles affectent la dignité, la santé et le bien-être des femmes et des filles. Ces inégalités, exacerbées par des normes socioculturelles et des préjugés, freinent non seulement la participation des femmes et des jeunes filles au développement de nos différents pays, mais aussi leur aspiration à des sociétés solidaires sans discrimination.
« Au regard de ces défis persistants, la promotion de l'autonomisation financière des femmes, pour ainsi dire l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, les filles et les garçons, ne constitue pas seulement une question de justice sociale, mais aussi un levier essentiel pour l'Afrique afin de participer à la marche mondiale vers l'atteinte des objectifs de développement durable. Votre rôle en tant qu'acteurs des médias est crucial. Pour mettre en lumière ces défis, il reste des obstacles à franchir pour une économie plus dynamique et une société plus résiliente. Bien qu'il existe des politiques et des programmes visant à renforcer les cadres législatifs, à soutenir les victimes et à promouvoir des environnements sûrs pour toutes et tous, il est évident que la promotion de l'autonomisation des femmes et des jeunes filles, et l'éradication des VBG, ne pourra réussir sans la collaboration des médias », a-t-il ajouté. Avant d’inviter à amplifier les efforts de prévention et de réponse, car il est tout aussi important, à ses yeux, de combattre les stéréotypes sexistes qui limitent les aspirations des filles et des femmes.
« Je vous invite donc à devenir des alliés actifs de ce combat, car l'accès à l'éducation, à un emploi décent, à la santé, à la justice, au financement, entre autres, demeurent des droits universels pour tout être humain, » a lancé M. Samb aux journalistes présents. Car, convaincu que les médias deviennent un outil puissant pour la continuité des services de prévention et la promotion des services de prise en charge dans les domaines de la vie sociale. Il déclare : « Ce forum constitue pour nous le point de départ d’un engagement collectif des médias en Afrique, avec en toile de fond un renforcement des productions médiatiques de sensibilisation. »
Pour Bamba Youssouf, le Président du REMAPSEN, en organisant ce forum, les médias africains veulent prendre leur place dans cette lutte noble contre les violences faites aux femmes et aux filles et la promotion de leur autonomisation. Les seize jours d’activisme contre les violences faites aux femmes et aux filles ne pouvaient que mieux tomber pour lancer cette initiative, selon lui. « Dans une région profondément marquée par des crises militaro-politiques, les médias deviennent un outil puissant pour la continuité des services de prévention et la promotion des services de prise en charge dans les domaines de la vie sociale. Quand les frontières physiques entre nos pays sont fermées, celles des ondes restent ouvertes pour donner de l’espoir aux populations souvent sinistrées. Ainsi, ce forum constitue pour nous le point de départ d’un engagement collectif des médias en Afrique, avec en toile de fond un renforcement des productions médiatiques de sensibilisation et de plaidoyer en vue de toucher toutes les cibles, notamment les plus reculées, pour un monde sans violence envers les femmes, » a indiqué le président du REMAPSEN.
CHEIKH THIAM