Au théâtre ce soir !
Abdou Latif Coulibaly semblait, hier, se trouver devant des étudiants. Le ministre de la Culture avait réponse à tout, lors du vote du budget de son ministère à l’Assemblée nationale. Il s’est fait un malin plaisir de démonter les arguments des uns et des autres, surtout ceux de Cheikh Bamba Dièye et Cheikh Mbacké Doly.
‘’Ce n’est pas parce qu’on reçoit le ministre de la Culture qu’on doit faire de notre Assemblée un théâtre’’, disait, hier, le député Seydou Diouf. C’était au cours du vote du budget du ministère de la Culture qui passe cette année de 23 070 792 460 F Cfa à 24 561 999 103 F Cfa. Ce rappel à l’ordre n’a pas servi à grand-chose. Les échanges entre Abdou Latif Coulibaly et les parlementaires ont été vifs… et amusants. Entre impéritie chez certains et savoir chez d’autres, M. Coulibaly en a vu des vertes et des pas mûres.
Paule Juliette Zinga, qui a parlé de l’organisation du Dak’Art à la place de la Nation avec assurance, semblait sortir d’un tout autre siècle. En effet, cela fait des années, disons très longtemps, que la Biennale ne s’est pas tenue sur ces lieux qu’elle juge exigus pour une manifestation de cette envergure. D’ailleurs, le ministre s’est abstenu de répondre à sa requête ou l’a élaguée délibérément pour ne pas frustrer son auteure ou n’a pas eu le temps de le faire.
Par contre, il a pris du temps à répondre aux députés Cheikh Bamba Dièye et Cheikh Bara Doly. Le premier nommé est d’avis qu’il n’y a pas de politique culturelle au Sénégal. Pour lui, cette dernière doit être articulée autour d’un travail de mémoire. Qu’il ne faut pas juste consacrer l’essentiel du travail sur la politique du livre ou sur la musique. Il souhaite qu’on revisite l’histoire du Sénégal pour offrir aux jeunes des références. Il a cité diverses figures historiques comme Pathé Badiane ou les femmes de Nder. Il souhaite qu’on aille au-delà de la construction de quelques mausolées çà et là.
‘’Le député Cheikh Bamba Dièye a commencé en citant Churchill. Je vais lui opposer Malraux qui disait que : quand on parle de culture, on ne s’amuse pas, on est sérieux. On est sérieux, parce qu’on fait la part entre les détails des fondements d’une politique et les objectifs fondamentaux attachés à la culture’’, a introduit le ministre de la Culture. ‘’Vous avez prétendu parler d’une politique culturelle. Vous avez énoncé quelques éléments d’une politique. C’en est tout. Ce que vous avez dit se trouve dans tous les actes et programmes culturels du Sénégal’’, a-t-il ajouté. ‘’Je pense qu’il faut être prudent par rapport à certaines énonciations.
Vous avez pensé que la culture se résumait à l’histoire. Absolument pas ! Et encore moins à des sites, des lieux et des personnes’’, a-t-il ajouté. Concernant le souhait du député de voir l’Etat développer des politiques pour montrer aux jeunes des figures ou sites pouvant les rendre fiers, le ministre pense que cela est à la fois du ressort de l’Education nationale, du ministère de la Culture et celui de tout un chacun dans sa famille. ‘’Ne pensez pas que la politique culturelle d’un pays peut être articulé autour des trois questions que vous avez évoquées. La politique culturelle dépasse, et de très loin, ce que vous venez de dire’’.
Il lui a rappelé l’écriture de l’histoire générale du Sénégal pour lui prouver qu’un travail sur la mémoire est bien en train d’être fait. Abdou Latif Coulibaly a fait savoir aux députés que l’une des expositions qu’accueillent le Musée des civilisations noires est consacrée aux figures religieuses. ‘’Vous semblez dire des choses qui sont essentielles, comme si vous les connaissiez, mais ce sont des choses très relatives aujourd’hui’’, a-t-il dit.
Pendant tout le temps du ‘’discours’’ d’Abdou Latif Coulibaly, le député Cheikh Bamba Dièye ‘’protestait’’. Il ne cessait de dire ‘’absolument pas’’, pour dire que ce n’est pas ce qu’il voulait dire. ‘’J’ai eu le respect de vous écouter, ayez le respect de m’écouter et de souffrir que j’exprime ma pensée et mon opinion. Je vous ai écouté patiemment et de façon très polie d’ailleurs’’, lui a-t-il rétorqué, quand il persistait. ‘’Je n’en souffre pas’’, a répondu Cheikh Bamba Dièye. Ce dernier a d’ailleurs demandé la parole après le débat, mais il ne l’a pas eue.
Il n’est peut-être le seul frustré de la soirée. Bara Doly en a eu pour son grade. Ce qui n’a pas déplu aux députés de la majorité qui, à un moment, ont applaudi le ministre de la Culture. Le député de Touba a interpellé le ministre sur la construction d’un musée à Touba. En effet, lors du dernier Magal de Touba, le ministre de la Culture Abdou Latif Coulibaly annonçait la construction d’un musée dans la ville sainte. Cheikh Abdou Mbacké Bara Doly voulait savoir si les autorités religieuses étaient d’accord. ‘’En commission technique, je vous avais déjà dit que ce n’était pas le ministère de la Culture qui a pris l’initiative de la construction de ce musée. C’est le porte-parole du khalife général qui nous a fait part de ce vœu. Pour l’instant, le ministère les accompagne sur la construction’’, a indiqué M. Coulibaly.
Egalement, lors de son intervention, M. Mbacké a tenté de sermonner le ministre et lui a rappelé que Dieu n’aime pas ceux qui ne reconnaissent pas les mérites de l’autre. Jouant sur son terrain, le ministre lui a répondu que Dieu n’aimait pas non plus ceux qui disaient des choses fausses. ‘’Vous nous demandez de nous rappeler de ce que Dieu a dit. Vous avez dit ici trois choses qui ne sont pas vraies et Dieu n’aime pas ça’’, a lancé Abdou Latif Coulibaly.
Ce qui a eu le don de faire jubiler les députés qui ne se sont pas privés de l’applaudir. ‘’Avant de dire certaines choses, il faut bien les maitriser. Le Musée des civilisations noires, on en a parlé pour la première fois en 1925’’, a-t-il commencé de dire, avant que Bara Doly n’essaie de le couper. Sûr de lui, M. Coulibaly a enchainé : ‘’Ecoutez-moi, il y va de votre intérêt. Cela va vous permettre de connaître la vraie histoire. Même si vous la niez ici, vous pourrez demain la raconter à vos enfants. En 1925, Lamine Senghor, avec d’autres intellectuels en France, ont pensé qu’il serait bien d’avoir en Afrique quelque chose pour redonner au Noir sa place. En 1945, à Manchester, on a encore répété cela. Le même discours est revenu en 1956 à Paris, puis en 1959 à Rome et cela a été décidé en 1966 à Dakar’’, a fait savoir M. Coulibaly. Nouveaux applaudissements des députés.
‘’Abdoulaye Wade faisait partie de ceux qui écrivaient les rapports, en 1959, et je n’ai jamais exclu Abdoulaye Wade de ce projet. J’ai toujours dit que nul ne peut l’exclure de ce projet. Il en fait partie’’, a martelé le ministre. Bara Doly disait le contraire, vous l’aurez compris.
BIGUE BOB