''Pourquoi je n'adhère pas à l'association des lutteurs VIP''
Belle matinée ensoleillée, brise tiède... à Mbour, en ce vendredi 23 novembre. Et c'est dans cette atmosphère que Serigne Dia alias ''Bombardier'' a reçu EnQuête chez lui. Affichant une mine décontractée après avoir dégusté, de la main, un bon ''ceebu jën'' (riz au poisson) concocté par sa douce moitié, le chef de file de l'écurie Mbour s'est livré, sans détours.
Cette saison, des mesures importantes ont été prises dans le domaine de la lutte. Que pensez-vous des réformes apportées par le CNG (Comité national de gestion de la lutte) ?
Je suis d'accord sur beaucoup de points, surtout sur les contrôles antidopage. Il ne faut pas se leurrer, cela existe bel et bien dans le milieu de la lutte, et les lutteurs n'ont pas conscience des risques qu'ils encourent avec ces pratiques. Je suis aussi en phase avec la réduction des ponctions sur les cachets, qui sont passées de 25% à 15%. Je pense que je suis le lutteur qui a eu à subir plus de ponctions que les autres. Si j'évalue tout cela, je peux estimer que le CNG m'a délesté de plus de 10 millions.
Le préfet de Dakar a, dans la foulée, interdit aux lutteurs de s'entraîner dans les écoles. Vous en dites quoi ?
Je suis parfaitement en phase avec le préfet. Les entraînements dans les écoles handicapent quelque peu l'éducation des enfants parce que les séances commencent à 17 heures au moment où les élèves sont encore en classe. Et quand ils sortent de classe l'après-midi, au lieu de rentrer chez eux se reposer et apprendre leurs leçons, ils restent dans la cour de l'école pour admirer les prouesses de leurs idoles, et ce n'est pas bien. Au début, je m’entraînais dans les écoles, mais j'ai arrêté pour aller à la plage. Le problème de Dakar, c'est qu'il y a trop d'écuries et peu d'espaces. Que tous les lutteurs retournent à la plage ! C'est là que tout le monde s'entraînait avant cette ruée vers les écoles.
Cette saison, plusieurs affiches, et pas des moindres, ont été montées mais on n'a pas encore entendu parler de Bombardier. Pourquoi ?
Je suis en pourparlers avec des promoteurs, j'ai des propositions mais je ne peux vous en dire plus. Je peux vous dire cependant que je m'entraîne en faisant deux séances par jour. Le matin, je fais du footing et le soir, je vais en salle pour maintenir ma forme, parce que je suis en pleine forme et prêt à lutter.
Votre dernier combat s'est soldé par une défaite face à un jeune, Tapha Tine. Avec le recul, avez-vous des regrets ?
Évidemment ! Parce que ce qui s'est passé était totalement le contraire de ce à quoi je m'attendais. Mais après coup, je me suis dit que c'est la loi du sport. Il y a des défaites qui sont inattendues et celle face à Tapha Tine en fait partie. Au début, c'était très difficile à digérer. Mais heureusement, j'étais entouré de mes proches, qui m'ont aidé à passer le cap et je me suis remis au travail. La lutte est ainsi faite : on vit tantôt des moments de bonheur et tantôt de malheur.
D'aucuns disent que la défaite a été très difficile à avaler pour vous à cause de la décision médicale ?
Une décision médicale ne satisfait même pas un lutteur qui sort gagnant d'un combat. Si j'avais une victoire par décision médicale, cela ne m'aurait pas plu du tout. La plus belle des victoires, c'est celle où tu terrasses ton adversaire par une belle prise technique. Mais les médecins sont comme les arbitres, il faut respecter leur décision.
Beaucoup de spécialistes en lutte soutiennent que vous êtes techniquement limité ?
Tous les lutteurs ont des limites. Et je vais vous dire une chose : tant que tu gagnes, personne ne remarque tes limites mais le jour où tu tombes, on te trouve des failles ; des gens diront que tu n'as jamais su lutter, d'autres diront autre chose de plus blessant. Toutefois, c'est dans ces moments-là que l'on reconnaît les vrais champions. Ne pas écouter les autres et tout faire pour avancer, c'est la meilleure réponse que l'on doit servir aux détracteurs.
Revenons sur votre carrière. Qu'est-ce qui vous a poussé à la lutte ?
D'une part, je l'ai héritée d'oncles lointains. Mais aussi j'ai subi l'influence de ce sport. Car sur la Petite Côte où je suis né et où j'ai grandi, il y avait d'éminents champions de lutte comme Robert 2, qui s'est frotté à Moustapha Guèye et autres. À l'époque, il s'entraînait sur la plage où accostait notre pirogue de pêche. Je le suivais et j'étais admiratif de ce qu'il faisait. Finalement, j'ai commencé à aller assister à des ''mbapatt'' (séance de lutte traditionnelle) en compagnie de mes amis. Et un beau jour, j'y ai participé, j'ai gagné et j'ai aimé. Mes parents ne voulaient pas que je suive cette voie parce qu'à l'époque, la lutte était mal vue. Les lutteurs avaient une mauvaise réputation d'agresseurs. À l'époque aussi, j'avais du matériel de pêche et les parents me faisaient savoir que si je continuais dans la lutte, mon travail de pêcheur allait en pâtir. L'un ne pouvait pas aller avec l'autre. Au début de ma carrière de lutteur avec frappe, je n'avais pas arrêté la pêche. J'allais en mer et je m'entraînais au retour. En fin de compte, j'ai su que ce serait difficile de continuer à faire les deux. Quand j'ai décroché un contrat pour affronter Moustapha Guèye, j'ai offert le matériel à mon petit frère. Et j'ai décidé de rester à Mbour parce que tout ce qu'il y a dans la capitale existe à Mbour. Il faut savoir représenter son fief.
Khady Faye
À suivre à 09h20
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