Les peuples outranciers
Le Sénégal serait, selon un rapport de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), sous la menace idéologique du péril islamiste. C’est un euphémisme que de le dire : l’Arabie Saoudite, la référence suprême, compte plus de 3 000 prisonniers islamistes dans ses geôles et a ouvert un centre de rééducation pour sauver les âmes de jeunesses qui ont perdu la foi en un rigorisme religieux de façade qui secrète bien des contradictions entre son idéal proclamé et son vécu. La prise des bastions d’Al Qaïda en Afghanistan a révélé d’indicibles traumatismes aux mères américaines qui ont reconnu leurs fils, supposés en voyages d’études parmi les prisonniers de guerre de leur invincible armée. C’est désormais le tour des mères des banlieues parisiennes de découvrir comment leur progéniture a renoué avec leurs racines arabes. Comme jadis l’internationalisme prolétarien, l’universalisme de l’Islam, confronté à la nouvelle perversion des idées et des mœurs, va marquer la résistance des hommes de tous les pays dans ce deuxième millénaire.
Parce que les musulmans sont devenus les nouveaux parias d’un monde qui avance vers une modernité douteuse, celle des peuples outranciers dont parle le Coran : ''Certes vous assouvissez vos désirs charnels avec les hommes au lieu des femmes !'', disait Allah, reprochant au peuple de Loth ''cette turpitude que nul, parmi les mondes, n’avait commise avant vous'' (VII, 80 et 81). Au moment où le vainqueur de la guerre du Mali, François Hollande, promulgue la loi qui permet le mariage homosexuel en France, ne doit-on pas s’interroger sur les alliés d’un tel homme ? La réponse devrait bouleverser toute la géopolitique mondiale. L’Occident chrétien ne l’est plus tout à fait dans son rapport aux autres peuples et les valeurs véhiculées par la laïcité couvent désormais toutes les hypocrisies possibles dont l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) est la première à pâtir pour avoir découvert n’être que le flanc-garde du chiisme en Irak, et du salafisme en Lybie et en Syrie.
Le combat planétaire n’oppose plus, comme aux temps des croisades, l’Islam à la chrétienté ; une nouvelle recomposition politique plus manichéenne suggère que désormais, sous certains rapports, la ligne de démarcation sépare non plus la gauche de la droite mais plus certainement les intégristes des permissifs, les peuples qui refusent de transgresser la nature humaine, homophobes par excellence, et ceux qui se veulent les défenseurs des droits humains. Au Sénégal comme dans tous les autres pays, la configuration des partis politiques devrait épouser cette contradiction majeure entre leurs militants, lesquels cohabiteraient difficilement en les assumant. Invité à Munich en 1984 à une action contre des groupes néo-nazis allemands, je refusais de participer à la castagne quand je compris que c’était pour défendre des groupes d’homosexuels et de prostituées contre lesquels ils exerçaient des ratonnades, perdant l’estime de mon amie allemande d’origine turque et mauvaise musulmane pour qui j’étais de droite voire d’extrême droite.
Les réseaux dormants d’Al Qaeda signalés au Sénégal n’étaient-ils que l’invention des services spéciaux pour justifier l’engagement de notre pays au Mali dans le sillage tracé par la France ? L’Islam sénégalais, pétri dans un certain réalisme, n’est pas une religion de combat. Les mouvements islamistes qui sont apparus dans la période de la révolution iranienne ont fini par succomber à la rivalité traditionnelle entre le chiisme et le sunnisme et se rendre à raison en épousant une ligne non conflictuelle par rapport aux grandes familles religieuses qui dominent l’espace confrérique. Mais le facteur majeur de détermination confrérique ne peut échapper au centre de conception qui pour deux sectes au moins, se trouvent en Afrique du Nord. Évidemment, il serait intéressant d’étudier le rapport au Bokko Haram de la branche des ''Niassènes'' établie au Nigeria et de savoir si au moment où cette secte islamiste subit l’offensive aérienne et terrestre des forces fédérales, elle peut compter sur une empathie active ou non des autres secteurs musulmans.
La veille, des institutions financières avaient annoncé que la France était entrée en récession. C’est un avertissement évident pour tous les régimes tentés par le bellicisme : les guerres coûtent cher, les guerres irrégulières plus chères encore. Le Nigeria, impliqué dans la guerre au Mali est sollicité à ses bases arrières par une opération de grande envergure qui édifie sur la progression de ses islamistes dans trois états orientaux, passant des opérations terroristes à une guerre totale nécessitant l’utilisant de l’aviation pour bombarder ses positions. Des problèmes internes de moindre intensité ont démobilisé le contingent tchadien du Mali, la tentation est grande donc de supputer un éventuel effet négatif de l’intervention sénégalaise. C’est dans l’ordre du possible mais les Sénégalais relativement enclins à régler leurs contentieux par la voie légale, ne devraient pas recourir aux méthodes dits terroristes.
Un certain débat sur la peine de mort, suscité par l’annonce du dépôt d’un projet de loi par le député Seydina Fall, est de cet ordre. Il convient de signaler qu’aucun des mouvements dits islamistes du Sénégal n’a jamais posé de manière frontale un acte politique relatif à l’imposition, fût-elle partielle, de la charia. Quand aux intellectuels sénégalais formés dans les universités arabes, ils restent bridés par leur appartenance confrérique d’origine dont ils sont le plus souvent fils de notables. Le danger viendrait seulement et à longue ou moyenne échéance d’un mimétisme de leurs condisciples des pays arabes qui vivent le hiatus de plus en plus profond entre l’idéal islamique originel et la pratique de leurs monarques et potentats locaux. Ceux-là furent à l’origine de la prise de la Mosquée de La Mecque au début des années 1980. Leurs émules de la jeunesse dorée saoudite multiplient les harangues écrites ou sonores contre la vie dissolue des princes du pétrole, en attendant mieux ou pire…a