Publié le 29 Aug 2013 - 20:35
DEMBA RAMATA NDIAYE, ANCIEN MILIEU DU CASA

 ''On n'avait pas l'idée de perdre''

 

 

''Notre stratégie...''

''C'est l'un des plus beaux souvenirs du Casa, c'était une finale très alléchante. Rencontrer une très bonne équipe du Jaraaf, la meilleure du Sénégal sur le papier, où il y a beaucoup d'internationaux, qui a tout gagné et qui venait de perdre une Coupe du Sénégal l'année d'avant... Donc, Jaraaf sait ce que signifie gagner ou perdre une Coupe du Sénégal ; au contraire du Casa qui jouait sa première finale. Chez nous, il n'y avait pas cette hantise de perdre, elle était du côté du Jaraaf, c'était lui qui avait peur. Nous, quand on gagne, on va dire bravo ! Tant pis quand on perd, on était sans pression. Quelle stratégie apporter alors ? Il faut les attaquer, monter sur eux. Le Jaraaf, à l'époque, si tu encaissais un but dans le premier quart d'heure, tu prenais une fessée. Il fallait d'abord être costaud au début et laisser l'orage passer.

 

''C'était impossible de se préparer à Ziguinchor''

''Le stade était archi-plein dans les semaines qui ont précédé le match. On avait des problèmes pour s'entraîner correctement, tout le monde venait et ça perturbait les garçons. Pour éviter l'envahissement, on a déserté Néma. On a pris la route du sud, vers Kolda, et on s'installait au premier terrain d'un village. Le premier jour, on s’est entraînés à Niaguisse ; et le lendemain, tous les villages environnements ont su qu'on était à Niaguisse. Le surlendemain, on a dépassé Niaguisse pour un autre village. Ainsi de suite, on a fait de village en village jusqu'à la fin de la semaine. C'est comme ça qu'on s'est préparés. C'était pour mieux se concentrer ; parce qu'à Ziguinchor, c'était le trop-plein. Les gens en parlaient, les familles venaient. Cet engouement était une pression terrible qu'il fallait éviter avant le match, pour que ça ne puisse pas peser sur les joueurs.

 

''On les a battus par la communication''

Notre force était la communication. Une fois dans le match, on ne parlait ni wolof ni français, mais seulement diola, créole et manding. On avait une belle stratégie de communication. Ils ne nous comprenaient pas alors que nous, on les comprenait. Par exemple, quand Bocandé est tombé après que Léopold Diop a fait faute sur lui, je l'ai interpellé : ''Mandjo ikissa'' en créolE (mon frère, qu'est-ce qui se passe ?). Il me dit : ''nada'' (rien). Les Jaraaf-men ne comprenaient pas. Immédiatement, j'ai dit à Tidiane Diémé : ''kane batu'' (ne les attends pas, en manding). Tidiane a joué pour Bass (Bassirou Ndiaye) et il a marqué. C'était la communication qui nous a fait marquer le premier but.

 

''Le Jaraaf nous avait sous-estimés''

Le Jaraaf avait une attaque de feu, avec la paire d'avant-centres, Seydou Ba et Mbaye Fall, qui se relayaient. L'un peut jouer le rôle de 9 ou 10, et vice-versa. Il était difficile de les contenir. Cheikh Fall et Séga Sakho, des flèches sur les flancs. J'ai joué 8 et Bocandé 6, Bassirou Ndiaye était le 10. Après 20 minutes de jeu, on a eu des problèmes pour contenir l'attaque de Jaraaf. J'ai demandé alors à Bocandé de me laissait jouer le rôle de 6. C'était la meilleure manière d’arrêter le duo Seydou Ba-Mbaye Fall. Le Jaraaf nous a sous-estimés ; il avait tout raflé, massacré tout le monde. Ils ont négligé l’adversaire et ça leur a été fatal. Si c'était à reprendre, on aurait eu des problèmes.

En venant de Ziguinchor, on y croyait, on n'avait pas en tête l'idée de perdre. À notre entrée au stade, les supporteurs criaient ; on ne savait pas si ils avaient dormi là-bas ou non. La force du Casa, la communion entre supporteurs et joueurs. Pour nous annoncer qu'il reste un quart d'heure à jouer, ils disent : ''waté rinding balabu jon jon''. Ça signifie : faites attention, il faut égaliser ou fermer la maison, c'est un rappel à l'ordre. C'est inconnu par l'adversaire.

Demba Diop est le temple du football du Casa Sport. D’après le jargon wolof, le Casa ''dafa mën bess'' (le Casa répond toujours aux grands événements). Le Casa avait Abdoulaye Bayo dans les buts, Moustapha Diouf ''Pikine'' arrière-droit, Maurice Bougazelli à gauche ; dans l'axe Mody Ba et Tidiane Diémé, Bocandé, Bassirou Ndiaye et moi au milieu, l'attaque était composée de Solo Gasama, Ousmane Ndiaye ''Compliqué'' et Lamine Mané''.

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