Un modèle entretenu au fil des générations
C'est une grande affluence qui, ce dimanche, prévaut au daara de Coki (27 km de Louga), la plupart étant d'anciens pensionnaires de ce célèbre lieu de culture religieuse qui a préparé plusieurs générations de cadres à de hautes responsabilités professionnelles. Comme chaque année, ils reviennent à la source apporter leur contribution à la prise en charge gratuite de plus de 3 200 «talibés».
300 kilogrammes de riz, 65 de sucre et 25 de lait, entre autres, y sont consommés chaque jour. «Nous n’avons pas pour tradition de donner des chiffres. Depuis toujours, le daara a vécu pour la Seule Face de Dieu, son Unique appui», a fait comprendre avec insistance Fallou Lô, le directeur de l’Institut islamique de Coki. C’était à l’occasion du grand rassemblement marquant la 34e édition de la rencontre annuelle des anciens disciples de Serigne Ahmadou Sakhir Lô. En 1939, le jour de l’an musulman (Tamxarit), ce dernier rallia Coki pour s’y établir et enseigner le Coran, sur «ndigël» de son homonyme de Louga, plus connu sous le nom de Mame Cheikh Mbaye.
«Auto-financement»
Aujourd’hui, 74 ans après, le daara de Coki impressionne de par l’engagement de ses anciens élèves disséminés à travers le pays et à l’étranger. Depuis 34 ans, ils convergent ici, chaque année, un dimanche de septembre, pour apporter leurs contributions et voir ensemble les voies et moyens d'améliorer les conditions de vie et d'études des pensionnaires. C’est dire qu’on est loin du temps où les parents de talibés organisaient des quêtes pour contribuer à prendre en charge le daara.
«Même si l’Etat met la main à la pâte, cela ne peut suffire. Ici, sont mis en œuvre des investissements à long terme déclinés à travers le projet Waqf. Il consiste à assurer un autofinancement par l’acquisition et la location d’immeubles à Dakar. Toutes autres possibilités de financement sont également explorées», a renseigné Abdou Khadre Lô, un ancien du daara devenu ingénieur informaticien.
Dans le lot des initiatives prises, figure la construction en cours de 66 salles de classe, d’une grande salle de conférence et d’une bibliothèque dite de dernière génération. Le financement est le fait d’un ancien du daara qui tient à garder l’anonymat. Cette infrastructure permettra de libérer l’actuel institut islamique de l’enseignement franco-arabe. En outre, sur initiative de Moubarack Lô, directeur de cabinet adjoint du président de la République, un système test de dé-salinisation du forage de Coki est en train d’être mis en œuvre.
Sur un autre registre, le daara de Coki apparaît comme un symbole de l’unité des musulmans. En effet, toutes les confréries et familles religieuses du pays y envoient leurs enfants, sans a priori. «Ici, il n'y a pas de frontières car l’éducation pour tous est bien une réalité. C’est l’affaire de tous les musulmans», a soutenu Djim Ousmane Dramé, un ancien du daara et de l’université Al Azhar, qui révèle avoir réalisé une étude en master montrant la dimension sous-régionale de l’école de Coki.
«Un symbole de l'unité des musulmans»
Pour la mémorisation du Saint Coran, on retrouve ici une forte communauté malienne, des Gambiens, Mauritaniens, Burkinabé, Gabonais, Guinéens de Conakry, et même deux enfants de race blanche de nationalité espagnole. Aussi, «Coki participe à la scolarisation des filles telle que prônée par l’Unesco. Le daara enregistre une présence massive de filles qui sont séparées des garçons», a ensuite révélé Abdou Khadre Lô.
Réservant sa première sortie en tant que ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfance au daara de Coki, Anta Sarr a confié : «J’ai vu ici, dans mon pays, un daara qui sert de modèle et peut constituer une référence pour tous les pays du monde. Dans ce daara qui forme de bons citoyens, sont sorties d’éminentes personnalités de notre pays. Vu l’engagement et la modernisation qui le caractérisent, le président de la République a voulu le renforcer en permettant la réalisation d’une infrastructure moderne qui en améliorera les conditions de fonctionnement. En fonction des besoins du daara (salles de classe ou internat), un grand bâtiment y sera édifié.» Selon nos informations, une délégation du ministère de l’Education nationale y est attendue «prochainement» pour les modalités de sa réalisation.