L'eau de mer, un substitut à la pénurie
Dans la banlieue dakaroise, la pénurie d'eau potable qui persiste depuis une quinzaine de jours a accentué la fréquentation des plages. Jeunes hommes et femmes s'y retrouvent pour leur bain de toilette quotidien, à défaut de profiter des camions-citernes ambulants qui seraient accaparés, dit-on, par des militants politiques.
Plage de Pikine en fin d’après-midi hier. Il y fait une chaleur torride. L’étroitesse de la berge causée par l’extraction sans fin du sable marin rend tout difficile sur les lieux. Au moment où les uns s’adonnent au jogging, d'autres jouent au football, certains essaient de tirer profit du peu de brise marine disponible. C’est un concert de brouhaha indescriptible qui accueille les nouveaux venus. Constat immédiat : il y a énormément de monde, chacun avec ses objectifs. ‘’Curieusement, il y a plus de monde aujourd’hui que les autres jours’’, fait remarquer une jeune fille teint Nutella. ‘’C’est normal, répond son compagnon, comme il n’y a pas d’eau dans les maisons, les gens préfèrent venir ici prendre un bain salé.’’
En approchant les baigneurs, on sait pourquoi ils sont plus nombreux que d'habitude. «Puisque nous avons des autorités qui peinent à nous dire avec exactitude à quand la fin de cette pénurie d’eau, et pour ne pas rester des jours sans me laver, je préfère prendre un bon bain de mer», explique Abdou Bâ. La suite, ce sera à la maison. «Une fois chez moi, avec moins de 2 litres d’eau, je pourrais enlever le sel qui me colle au corps», ajoute ce mécanicien d'environ 40 ans. Impossible pour lui, vu le métier qui est le sien, de quitter l'atelier sans se faire propre. Comme pour dire : «Ici, c'est gratuit !»
Nogaye Faye, une dame accompagnée de trois enfants, est dans la même logique. ‘’J’ai entendu à la radio qu’il y a des citernes qui tournent dans les quartiers pour donner de l’eau et gratuitement. Je vous signale que cela est faux, dit-elle avec assurance. Seuls les militants peuvent mettre la main sur ces camions, ils existent mais la distribution se base sur une clientèle politique comme c'était le cas jadis».
N'ayant plus les moyens de continuer à acheter des bouteilles d'eau, Nogaye a trouvé le substitut avec la mer. «Après plus de 10 jours sans eau, je n'ai plus la force physique de puiser de l’eau avec les pompes diambar», dit-elle avec humilité. «C’est très dur, ce que nous sommes en train de vivre, mais prions Dieu pour que la situation revienne à la normale dans les plus brefs délais. A défaut, sous peu je vais venir ici à la mer pour laver mes vaisselles avec cette eau et sans gène. Nous ne savons plus quoi faire franchement !», souligne-t-elle, dépitée.
Le concert de récriminations est identique dans la quasi-totalité des plages visitées dont celles de Guédiawaye et Thiaroye. Sauf pour Mantoulaye Diatta, une amoureuse des bains au robinet ou sous la douche. «Je suis une habituée de la plage, dit-elle. Si je ne suis pas dans les plages privées, je reste ici.» Comme pour dire que sa présence dans cette zone n’est pas due à la pénurie de l’eau, même si elle le déplore. «Ceux qui se lavent avec l’eau de la mer sont libres de le faire, mais moi si je le fais, je ne dors pas la nuit à cause du sel», affirme cette jeune fille qui vient de décrocher son Baccalauréat...