Plus de 3 000 agents, moins de 50 000 francs de salaire, et 17 ans de précarité
Agents municipaux, des milliers de pères et mères de familles sont encore contractuels et perçoivent 49 700 F Cfa par mois. La galère dure depuis 17 ans.
A bout de peine, les agents municipaux contractuels ont craché leur ras-le-bol. Leur souffrance dure depuis 1996 et semble sans fin. Recrutés en qualité de contractuels, ils le demeurent encore, et perçoivent un salaire mensuel de 49 700 F Cfa. Pourtant, ils gèrent l’état-civil, s’occupent du secrétariat de certains maires et sous-préfets, saisissent le budget, maîtrisent l’informatique, font les états et bien d’autres fonctions.
Ballottés entre des ambitions inavouées et la boulimie de satisfaire un clientélisme politique, ces agents municipaux contractuels ne savent plus par où donner de la tête. On les retrouve dans les communes d’arrondissement, postes de santé, état-civil, sous-préfecture, dans la collecte au sein des marchés et dans l’assainissement.
Assise sur une chaise dans un coin de son bureau à la sous-préfecture de Grand-Dakar, Dieynaba Niane, présidente du Collectif des agents contractuels des communes de l’arrondissement de Grand-Dakar, soutient que ces travailleurs n'ont ''pas d’indemnités, pas d’heures supplémentaires'' et n'évoluent pas. Membre du collectif, Awa Cheikh Ndiaye accuse : ''C’est parce que nous ne faisons pas de la politique que nous n’avançons pas. Les nouveaux maires viennent avec leurs personnels et se débrouillent toujours à les faire recruter par la ville de Dakar.''
Au nombre de plus 3 000, à en croire les responsable du collectif, les agents municipaux contractuels sont éparpillés sur tout le territoire national. Dans la région de Dakar, on en retrouverait au moins une quinzaine dans chaque commune d’arrondissement dont la ville de Dakar ne met à leur disposition que 2 ou 3 agents avec un contrat à durée indéterminée (Cdi). Tout le reste du personnel est constitué de contractuels. Les communes d’arrondissement n’ont pas la prérogative de recruter des agents municipaux. Dans une lettre ouverte adressée récemment au président de la République Macky Sall, le collectif lui a fait savoir qu’il lui suffirait juste de permette aux communes de les enrôler pour que le tour soit joué.
Oreilles de sourd, de Cheikh Bamba Dièye à Khalifa Sall
C’est en mai 2012 que ledit collectif a été créé. A l’époque, plusieurs démarches avaient été entreprises auprès de Cheikh Bamba Dièye alors ministre en charge des Collectivités locales. ''Nous n’avions obtenu que des promesses et rien d’autre'', déplore Banna Sabaly, membre du Collectif des agents municipaux contractuels. Pour sa part, la ministre des Collectivités locales, Arame Ndoye, aurait fait la sourde oreille face à la complainte des agents municipaux contractuels. Lesquels ne seraient pas plus heureux avec le maire de la ville de Dakar, Khalifa Sall. Ils disent avoir buté plusieurs fois sur son directeur de cabinet Bira Kane.
Plan de bataille au niveau national
Avec l’Acte 3 de la décentralisation en cours d'élaboration, les agents contractuels municipaux espèrent une révision de leur statut. Si aucun signe ne se manifeste en ce sens, le collectif entend dérouler un plan de bataille qui risque de faire mal au vu du nombre de ses membres et de leur rôle dans les différents services d'affectation. ''La lutte sera généralisée et nous avons d’ailleurs prévu une tournée dans les différentes communes d’arrondissement'', avise la présidente du collectif Dieynaba Niane. Elle laisse entendre que l'association n’écarte pas l'idée d’utiliser d’autres armes que ses membres se gardent de dévoiler pour le moment.
L’État indexé
Interpellés sur les griefs qui leur sont faits par le collectif des agents municipaux contractuels, des maires de communes d’arrondissement ont tout bonnement dégagé en touche. Ils ont à leur tour indexé l’État : ''C’est l’État qui doit favoriser le recrutement de ces agents ; si les autorités étatiques nous permettent de recruter au niveau des communes d’arrondissement, on n'y voit aucun inconvénient'', avancent certains édiles, sous le couvert de l'anonymat. Ils reconnaissent tout de même user bien souvent d'une affinité avec la mairie de Dakar pour faire recruter certains des leurs… ''agents et clients politiques''.
''Obligés de tricher''
''Nous n’avons pas le droit de payer plus de 50 mille francs Cfa de salaire. Parfois même, l’État nous oblige à tricher parce qu’il nous arrive de recruter certains agents comme des conseillers en communication, ce sont des diplômés à qui on ne peut donner un salaire de 50 mille francs. En pareil cas, nous sommes obligés de faire des sous-contrats par-ci et par-là pour payer un salaire décent'', a pour sa part révélé Jean-Baptiste Diouf adjoint au maire de Dakar et édile de la Commune d’arrondissement de Grand-Dakar. Il confirme qu'en réalité, la ville de Dakar n'envoie comme agents disposant de contrat à durée indéterminée (Cdi) dans les communes d'arrondissement qu'un secrétaire municipal, un directeur administratif et financier (Daf) et souvent un secrétaire du maire.
Par ailleurs, l'on souffle que certains adjoints au maire perçoivent 60 mille francs par mois, selon le budget de la municipalité d'arrondissement. C’est le cas à Grand-Dakar. Dans la commune de Biscuiterie, qui dispose d’un budget d’environ 700 millions, les adjoints au maire perçoivent 80 mille francs le mois. A la ville de Dakar, les adjoints perçoivent 100 mille francs par mois. Consolation cependant, les adjoints au maire reçoivent chaque mois 100 litres d’essence. Mais conséquence de ces faibles émoluments, les mairies ne disposent souvent pas de personnels de qualité.