Publié le 17 Jan 2014 - 22:01
EN PRIVÉ AVEC SUN SOOLEY

‘’L’album qui m’a valu la consécration en Europe’’

 

Sun Sooley, de son vrai nom Jules Souleymane Bâ, est un artiste sénégalais établi en Italie depuis quelques années. Il a auparavant fait les beaux jours du hip-hop sénégalais, dans les années 1990, avec son groupe Jant-Bi. Il fait aujourd’hui partie de ces artistes sénégalais qui portent haut le flambeau de la musique à l’étranger. Son premier album international ‘’One day in the Babylone’’ a été consacré meilleur album reggae européen en 2011. Sun Sooley présente ledit album aux Sénégalais, le 23 janvier prochain. En attendant, ils s’est entretenu avec EnQuête et, en artiste engagé, il s’est prononcé sur la situation du pays, son expérience en Europe et donne son avis sur la situation de la musique au Sénégal.

 

Vous êtes au Sénégal dans quel cadre?

Je suis revenu pour la sortie de mon album prévue le 23 janvier prochain. Elle sera suivie d’une tournée sénégambienne, pour présenter cette production. Cet album est sorti depuis trois ans en Italie et a été l’un des meilleurs albums reggae. Il a été apprécié par le public italien. Je suis venu présenter cette production au public sénégalais. Mais, ce n’est pas la plus grande raison. Je suis revenu pour ma famille, mes amis et le Sénégal, c’est ma terre d’origine.

Pourquoi avoir attendu trois ans pour présenter cet album ?

J’ai attendu trois ans parce que je n’avais vraiment pas le temps nécessaire pour faire sa promotion ici pleinement. Je venais ici pour 3 semaines ou un mois. Je n’avais pas trop le temps de faire la sortie comme il se doit. Cette fois-ci, je vais rester pendant 2 mois et quelques jours.

Meilleur album reggae en 2011, comment aviez-vous accueilli la nouvelle ?

J’étais vraiment très content et agréablement surpris, parce que je venais d’arriver en Italie. J’avais déjà une carrière assez remplie ici au Sénégal et j’avais fait des allers et retours en Europe. J’avais un peu les cartes en mains, pour pouvoir faire quelque chose de grand. J’étais non seulement fier de mon premier travail international, mais aussi de porter le reggae made in Sénégal en Europe.

L’Europe vous a consacré au moment où vous étiez vraiment tombé dans l’anonymat ici au Sénégal. Comment expliquez-vous cela ?

En Europe, ils travaillent d’arrache-pied et ils ont de gros moyens. Quand je suis arrivé, j’ai beaucoup appris. J’ai joué dans pas mal de lieux. J’ai joué des concerts en live. Ce n’était pas du play-back. Cela m’a permis de retravailler ma voix et la manière de me comporter sur scène. Cela m’a donné plus d’expérience.

Pour une reconnaissance du travail en Europe, il faut un travail acharné. Je ne me fais pas trop de soucis pour le Sénégal. On a été (ndlr : avec le Jant bi) meilleur groupe de hip-hop en 1996 et meilleures ventes, jamais égalées, la même année. Et je crois qu’il suffit que les Sénégalais voient ma tête pour me reconnaître.

Il y a des artistes qui sont là et qui travaillent beaucoup, qui ont du talent, mais qui n’arrivent pas à émerger sur le plan international. Pour vous qu’est-ce qui explique cela ?

Très bonne question. Effectivement, il y a de très bons chanteurs reggae qui sont là. Mais le défaut principal, c’est toujours les moyens et aussi le social. Le social nous prend tellement à la gorge ici. On pense plus à manger qu’à jouer. Tandis qu’en Europe, on n’a pas ce problème de manger, donc on joue. Ventre plein, hop ! on peut jouer et s’éclater.

Alors qu'ici, on doit aider sa famille et faire d’autres choses. On ne peut pas tout le temps se concentrer sur la musique. Les gens qui sont concentrés sur leur musique ou qui ont un studio ne produisent pas forcément des sons de qualité. Du coup, ça devient un problème. Par exemple, moi je suis producteur. Je produis un artiste talentueux et qui fait des choses merveilleuses depuis 3 ans et qui pourtant n’a pas trouvé de producteurs ici.

C’est Ombre Zion. Tout le monde lui dit : ‘’Tu es trop fort.’’ Il a plein de fans, mais n’a pas été produit. Je travaille avec lui et ça m’a étonné qu’il n’ait pas trouvé un Sénégalais vivant ici pour ça. Il n’y a pas d’industrie. Il faut qu’on aide ou bien qu’on croit aux projets des gens talentueux qui sont là. Si cela ne se fait pas, ils sont obligés de faire appel aux gens qui sont à l’étranger. La qualité n’est pas encore là.

Comment s’est passée votre immersion dans le monde du showbiz européen ?

J’étais d’abord à Paris en 2005 et j’ai connu des Sénégalais qui étaient des artistes et qui tournaient déjà. De fil en aiguille, j’ai commencé à faire des featuring avec ces artistes. Je me suis fait des connexions. C’est comme ça que j’ai eu des relations avec des Français qui m’ont permis de réaliser des enregistrements.

Des sounds system ont voulu que je leur fasse des dubplates, etc. Petit à petit, je suis arrivé dans les clubs et des plus prestigieux comme Good morning à Paris, etc. Mais, je ne vivais pas seulement de musique à mon arrivée. Je pense que le talent ouvre toutes les portes. En toute modestie, je crois que ce talent-là, je l’ai.

Vous avez fait les plus grands festivals du monde avec votre groupe et sacré meilleur album reggae en 2011, êtes-vous satisfait de votre parcours ?

Non, je ne suis pas satisfait de mon parcours. La vie est faite de surprises. On se trompe parfois sur un ami ou sur un ennemi. Tout est aléatoire et éternel recommencement. Avec le Jant-bi, je n’ai jamais cru qu’on allait se séparer. Aujourd’hui, on est chacun de son côté, même si on reste de bons amis. Je ne suis plus avec ce groupe italien avec qui j’ai fait mon premier album international. Je suis avec un autre groupe italien.

J’ai un groupe français. J’ai un groupe slovène. Et au Sénégal, je vais jouer avec un autre groupe, le Jammu band. Pour moi, c’est toujours le début. J’ai chanté avec Alpha Blondy. Sur scène, il m’a annoncé et j’avais le cœur qui battait fort, devant un public de plus de 100 mille personnes. Je me disais : impossible, je ne peux pas jouer avec Alpha Blondy pour qui j’avais beaucoup d’admiration depuis tout petit.

Revenons à votre actualité. Parlez nous de cet album que vous êtes venu présenter aux Sénégalais.

‘’One day in the Babylone’’ est composé de 12 titres. ‘’One day in the Babylone’’ signifie ''un jour à Babylone''. Pour moi, c’est un titre très important, parce qu’il résume ma vie en Europe. Je suis là-bas, mais ma tête est en Afrique. J’ai un pied là-bas et un pied en Afrique, d’autant plus que ma famille est là et la plupart de mes fans aussi. ‘’One day in the Babylone’’ parle de l’émigration, de l’amour, de la justice, etc.

L’émigration est un thème très sensible en Europe. Les Européens ne veulent plus d’Africains sur leur terre. Ils veulent que tout le monde rentre chez lui. Du coup, ces pauvres gens qui fuient l’Afrique pour trouver quelque chose de meilleur sont confrontés aux attentes de la famille restée en Afrique et aux problèmes que leur pose leur pays d’accueil. Ils sont ainsi entre le marteau et l’enclume. C’est ce que je raconte dans ce titre.

Vous étiez en Europe, mais votre tête était en Afrique. Est-ce cela qui explique la composition de votre single ‘’sen system’’?

‘’Sen system’’ est une chanson que j’ai écrit à l’époque d’Abdoulaye Wade, pour lui dire que le Sénégal n’est pas une dynastie où tu es roi et où ton fils sera ton héritier. C’était aussi pour dire que le pays va mal. On a internet et on sait à la minute près ce qui se passe ici, même étant en Europe. Ma famille est aussi ici. Je sais ce qui se passe. Ça m’intéresse ce qui se passe ici. Je suis au courant des choses.

Comment appréciez-vous la gestion actuelle du pays ?

Je n’aime guère ce qui se passe. La situation n’a pas changé. C’est même devenu pire. Abdoulaye Wade est meilleur que Macky Sall. Ce dernier est d’ailleurs son élève. On nous demandera de lui donner encore du temps. Mais jusqu’à quand ? Il aurait pu nous donner à boire et nous faire asseoir au moins. Macky Sall est en train de tâtonner.

Il tâtonne, il faut oser le dire. On voit le Sénégal de là où on est et quand nos amis européens nous posent certaines questions, nous sommes gênés. Moi personnellement, devant certaines interpellations, j’ai honte. Je suis fier de la jeunesse sénégalaise quand même. Sen System est toujours d’actualité.

Pourrait-on revoir le Jant bi dans son ensemble sur scène ?

C’est une super belle question que j’aime bien, parce qu’on est tous de bons amis. On se voit toujours. On est frères. Les bons moments passés ensemble me manquaient. J’ai vu Natty Jean et Moussa quand je suis arrivé. Doudou, on vit ensemble en Italie. Et c’est moi qui produis son album. Cela veut dire qu’il est possible que le Jant bi revienne un jour. Il est possible que l’on fasse un remix pas totalement hip-hop, un peu reggae peut-être.

BIGUE BOB

 

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