Publié le 5 Feb 2015 - 07:07
LIBRE PAROLE

On ! N’ayons pas l’habitude de perdre !

 

Alain Giresse n’a t-il pas raison de dire «Je suis l’Homme à abattre »? Ne veut-on pas simplement se dédouaner sur sa personne ? N’est-on pas encore entrain de chercher un bouc émissaire, comme nous avons l’habitude de le faire après chaque campagne ? En parlant d’habitude, n’avons nous pas simplement l’habitude de perdre ?Il y a un peu plus de dix ans nous étions « Le Sénégal qui gagne», un slogan dont nous étions tous fiers et qu’on avait tous adoptés à l’unanimité. Cette époque est maintenant derrière nous, nous ne gagnons plus certes, mais nous ne le savons pas.

Ce passage de « Sénégal qui gagne » à « Sénégal qui perd » (mais qui veut toujours émerger) est un processus auquel nous avons tous participé. Giresse, a été au mauvais endroit au mauvais moment, sans volonté aucune de le défendre, le Sénégal ne brille plus en Afrique, dans tous les domaines, je peux citer : Basket (Féminin et masculin), athlétisme. Au delà du sport le Sénégal n’est pas représentatif au sein de l’élite intellectuelle africaine et mondiale comme ce fut le cas jadis.

Ce texte est une contribution au débat faisant suite à l’élimination du Sénégal au premier tour de la CAN 2015, c’est une invitation à une prise de conscience collective et une analyse globale sous les angles sportif et social.

I) De la Responsabilité du Coach

Dans le football moderne, on ne parle plus  de Coach, ni de sélectionneur encore moins d’entraineur, mais de Manager Général.

Définir le Management n’est pas chose facile, dans la mesure ou plusieurs écoles et plusieurs théoriciens l’abordent de façon différente, mais je vais m’essayer à vous présenter une définition qui résume le mieux les différentes pensées : «  Le management n’est pas un secteur d’activité à proprement parler mais une activité commune à tous les secteurs. Concept voisin de celui de direction ou gestion, le management désigne l’ensemble des techniques visant à optimiser l’usage des ressources d’une organisation (entreprise, administration ou association) en vue de la réalisation d’un objectif. Son sens originel est l’art de conduire, de diriger, de mener. »  

En ce sens la mission du  Manager se décline en trois phases :

Phase 1 : comment mettre en œuvre, vérifier, s’assurer que les objectifs sont atteints ou modifiés en fonction des réalités. Cette première phase peut être interprétée comme étant le Management opérationnel.

Après sa prise de fonction, Louis Van Gaal Manager de Manchester United a, après avoir fait l’inventaire des ressources, décliner la mise en œuvre de son projet. Il a commencé par mettre en place sa philosophie de jeu et de management, ensuite il a changé les habitudes d’entrainement en passant d’une à deux séances, il a fait enlever la pelouse d’entrainement et a fait planté des arbres autour du terrain, enfin il a recruté ses joueurs et s’est donné un délai de trois mois pour voir les premiers résultats et 3 ans pour bâtir une équipe qui va triompher au sommet de l’Europe.

Cet exemple montre comment la première phase de mise en œuvre oriente sur la direction à prendre et ou elle nous mène.Elle est importante dans le processus managérial.

Coach Giresse a toujours joué la carte de la prudence, il ne s’est jamais imposé de délai et dans la gestion de l’équipe il n’a rien apporté de nouveau. Il a mis trois ans à chercher comment mettre en œuvre, pendant trois ans il a tâtonné sans trouver. L’alerte a été lancée dés le début de son installation, la question que je me posais était de savoir « s’il savait ou il va ? ». En effet, les 9 premiers matchs de Giresse font état d’un bilan de 6 matchs nul, 2 victoires, 1 défaite et 9 onze de départ différents, à la clef une élimination pour les phases finales de la coupe du monde.

Il a eu son match référence face à la Côte d’Ivoire au Maroc, match dont tout le monde était fier excepté moi, car je crois que se faire éliminer deux fois de suite par la même équipe est une honte, je considère que pour un match ou la victoire est impérative tout autre résultat est un échec. A partir de là, il se devait de faire la vérification et une évaluation des objectifs à mi parcours. Il a suivi malheureusement la direction d’un peuple qui s’est contenté d’une seule prestation qui nous élimine de surcroît. En trois ans pas de projet de jeu, pas d’identité de jeu, pas de onze type. Son seul mérite est d’avoir construit un groupe de joueurs, jeunes talents qui peut nous valoir des satisfactions à l’avenir.

L’incohérence est qu’il na jamais su tirer le meilleur de son groupe. Ce point est traité dans la phase 2.

Phase 2 : comment faire exécuter les actions par l’équipe qui est en charge, comment faire adhérer, comment faire accepter le changement. Nous sommes ici dans le Management Relationnel.

En bon supporter de Manchester United je vais commencer mon argumentaire en citant encore Louis Van Gaal comme exemple.

Dés sa prise de contact, il a rencontré en One to One tous les joueurs de l’effectif afin d’expliquer sa philosophie de travail. Il les a par la suite évalués sur le terrain avant de libérer ceux qui n’adhéraient pas à sa philosophie. Des joueurs comme Ashley Young et Fellaini en pleine difficulté la saison dernière ont été ressuscités. Il a choisi un groupe sur la base de l’adhésion à sa philosophie. Je peux aussi citer Mourinho qui, la saison dernière disait ceci : « cette équipe n’est pas la mienne, la saison prochaine vous verrez ». Jusqu’au moment où j’écris ces lignes, il est premier de la Premier League, finaliste de la Cup et en course en LDC.

Alain Giresse a comme je l’ai dit plus haut, construit un groupe, mais il n’a pas su imposer sa philosophie. En atteste ses relations tendues avec Demba Bâ, celui-ci selon Giresse réclamerait une place de titulaire, ce qui peut déstabiliser la cohésion du groupe. Si c’était que le cas Demba Bâ j’aurai applaudi, mais je ne comprends pas qu’un joueur puisse se permettre d’attaquer le coach comme l’ont fait Issa Cissokho, Demba Bâ et Diafra, ces attaques remettent en cause la capacité du coach à se faire respecter. Ne pas parler à un joueur pendant toute la compétition, parce que selon moi, il n’assume pas le fait de devoir expliquer à Papis sa nouvelle situation de remplaçant, il se cache derriére le silence. C’est une fuite.

Jamais dans l’histoire d’une compétition on a vu un « turnover » lors du deuxième match. Dans le haut niveau on aborde la compétition avec des certitudes sur le onze de départ, sur le projet de jeu et sur l’identité de l’équipe. Giresse ne voulant pas créer des frustrations à changer cinq joueurs de l’effectif du premier match, encore une fois la preuve de son incapacité à gérer un groupe. Il a appelé la fraicheur physique pour se justifier, mais je le rappelle que au lieu d’aller à Al Jadida s’il était allé à Mongomo s’acclimater on n’aurait pas un problème de fraicheur. Même si nous savons tous que le problème de fraicheur pour un sportif de haut niveau ne se pose pas après 1 match de compétition, c’est même insulter la compétence de son staff.

Phase 3: consiste à définir et modifier les frontières de l’entreprise. Il s’appuie en premier lieu sur le cadre de référence des dirigeants, et des détenteurs du capital. Il ne s’agit pas seulement de dégager un profit ponctuel mais d'assurer la pérennité de l'entreprise. Celle ci peut être appelée le Management Politique et Stratégique.

Elle fait appel à : l’innovation, la prise de part de marché et la croissance.

Le 3-5-2, est la seule innovation de Giresse, il a été le premier coach a joué avec ce système (Peter Schnittger a joué en 5-3-2). Tous les observateurs sont d’accord que c’est le système le plus compliqué, qui demande une intelligence tactique, mais aussi beaucoup de travail de la part des pistons. Si à gauche on était fourni, à droite le seul joueur qui pouvait faire ce travail en la personne de Issa Cissokho, n’a pas été appelé. Stéphane Badji milieu axial de formation n’avait aucune disposition à jouer à ce poste et on en a eu la preuve avec la perte de balle contre la Ghana qui aboutit à un but et sa sieste contre l’Algérie qui marque sur un coup franc excentré de 50m, du jamais vu !

 Nous étions 80ème mondial avant l’arrivée de Giresse, aujourd’hui nous occupons la 35ème place. Giresse a gagné en part de marché. Cela ne nous a pas servi à grand chose vu que nous étions au pot numéro 4 lors du tirage au sort, on ne peut lui en vouloir, mais l’élimination précoce nous fera perdre des places au prochain classement FIFA et nous serons encore défavorisés pour le tirage des phases éliminatoires.

Il a créé un noyau de jeunes joueurs, sur lequel nous pouvons nous baser pour assurer une croissance sur le long terme.

II) De la Responsabilité de la FSF

Après l’échec de 2008 un ouragan avait emporté toute la Fédération Sénégalaise de Football. Un Comité de Normalisation du Football a été installé afin de garantir la reconstruction du football et assurer la transition à une Fédération démocratiquement élue. Le CNF à l’époque composé de hauts dirigeants d’entreprise issue du privé comme : Diagna Ndiaye, Saer Seck, Cheikh Tidiane Mbaye, Baïdy Agne, avait fini de poser les bases d’un nouveau départ et de donner les nouvelles orientations qui devraient obligatoirement garantir des performances de toutes les équipes nationales.

Depuis, beaucoup d’eau a coulé et nous accumulons les échecs.

ü  Non participation à la CAN 2010

Elimination au premier tour à la CAN 2012

Non participation à la coupe du monde

Non participation à la CAN 2013

Elimination au CHAN par la Mauritanie. Historique !!!

Elimination au premier tour CAN 2015

Avant de se risquer de faire une évaluation qui ne se limiterait qu’aux performances des équipes nationales, rappelons les attributs de la FSF :

Organiser, développer et contrôler l'enseignement et la pratique du football, sous toutes ses formes, par des joueurs de statuts différents, sur le territoire national.

Etablir les règles techniques

Délivrer les titres et procéder aux sélections nationales

Procéder à la délivrance des licences

De définir et de mettre en œuvre  un projet global de formation

De créer et de maintenir un lien entre ses membres individuels, les Clubs affiliés, ses districts, ses ligues régionales, le Conseil d’Administration de la Ligue du Football Amateur et la Ligue Professionnelle de Football

Défendre les intérêts moraux et matériels du Football Sénégalais

Entretenir toutes relations utiles avec les associations étrangères affiliées à la FIFA, les organismes sportifs nationaux et les pouvoirs publics.

Sans pousser l’évaluation on se rend compte que la FSF a échoué dans sa mission, à part organiser les sélections Nationales (sélection A surtout), elle ne s’est jamais fait remarquer dans la gestion de ses autres attributs.

Nous n’avons aucune politique de formation, les seuls centre de formation que nous avons sont l’œuvre de bienveillants privés, je peux citer : Diambars, Génération Foot, ASPIRE, CASE etc… la FSF malgré la disponibilité du complexe Bocandé n’a jamais créé un Centre de Formation à l’image de Clairefontaine. Le cahier des charges de la LSFP est claire pourtant chaque club a l’obligation d’avoir un centre et présenter une équipe dans les compétitions de petites catégories ; est-ce le cas ? Personnellement je n’ai jamais entendu parler de centre de formation du Diaraf ou du Ndiambour.

Même dans la délivrance des licences, elle a échoué, le Sénégal est le pays le plus concerné par la fraude sur l’âge, quels sont les moyens mis en œuvre pour la combattre ? Il y’a-t-il une volonté de la combattre ? La licence unique devrait être mise en place, mais nous savons tous que cette tricherie est encouragée par les dirigeants eux-mêmes, raison pour laquelle nous n’avons que des stars mort-nées.

A la nomination de Giresse nous avions Metsu et Aliou Cissé comme candidats, ils ont préféré choisir celui qui n’a eu à entrainer que le Gabon et le Mali, il n’a aucune autre référence à part son passé de bon footballeur. En plus de ça ils ont nommé Mayacine Mar comme DTN, celui là qui était dans l’équipe d’Amara et qui a échoué lamentablement à Bata, laissez moi rire.

Ils ont écarté des gens comme Bocandé et Metsu de notre Football et sont allés pleurés sur leur tombe.

La performance c’est d’abord avoir les gens qu’il faut à la place qu’il faut, la pratique du sport est un métier, dirigeant sportif aussi est un métier. Nous ne pouvons pas nous permettre en 2015 de mettre  des gens qui ont l’habitude d’échouer (US Gorée), qui ignorent tous les outils du mangement sportif. Une Fédération qui ne crée aucun revenu, à part Orange et quelques rares sponsors qui donnent des ressources financières, la FSF vit toujours sur le dos de l’Etat. Dans tous les pays performants les Fédérations sont autonomes financièrement l’Etat n’exerce que son droit de regard.

Si en plus d’un habitué de l’échec, nous élisons des produits des navétanes qui ont grandi dans l’informel, qui ne connaissent aucun texte de la FIFA ou de la CAF, qui n’ont aucune valeur ajoutée pour l’équipe, ne nous étonnons pas aujourd’hui de notre échec. La lutte n’est pas le foot, organiser un grand combat dont tout le monde parle ne fait pas un président de commission Marketing d’une Fédération. J’aimerai assister à une discussion avec ses confrères des autres Fédérations. Il a son mérite d’avoir fait de la lutte ce qu’elle est, une discipline dont personne ne voulait il en a fait le sport national, nous t’en serons éternellement reconnaissants, comme nous te serons éternellement reconnaissants de laisser la place aux « footballeurs ».

Soyons sérieux, nous ne pouvons pas mettre n’importe qui dans notre Fédé et espérer des résultats. Nous ne pouvons pas continuer à confier notre destinée à des incapables qui ont accumulé 6 échecs consécutifs.

De l’affaire Diafra Sakho au clash entre Papis et Giresse,

La FSF n’a jamais pris ses responsabilités ni en remettant Sam Allardyce à sa place, ni en recadrant Giresse et Papis pour leur comportement ridicule qui va à l’encontre de l’esprit de groupe. La fédé n’a pas le droit de s’impliquer des aspects techniques mais elle a le droit de demander des comptes, elle a le droit de poser les règles de gestion du groupe, elle a le droit de protéger l’union du groupe.

Chaque équipe reflète le niveau de ses dirigeants, il est temps que des personnes comme Saer Seck, Oumar Gueye Ndiaye, Mbaye Diouf Dia, Pape Diouf, prennent les choses en main. Il est temps que les anciens internationaux soient impliqués dans les instances dirigeantes. Le Sénégal est le seul pays ou la FSF fait la guerre aux anciens internationaux.

Je salue par ailleurs le travail de Mbaye Diouf Dia, qui s’est battu tout seul pour la première qualification de l’équipe nationale cadette et de celle Olympique. Un bon dirigeant n’attend pas qu’on lui donne les moyens s’il peut aller les chercher.

(A suivre)

Malick DIOUF

Cadre / Management des organisations

doufmaleek@gmail.com

 

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