Révolutionnaire et innovateur

On est loin de l’époque où la musique était l’affaire de jeunes désœuvrés. Désormais, Il faut avoir un certain niveau d’études pour écrire des textes bien ficelés surtout dans le monde du rap. Ibson Littérapure l’a très tôt compris. Ancien étudiant en lettres modernes, il a su allier avec succès études et musique.
Comme Grand Corps Malade, Ibrahima Mbar Faye alias Ibson Littérapure pourrait peut-être un jour voir un de ses textes proposés à l’examen du baccalauréat. Il dit écrire pour révolutionner le monde du hip-hop et ne pas suivre forcément les Américains comme l’ont fait beaucoup de ses prédécesseurs. Ainsi, sa trouvaille, il la décrit comme ‘’un genre nouveau qui s’abreuve à la source de la littérature et du rap’’. A l’en croire, ‘’elle se fait à la lisière de deux mondes et conjuguent l’écriture et la parole, la littérature et le rap ou la littérature et le slam’’. De cette dernière combinaison s’approche beaucoup plus le style d’Ibson même s’il se réclame plus rappeur.
Aux yeux de Ibson, un texte beau et bien écrit doit être posé sur une musique douce et dite d’une manière claire, précise et concise comme il l’a d’ailleurs fait dans ‘’la cité des Con-Naisseurs’’. Mais l’on comprend aisément l’attachement de l’artiste au hip-hop. Ibson a commencé par ce genre musical en 2003 même s’il est entré dans le monde de la musique en 1995 en étant chef de chorale dans une colonie de vacances. Son hobby ne plaira guère à son pater intellectuel et cadre supérieur. Il le lui fera comprendre de manière claire et n’hésitera pas à l’envoyer à Thiès contre sa volonté afin de l’éloigner du monde des cultures urbaines.
Cependant, son père ne savait pas si bien faire en agissant de la sorte. A Thiès, Ibson Littérapure partage sa classe de Tl’1 avec l’un des membres du groupe Siki Saka. Dès lors, sa passion ne fait que se développer et prendre de l’ampleur.
Le bac en poche en 2005, il est reçu à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar à la Faculté des Lettres et sciences humaines notamment au département de Lettres modernes. Avec de bonnes aptitudes en écriture, il développe son art et a plus confiance en lui après avoir remporté un prix d’écriture à l’université.
Natif de Fatick, Ibson, à travers littérapure, cherche à ‘’rétablir la « rature’’ dans la « litté-rature » afin qu’elle soit « pure » et à embellir ce rap qui ne fait qu’imiter son initiateur’’. Afin de ne pas faire comme tous les autres, il a dans ses bagages aussi ‘’le miel musical’’. Pour lui, c’est ‘’une première qui correspondrait à une conférence de presse, un concert, à un moment de slam, de poésie, de rap, de lecture, à un débat accompagné de mélodies, à une soirée de gala... ‘’Le miel musical peint le monde des idées. C’est une façon de réparer le statut de l’artiste et de son milieu’’, croit-il savoir. Aujourd’hui ses projets novateurs lui ont valu une invitation au forum de la langue française ouvert ce 20 juillet à Liège en Belgique et qui sera clôturé ce 23 juillet 2015. Les appels à candidature pour participer à ce forum ont été ouverts en novembre dernier. Chaque candidat devait présenter un projet innovant à présenter dans une vidéo d’une minute. Au Sénégal, c’est Ibson qui a été choisi avec des représentants du label Africulturban de Matador.
Par ailleurs, Ibrahima Mbar Faye n’est pas différent de ses compères que dans sa conception musicale. Il l’est dans tout son style artistique. C’est ainsi qu’il est le premier rappeur sénégalais à avoir sorti un album ‘’2main’’ et un livre ‘’demain’’ en même temps. Ce dernier est préfacé par le Pr de grammaire et de Lettres classiques Oumar Sankharé, qui fut enseignant du rappeur écrivain.
Artiste engagé, Ibrahima Mbar Faye traite de différents sujets. Le panafricanisme et le désir d’intégration font beaucoup parler sa muse. Ce qui se passe à l’université ne laisse pas non plus indifférent ce jeune musicien détenteur d’une licence en Lettres modernes. Après la mort de Bassirou Faye, il a sorti un single intitulé ‘’code B’’. ‘’Monsieur l’agent stop… Je suis étudiant. Je m’appelle Ibson Littérapure et non Bibson. Mon nom commence par I et non par B. L’ordre serait de bastonner les uns et les autres dont les noms débutent par B’’, croit-il savoir. Car ‘’avant-hier c’était Blondé, hier Balla aujourd’hui Bassirou, demain peut-être Badara, Babacar, Baka ou Bodjan. C’est grave et mystique. Blondé, Balla, Bassirou, trois B sont tombés. La source de tous ces décès est la bourse. Un autre B de plus’’, a-t-il tenu à rappeler à travers ‘’code B’’. C’est dire que ce n’est pas l’inspiration qui manque au rappeur Ibson.
BIGUE BOB