Hillary Clinton pour faire oublier Sarkozy et ses histoires
On vous annonçait dans notre édition du week-end l'arrivée «imminente» de la Secrétaire d’État des États-Unis d'Amérique Hillary Clinton. Le compte à rebours est allé plus vite que prévu puisque la chef de la diplomatie américaine est attendue à Dakar demain mardi, moins de 72 heures après la visite de Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères.
Ce sera sa première visite au Sénégal en tant que Secrétaire d’État. Mme Clinton qui avait séjourné à Dakar lors du passage du président Bill Clinton dans notre pays sous Abdou Diouf. 48 heures qui vont être mises à profit pour délivrer un message sur la politique africaine de l'Amérique.
Discours attendu à l'Université de Dakar
L'ambassade des États-Unis contactée au téléphone n'ayant pas voulu se prononcer sur la question, nos sources avancent que la Secrétaire d’État des États-Unis, la deuxième personnalité la plus influente en réalité de l'Exécutif américain prononcera un discours à l'Assemblée nationale où dans l'enceinte de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Dans tous les cas, le lieu choisi in fine ne sera pas neutre. A la Place Soweto, la nouvelle Assemblée nationale aura fini d'être mise en place pour une nouvelle législature dans un cycle politique que tout le monde espère nouveau et de rupture. A l'Ucad 2, ce serait un retour dans l'Histoire. C'est ici même que Nicolas Sarkozy avait délivré au monde, un discours sur «l'homme noir» qui avait choqué les opinions publiques africaines et de la diaspora. D'une durée de 50 minutes, le discours de Nicolas Sarkozy avait été rédigé par son conseiller spécial Henri Guaino. Le président français y déclarait notamment que la colonisation fut une faute tout en estimant que le «drame de l'Afrique» vient du fait que «l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire. […] Le problème de l'Afrique, c'est qu'elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l'enfance. […] Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine ni pour l'idée de progrès», lançait Nicolas Sarkozy le 27 juillet 2007, depuis un amphithéâtre archicomble de l'Ucad. En ce lieu, cinq ans et sept jours plus tard, Mme Clinton délivrera son discours qui tournera autours des thématiques Démocratie, Sécurité et Développement dans un monde frappé par les turbulences de toutes sortes.
Pourquoi Dakar a été choisi...
Le choix du Sénégal n'est pas non plus anodin. Le pays a réussi deux alternances pacifiques en 12 ans, malgré des craintes de chaos à la veille de chaque présidentielle. Les États-Unis qui ont accompagné ce processus en mettant en avant l'impérieuse nécessité de défendre la Constitution, veulent sauvegarder la stabilité dans ce qui constitue l'un des derniers îlots tranquilles de la région ouest-africaine. Le tableau établi sur la partie occidentale de l'Afrique n'est en effet pas rose. Le Mali, qui sera présent dans le discours de Mme Hillary Clinton, est déstabilisé par une crise politique et militaire profonde, doublée de la présence d'Aqmi sur une bonne partie de son territoire national. La Guinée Bissau est chroniquement et structurellement instable ; la Côte d'Ivoire vit une situation assez inédite de transition avec des équilibres plutôt précaires, le Burkina Faso est un Mali en puissance du fait de la présence dans ce pays de groupes islamistes organisés et d'une crise qui sévit dans son armée, en plus de l'incertitude qui règne au sujet de l'avenir du président Blaise Compaoré frappé par la limite des mandats autorisés. Quant à la Mauritanie, elle est devenue une zone de repli de groupes terroristes, avec un pouvoir central qui fait dans le clair-obscur tout en étant considéré comme un «bon élève» de la lutte antiterroriste. Dans un tel contexte, le Sénégal apparaît donc comme l'Etat assis sur un pays stable protégé par une «armée républicaine» ne s'intéressant pas trop directement à la chose politique...
L'ombre de Wade fait planer...
Mais cette visite de Hillary Clinton n'aurait pas été possible si Me Abdoulaye Wade était encore chef de l’État. En réalité, Washington a toujours refusé de dérouler le tapis rouge au prédécesseur de Macky Sall. Un lobbying intense à coups de plusieurs centaines de millions de francs avait été initié auprès de lobbies présumés influents aux États-Unis, sans que l'étau ne soit desserré autour de Dakar. Aucune audience avec le Président Barack Obama malgré moult tentatives et autres trafics d'influence. On se rappelle cette scène cocasse du Sommet du G8 à Deauville en mai 2011 où Nicolas Sarkozy s'était transformé en intermédiaire afin que Karim Wade serrât la main du président américain, sous les yeux malicieux de Me Wade, posté à l'arrière... Cela n'avait servi à rien. Bien au contraire, les Usa avaient continué à soutenir discrètement et efficacement la société civile sénégalaise et même les courants politiques opposés à la candidature d'Abdoulaye Wade en exerçant des pressions soutenues sur le régime d'alors, à travers plusieurs courriers invitant Wade à ne pas se présenter pour un troisième mandat.
Au mois de janvier 2012, la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton s'était rendue au Liberia, en Côte d'Ivoire, au Togo et au Cap-Vert, en sautant l'étape sénégalaise. Il s'agit là d'un retour aux premières loges de la diplomatie sénégalaise qui avait commencé à perdre des galons sur la scène internationale.
MOMAR DIENG & MAMADOU LAMINE BADJI