"Le Macky que je veux"
Pour le coordonnateur du M23 et secrétaire général de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme (RADDHO), la rupture promise par Macky Sall se fait attendre alors qu'émerge, selon lui, une «République des partis» au sein d'une «République pour l'Alliance»
C'est-à-dire ?
Le problème que nous avons aujourd'hui au Sénégal avec les partis politiques, c'est l'absence d'idéal, de visions, de militants. En réalité, on a une clientèle politique qui demande tout le temps son dû après les élections. Et cette pression, on l'a vu depuis l'élection de Macky Sall au pouvoir. Elle est tellement forte sur le président élu que, souvent, on oublie que la République, ce n'est pas les partis. Il faut éviter la République des partis. Ce que nous sommes en train de construire aujourd'hui au Sénégal, c'est la République des partis. C'est toujours le partage du gâteau et pas le partage des servitudes. La difficulté, c'est de créer une rupture qui permette de voir les charges comme une véritable servitude, autant les charges parlementaires que les charges ministérielles. C'est avec le débat ouvert avec beaucoup de tolérance et une capacité d'écoute extraordinaire qu'on peut aller vers cela.
Comment expliquez-vous l'indifférence des leaders de BBY devant certains actes posés par Macky Sall et décriés sous Wade ?
C'est toujours le partage du gâteau. J'ai mon gâteau, je me tais, et il n'y a plus de débat. Quand on est dans une situation où l'opposition a été totalement laminée, totalement affaiblie et se trouve brusquement dans une situation de dépendance par rapport au pouvoir, ça donne au président l'impression qu'il a toutes les cartes en main. Et aujourd'hui, pratiquement il a toutes les cartes en main parce qu'il y a les gens de l'opposition qui n'ont pas encore tous reçu leur part, car le partage est en cours, c'est comme cela qu'il faut le voir. Et ça va être beaucoup plus dur quand ça va être bouclé et que beaucoup vont se retrouver à la marge. Je reste persuadé que tant qu'on n'aura pas rompu avec cette vision de partage du gâteau, on ne pourra pas aspirer au développement.
L'affaire Mamadou Diop rebondit avec les promotions de protagonistes donneurs d'ordres et ayant abouti à la mort d'homme. Assiste-t-on à une sorte d'exfiltration de justiciables potentiels ?
Si cela s'avère, ce serait une très grave erreur pour les autorités publiques de passer par pertes et profits ce que les gens ressentent comme des présomptions de crime. Il y a eu une répression qui s'est abattue de façon aveugle, une répression délibérée où le commandement ne s'est pas tout simplement contenté de donner des instructions mais de tirer à bout portant sur les gens. Tout cela, ce sont des images qui ont choqué et indigné les populations. Ce qui fait que donner une promotion à Harona Sy, c'est en soi un scandale.
Que faites-vous dans ce sens ?
Comme Organisation des Droits de l'Homme nous ne sommes pas restés les bras croisés. Car, avec Amnesty International et la Ligue Sénégalaise des droits de l'homme, on a adressé une lettre au Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki Moon, pour que cette candidature du policier Harona Sy soit rejetée par les Nations Unies. Ensuite nous avons pris contact avec la ministre de la Justice concernant Mamadou Diop, nous sommes partis là-bas avec les victimes et nous avons beaucoup apprécié l'attitude de d'Aminata Touré qui, jusqu'ici, n'a pas perdu les principes qu'elle a défendus aux Nations Unies. Dans le cadre de la lutte contre l'impunité, elle nous a promis qu'elle ferait de son mieux pour que ces actes ne soient pas impunis. Donc de ce point de vue nous attendons de façon très concrète, la traduction en acte de ce qu'elle nous a dit. Lors de l'anniversaire du 23 juin, elle avait également pris des engagements solennels de l’État du Sénégal de lutter contre l'impunité.
«Le partage du gâteau est en cours entre les alliés.»
On parle tellement de rupture. Franchement, vous y croyez ?
Je pense qu'il faut la rupture ou tout simplement périr. Wade ne l'a pas fait et il en a tiré les conséquences. Et si Macky ne le fait pas, il en tirera les conséquences lui aussi. Il est jeune, aujourd'hui il a tous les moyens politiques pour engager le pays dans cette voie. S'il veut laisser une trace dans l'histoire, c'est celle d'un Président réformateur qu'il laissera.
FIN
PAR ASSANE MBAYE