Les experts décryptent les challenges de l’accès au financement
La plupart des institutions financières ont besoin de financements durables qui puissent leur permettre de mener leurs activités de façon systématique. C’est ce qu’a relevé le directeur supérieur de l’Institut africain de développement de la Banque africaine de développement (Bad). Le professeur Kevin Urama présidait, hier, un webinaire sur le ‘’Renforcement des capacités institutionnelles pour un développement inclusif en Afrique post Covid-19’’.
La pandémie de Covid-19 a fait revenir le continent africain ‘’en arrière de plusieurs années’’, selon le directeur supérieur de l’Institut africain de développement de la Banque africaine de développement (Bad). Le professeur Kevin Urama intervenait hier, lors d’un webinaire sur le ‘’Renforcement des capacités institutionnelles pour un développement inclusif en Afrique post-Covid-19’’. ‘’Le challenge, c’est que l’Afrique n’a pas les mêmes capacités institutionnelles que les autres continents. Pour que l’Afrique puisse saisir cette occasion, se concentrer sur une meilleure reconstruction, reconstruire les institutions, il y a la mobilisation des ressources intérieures, mais également le soutien à l’innovation que nous pouvons obtenir à travers d’autres instruments. La banque s’est dotée de fonds fiduciaires multi-acteurs. Donc, nous avons cette forme de collaboration multilatérale grâce à laquelle nous faisons de grandes choses’’, indique le Pr. Urama.
Sachant que le monde subit cette pandémie qui, au début, concernait un pays, le directeur supérieur de l’Institut africain de développement de la Bad estime donc que la solution d’un acteur ‘’ne suffira pas pour résoudre le problème’’. ‘’Beaucoup de pays cherchent à régler les défis de la migration. Mais une fraction de ces ressources va au renforcement des institutions. Cela permettra de fixer les gens dans leurs pays. Le défi des institutions africaines, c’est que la plupart d’entre elles ont besoin de financements durables qui puissent leur permettre de mener leurs activités de façon systématique. Nous devons nous attaquer à ce défi’’, dit-il.
Pour sa part, le directeur exécutif de MasterCard, Tade Aina, a relevé qu’il y a plusieurs modèles de financement. ‘’Il y a des initiatives qui ont duré dix ans, mais elles n’ont pas duré suffisamment pour transformer les institutions africaines. Un élément clé qui va au-delà du renforcement de capacités, c’est le processus d’engagement et d’accompagnement. Cela est lié au calendrier que nous avons fixé. Il faut, pour cela, des investissements dans différents secteurs de l’institution. On parle de guider des personnes, mais il y a aussi l’idée d’orienter les institutions sur le continent à travers différentes plateformes. C’est un point extrêmement important qui mérite d’être souligné. Les interventions précédentes n’ont pas permis de combler le fossé de la dotation en fonds’’, soutient-il.
En dotant les institutions de financement en Afrique, en Europe et aux Etats-Unis, M. Aina affirme que le continent peut arriver à des résultats ‘’probants’’. Il y a aussi un autre composant qu’il juge ‘’important’’ : il s’agit des citoyens. ‘’La Bad pourrait être un acteur de premier plan. Il faut que le processus renforce les institutions, mais également la transformation des connaissances. Un processus qui puisse aller au-delà des interventions technocratiques. Nous pouvons faire des interventions technocratiques, mais, dans 10 ans, si nous nous rendons compte qu’il n’y a pas de mobilisation de groupes d’intérêt à travers les institutions panafricaines, cela ne sera pas efficace. Le renforcement de capacités n’est pas un processus unique ou unilatéral. Il faut renforcer les capacités de toutes les générations à venir. C’est un processus dans lequel nous sommes tous engagés. Mais nous devons aller au-delà du fait de parler aux personnes que nous devons persuader. Pour y arriver, il urge d’aller vers les gouvernements. Il est nécessaire de bâtir des groupes politiques, les groupes d’intérêt économique, etc.’’, suggère le directeur exécutif de MasterCard.
Quatre domaines à prendre en compte
Face aux challenges de l’heure, le directeur exécutif de la Fondation nationale pour la recherche d'Afrique du Sud trouve qu’il y a quatre domaines dans lesquels les experts africains doivent se pencher. ‘’Il y a d’abord la notion de collaboration, dans le cadre du financement, et un aspect important est la collaboration multilatérale qui a été consolidée à travers un exemple en Afrique subsaharienne. La masse critique a été bâtie à partir de 50 agences de financement en Afrique, et cela a permis de renforcer les piliers du financement international dans cette partie du continent. Sans la collaboration des partenaires multilatéraux, nous n’aurions pas atteint nos objectifs’’, relève le Dr Aldo Stroebel.
D’après lui, le deuxième aspect est la communication par rapport à la science, l’influence politique, la priorité qui a été donnée à la science, etc. ‘’Troisièmement, il y a la coopération entre le monde universitaire et le secteur industriel qui est extrêmement essentielle pour assurer la compétitivité des systèmes nationaux d’innovation. Pour le renforcement des capacités institutionnelles, il faut élaborer des mécanismes de collaboration avec les partenaires de développement’’, renchérit-il.
A ce propos, la représentante de l'Agence de coopération internationale allemande pour le développement (Giz), note qu’il est important concernant le lien entre les sciences et les politiques, de vulgariser les résultats scientifiques pour motiver les décideurs. ‘’Il faut faire en sorte que les programmes socio-économiques soient résilients au climat. Cela nécessite la sensibilisation des parties prenantes, par conséquent, et surtout les convaincre de créer un bon contenu pour la science et la recherche. Sinon, les instituts de recherche ne survivront pas. Et surtout, il faut que cela soit accompagné d’un appui pour identifier les sources de financement’’, indique Stefanie Springorum.
Selon le vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Est et du Sud, leurs institutions ont travaillé tous au renforcement des institutions africaines depuis plusieurs décennies. Pour Hafez Ghanem, un point fondamental pour le renforcement des institutions gouvernementales en Afrique dans l’avenir, est l’utilisation de la technologie.
‘’La plupart des pays qui ont résisté à cette crise sanitaire sont ceux qui ont fait recours à la gouvernance électronique. C’est vraiment l’avenir et nous devons y travailler. Lorsque les pays réussissent à mettre en place des systèmes de passation de marchés en ligne, ils deviennent plus transparents et luttent contre la corruption. Ces technologies nous ont véritablement permis de transformer la façon dont les gouvernements font les affaires. Nous avons travaillé d’ailleurs avec nos collègues de la Bad et de l’Union africaine, et nous avons, ensemble, pu mettre en place une initiative dont l’objectif est de faire en sorte que l’accès à Internet, à la technologie en Afrique, qui est aujourd’hui d’environ 25 %, soit renforcé et d’arriver à un accès universel d’ici la fin de la décennie. Il faut que nous utilisions les technologies pour renforcer nos institutions’’, conclut-il.
MARIAMA DIEME