Une union à mille inconnues
La possibilité d’une alliance entre les troupes du Pastef/Les patriotes et celles de Taxawu Ndakaru pour l’élection locale de janvier 2022 se précise, à l’approche du scrutin. Toutefois, les dynamiques des formations politiques au niveau local peuvent constituer un blocage dans la mise en œuvre de cette alliance. La présence de barons de Taxawu Ndakaru dans plusieurs communes de Dakar peut atténuer le discours ‘’frondeur’’ et ‘’réformateur’’ de Pastef/Les patriotes qui se veut dans une dynamique de renouveau de la classe politique.
Le message est clair et sans équivoque. Le parti de Khalifa Sall ne compte pas rendre les clés de la ville de Dakar sans combattre. Depuis plusieurs semaines, l’état-major de l’ancien maire de Dakar fait savoir sa volonté de créer un large front de l’opposition, afin de conserver la capitale dans son escarcelle. En VRP de luxe, le camp de l’ancien ministre chargé des Relations avec les parlements (PS) a délégué cette tâche au bouillant maire Barthélemy Dias qui, devant les micros, fait un appel du pied tout particulier au Pastef/Les patriotes pour une alliance, lors des Locales du 23 janvier 2022.
‘’Nous souhaitons partir à cette élection en coalition. Et, dans cette coalition, nous le disons avec fierté, notre but est de nous coaliser avec des forces de la société civile, politiques et syndicales, parmi elles le parti Pastef est une force particulière et avec laquelle on compte s’allier. Nous voulons que Taxawu Ndakaru, Pastef et, à côté, d’autres forces politiques et syndicales aillent ensemble à cette élection pour le bien-être des populations’’, a lancé le maire de Mermoz Sacré-Cœur.
Monsieur Dias atteste de la ‘’mise en place, dans les prochains jours, d'une forte coalition de l'opposition pour porter les espoirs du pays’’.
Ces déclarations rejoignent celles du leader du Pastef/Les patriotes qui, vendredi dernier, lors de la cérémonie de fusion de 14 partis et mouvements dans Pastef, a indiqué qu’’’une grande coalition de l’opposition’’ sera très bientôt présentée aux Sénégalais.
Mais rien ne semble être encore décidé, pour le moment. ‘’Nous sommes en train d’étudier la question. Mais je ne peux rien dire pour l’instant’’, se veut plus prudent El Malick Ndiaye, chargé de la communication du parti. La dernière dynamique des Législatives de 2017 a fait montre d’une nette poussée du pouvoir dans certains bastions de Taxawu Ndakaru telles que Parcelles-Assainies, Grand-Yoff et Médina. Ce qui a poussé plusieurs lieutenants de Khalifa Sall à s’arrimer, désormais, à l’attelage présidentiel. Ainsi, Santi Agne (Sicap Liberté), Moussa Sy (Parcelles-Assainies), Alioune Ndoye (Plateau) et Amadou Guèye (Ngor) ont rallié la mouvance présidentielle. Des maires comme Bamba Fall (Médina) voient leur pouvoir s’effriter sous les coups de boutoir de Cheikh Ba, Directeur de la Caisse des dépôts et de consignation (CDC).
Toutefois, les nouvelles dispositions du nouveau Code électoral avec l’élection au suffrage universel direct pour les maires, jusqu’ici élus par les conseillers municipaux, peuvent être source de tensions dans cette future alliance entre Taxawu Ndakaru et Pastef.
Les limites de l’alliance et de la stratégie politique ‘’commune’’
La précédente alliance ayant réuni les forces de l’opposition, en 2009, avait fini par un partage des rôles dans l’Exécutif local : mairie pour le PS et conseil régional pour l’AFP. Pour les futures Locales, le choix des têtes de listes majoritaires et proportionnelles pour la ville de Dakar dans les 19 communes, risque d’être problématique, dans la mesure où les stratégies politiques ne sont pas similaires. L’équipe municipale de Taxawu Ndakaru, avec la mairesse sortante Soham El Wardini, et les maires de commune sortants : Bamba Fall (Médina), Cheikh Guèye (Dieuppeul/Derklé), Madiop Diop (Grand-Yoff), Barthélemy Dias (Mermoz Sacré-Cœur) se doivent de défendre leurs actions et bilan à la tête de leur commune, alors que les patriotes veulent s’installer dans une dynamique de changement et de ‘’dégagisme’’ de l’establishment local sur fond d’un discours antisystème.
Selon les observateurs, la seule affirmation d’un adversaire commun, à savoir Benno Bokk Yaakaar (BBY), ne peut constituer le socle d’un programme commun, à quelques mois des élections locales, et peut nuire à la mise d’une stratégie d’alliance entre les deux partis.
Par ailleurs, l’absence de figures et responsables reconnus au niveau local peut aussi constituer un handicap pour Ousmane Sonko et ses camarades, face à la présence de personnalités politiques ‘’khalifistes’’ reconnues et établies.
Sur ce, les nominations à la tête des listes dans les communes et sur la liste proportionnelle peuvent aussi cristalliser les tensions au sein de cette alliance politique entre Taxawu Ndakaru et Pastef/Les patriotes.
Pour Ndiaga Sylla, expert des questions électorales, les nouvelles dispositions du Code électoral permettent une alliance, à condition d’avoir une liste commune pour le scrutin majoritaire et proportionnelle au niveau de toutes les communes constitutives, et pour la proportionnelle pour l’élection du maire de la ville.
‘’Si Taxawu Ndakaru et Pastef font liste commune dans une circonscription pour le scrutin majoritaire et ne le font pas pour d’autres communes, alors le candidat de l’alliance à la mairie de Dakar pourrait voir ses chances s’envoler. Pour le vote du maire de la ville de Dakar, il est attribué à chaque commune deux sièges de conseiller municipal au moins, ce qui porte le nombre de conseillers à 38, en plus de sept sièges supplémentaires, selon le poids démographique des communes constitutives, pour atteindre le chiffre de 45 conseillers provenant de la liste majoritaire et 55 conseillers de la liste proportionnelle, pour obtenir le nombre de 100 conseillers. Il y a lieu de souligner que le maire élu est le premier sur la liste proportionnelle qui a recueilli le plus grand nombre de suffrages exprimés’’, dit-il.
Que dit la loi sur l’élection du maire de la ville ? -Article L298 du Code électoral : ‘’Pour le scrutin proportionnel de la ville, il est appliqué le système du quotient de la ville. Pour déterminer ce quotient, on divise le nombre total des suffrages valablement exprimés par le nombre de conseillers municipaux de ville à élire. Autant de fois, ce quotient est contenu dans le nombre de suffrages obtenus par chaque liste, autant ce dernier obtient de candidats élus. La répartition des restes se fait selon le système du plus fort reste. En cas d’égalité, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d’être élus. Le candidat occupant le premier rang sur la liste proportionnelle est élu maire de la ville, si sa liste obtient le plus de suffrages à l’issue du vote. En cas d’égalité, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d’être élus maires.’’ |
Mahfouz NGOM