Publié le 12 Sep 2021 - 21:11
MATAM – VENTE D’EAU

La mort des ‘’sachets de la survie’’

 

L’avènement des sachets d'eau a été une véritable aubaine pour les populations de la région de Matam. Ces sachets qui se vendent comme de petits pains ont donné un réel coup de boost à l’économie locale. Un juteux business pour beaucoup de femmes qui est nettement stoppé par l’application de la loi interdisant les sachets plastiques.

 

A la gare routière d’Ourossogui, l’enceinte grouille de monde sous un impitoyable soleil d’hivernage. Ça crie de partout. Des ‘’coxeurs’’ se bousculent et se disputent les clients. A la fin, les gros mots pleuvent à outrance. Rien de nouveau sous le soleil, c'est le monde des apprentis chauffeurs. Les voyageurs ont soif, mais les vendeuses de sachets d’eau restaient introuvables. Dans un coin, tout près du garage des voitures en partance vers Saint-Louis, une dame, le visage fort émacié, est assise sur une glacière. Elle ne vend pas d'eau, depuis une semaine, elle s'est improvisée en vendeuse de cacahuètes.

« Les autorités interdisent formellement la vente de sachets d’eau. Il y a des contrôleurs partout. Quand ils nous surprennent avec les sachets d'eau, ils nous les prennent, avant de nous imposer à payer des amendes. Cette décision, je ne sais pas pourquoi Macky l'a prise, mais elle pose problème. La vente de ces sachets d’eau constituent notre gagne-pain’’, dit la vieille femme, la cinquantaine bien révolue. ‘’Je suis une vieille veuve, j'ai deux fils et une fille qui n'est pas mariée. Mes deux fils sont mariés, mais, ils n'ont pas de boulot. Avant, j'allais aux champs, mais avec mon âge, les travaux sont devenus trop pénibles. Alors, depuis 4 ans, je suis dans la vente de sachets d'eau et pour dire vrai, je m'en sortais très bien. Cette mesure va nous appauvrir davantage », soutient-elle.

La vente des sachets d'eau nourrit son homme

Avec la chaleur excessive qu’il fait, les voyageurs allaient s'arracher les sachets d'eau. Un manque à gagner pour Souberé, la trentaine, mère de deux filles, divorcée. « En temps normal, avec cette canicule, je me frottais les mains. Avant midi, je parvenais à écouler 5 paquets. Chaque paquet contient 30 sachets. J'achetais le paquet à 500f et ça me rapportait 1500f soit un bénéfice de 1000 francs. Chaque jour, je rapporte au minimum 6000 francs et quand ça marche vraiment je me retrouve avec 12.000 francs. C'est avec cet argent que je paie la chambre que je loue, j'ai même payé un terrain tout ça avec l'argent de la vente des sachets d'eau. Mais, c’est fini tout ça. Les autorités décident sans même penser aux conséquences désastreuses que ça peut avoir chez les couches défavorisées », se désole-t-elle.

Comme Souberé, beaucoup de femmes parviennent à joindre les deux bouts, grâce à la vente de ces sachets désormais prohibés.

Pour certaines, c'est avec la vente exclusive de l'eau dans les sachets que les deux repas « nécessaires » sont assurés, pour d'autres, les recettes issues de cette vente ont permis l’acquisition d'un patrimoine bâti comme Aissata, originaire d'un hameau situé à 7 km de Ourossogui. Elle est mère célibataire, une épreuve qui transformé sa vie en enfer. Repoussée par sa propre famille, elle s’est installée dans la ville carrefour, depuis bientôt 6 ans, elle touchait à tout, mais aujourd’hui, elle se focalise sur la vente des fruits et les sachets d'eau.

« Je rends grâce à Dieu, je vis bien et je ne tends pas la main. Je ne fais rien de dévalorisant. Tout ce que je possède je l'ai eu à la sueur de mon front. Ce petit commerce me permet de vivre dignement. J'ai traversé des épreuves extrêmement pénibles avec ma famille. J'ai été repoussée par ma propre famille, jetée dans la rue, parce que le destin a voulu que je sois enceinte avant le mariage. J'avais perdu goût à la vie, mais la vente des sachets d’eau m’a sauvée. Aujourd’hui, je possède un frigo que j'ai payé à 250.000f, j'ai acheté un terrain que j'ai construit toute seule. C’est une maison en zinc de 3 pièces. J'occupe une et je loue les deux autres à 7500f. Alors, si l’État veut interdire la vente des sachets d’eau, c’est pour nous tuer. Mais, nous n'allons pas nous laisser faire. Nous crierons sur tous les toits pour dénoncer cette mesure. S'il faut organiser une marche de protestation nous la ferons. Mais qu’ils nous laissent de grâce avec notre gagne-pain », supplie la dame.

« Il faut décaler l’application de la loi jusqu’en 2023 »

Les revendeurs sont unanimes, l’application de la loi interdisant les sachets plastiques est saugrenue. Chez les chefs d'entreprise, aussi, la mesure va causer des dégâts énormes. D'ailleurs, la plupart d’entre eux ont déjà reçu une mise en demeure. Ils sont sommés de fermer leur usine et donc d’arrêter la production des sachets d'eau. Ils ont l’impression que le ciel leur tombe dessus. Mamadou Kane, propriétaire de l’unité sise à Thilogne, ville située à près de 50km d’Ourossogui, ne peut croire que tout son investissement puisse soudainement tomber à l'eau.

« Qu’allons-nous devenir ? Je n'en ai aucune idée. Je sais que je vais perdre beaucoup. On nous a demandé de fermer nos unités. Ma machine, je l'avais payée à 1.400.000f. Aujourd’hui, elle ne sert plus à rien du tout et je ne peux même pas la revendre, dit-il dans un triste timbre. Nous avons mis sur pied un collectif pour défendre nos intérêts. Nous ne refusons pas de coopérer avec le ministre, mais nous demandons qu’il nous laisse travailler au moins jusqu'en 2023. Nous avons demandé à être dédommagés, mais ils nous ont aussi dit qu’ils n'ont pas de fonds. Comment peuvent-ils être aussi intransigeants, quand on sait que le pays traverse une crise économique sans précédent ? Combien d’emplois vont être supprimés avec cette mesure ? Je vous signale que chaque unité de production emploie au minimum trois jeunes sans prendre en compte les revendeurs. Nous sommes conscients des conséquences néfastes sur l’environnement, mais la solution n'est pas d’interdire les sachets, mais plutôt d’encourager le recyclage », glisse le jeune entrepreneur.

Les unités taxées de ne pas respecter les normes d’hygiènes

Cette loi interdisant les sachets plastiques n'a pas que des détracteurs au sein de la population. Maquette Diack, ingénieur dans une entreprise minière, estime que la mesure a tardé à être prise. « Ce n'est pas trop tôt. Cette loi est salvatrice pour l’humanité. La quantité des déchets plastiques est énorme. Il fallait faire quelque chose. Aujourd’hui, nous sommes assaillis par les plastiques. Alors, il faut fermer ces unités de production de sachets d’eau. L’État commettrait une grosse erreur, si jamais, il reculait face à la menace. La loi est dure, mais c'est la loi », juge-t-il.

Abondant dans le même sens, Bocar Sall, agent communautaire, plaide aussi pour l’arrêt de la vente des sachets d'eau. « Il était temps que l’État siffle la fin de la récréation. Il y avait des usines de fabrication à chaque coin de rue. Et rares sont celles qui respectent les normes d’hygiène. Il est fréquent de trouver des débris dans ces sachets d'eau qui pourtant sont filtrés. Certains n’ont même pas de machine, ils se contentent de remplir les sachets avec de l'eau directement puisée au robinet. Vraiment, je salue la mesure », applaudit-il.

Djibril Bâ

 

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