Publié le 24 Sep 2021 - 00:37
‘’DIOKOUL SANS SABLE’’

Quand les jeunes prennent leur destin en main

 

 ‘’Diokoul sans sable’’. Tel est le vaste défi que s’est lancé la jeunesse de ce quartier traditionnel lébou situé à Rufisque-Ouest. Chaque dimanche, hommes et femmes se donnent rendez-vous à travers les différentes artères du quartier, dans le but de paver les rues, décorer les murs, pour un cadre de vie plus agréable.

 

Gants serrés, large t-shirt gris, bottes noires enfilées, Babacar Ndiaye est prêt pour se rendre au chantier. A peine une dizaine de mètres de chez lui, le voilà sur les lieux. Un grand espace clôturé, avec une grande porte rouge. A l’entrée, se dressent des planches ; sur les côtés, des herbes et des feuilles mortes jonchent le sol. Quelques   personnes ont déjà commencé le travail. Ils sont informaticiens, journalistes, pêcheurs, enseignants, maçons, commerçants... toutes catégories confondues, à se mobiliser pour paver les artères du quartier. A l’instar de la plupart de ses amis, Babacar n’avait, avant ce chantier, aucune expérience en maçonnerie. Mais depuis le démarrage de ce chantier initié par les habitants eux-mêmes pour donner un nouveau visage à leur quartier, il se donne à fond tous les week-ends, dans la fabrication de pavés destinés à l’embellissement du quartier.  

En quelques minutes, une forte affluence s'est déjà constituée. Et les riverains n’arrêtent toujours pas de venir. Sur place, ils rivalisent d’ardeur, dans le transport du sable, des sacs de ciment, du béton en grains de riz, des seaux d'eau. Chacun, en fonction de ses capacités, contribue à la fabrication des pavés, à leur séchage et à leur installation.

Malgré la forte canicule, Babacar ressent plus de la fierté que de la fatigue. ‘’Nous tenons vraiment à mettre en avant ce type de Sénégalais, c’est-à-dire celui qui s’investit pour sa commune sans n’attendre rien de l’Etat. C’est vraiment une grande fierté d’appartenir à ce quartier et de participer à ce chantier’’.

Dans le quartier, il existe au moins quatre autres sites de ce genre. Et partout c’est la même ferveur. A Diokoul Ndiayene, le travail se fait dans la rue. La fabrication de pavés terminée, les jeunes passent déjà au pavage. Dans ce quartier lébou de Rufisque, hommes et femmes se sont mobilisés avec détermination pour rendre leur cadre de vie meilleur, à travers une initiative appelée "Diokoul sans sable'' lancée depuis le mois de ramadan dernier. Tout est parti du pavage d'une ruelle à Ndieuwdoune. Désireux de suivre le bon exemple, le quartier entier suivra. Il se réunit et constitue une commission chargée de conduire le projet ‘’Diokoul sans sable’’. L’objectif, c’est de paver toutes les rues du quartier. Dans cette ruelle, chacun tente de mettre la main à la pâte. Pendant que les uns déplacent des brouettes de sable, d’autres portent des seaux d’eau, du ciment mélangé… Il y en a également qui s’occupent de servir le thé. Le tout, dans une ambiance cordiale. Enseignant en informatique, responsable de la communication, Adama Samb explique : ”Lors de notre première réunion, nous avons cotisé 135 000 F et le lendemain même, on a commencé le travail. Le projet est évalué à 17 millions F CFA. Pour l’heure, on a réussi à mobiliser 2 millions.’’

La jeunesse au cœur de l’action communautaire

Malgré leurs moyens limités, la population est déterminée à aller jusqu’au bout de ses ambitions, en comptant principalement sur les cotisations en nature ou en numéraires des riverains. "Au début, on se contentait de cotiser, chacun en fonction de ses moyens. Mais aujourd'hui, on a mis en place des blocs de reçus qu'on vend à travers le quartier à 1 000 F l'unité. Ce qui permet d’avoir plus de transparence et de traçabilité’’, insiste-t-il. Une des vendeuses de renchérir : ‘’Il n’y a pas de prix fixe. Quelqu’un peut venir acheter le reçu à 1 000 F ou plus, mais la somme minimum à débourser, c’est 1 000 F CFA. En ce moment, la commission a sorti 20 blocs de 50. Si on les vend, on aura 1 million et plus même.’’

Quant à la main-d'œuvre, tout le monde met la main à la pâte à sa manière. Aux hommes la fabrication des pavés et le pavage, tandis que les femmes se chargent du déjeuner et de la vente des blocs de reçus. Pape Guèye est ingénieur en bâtiment et conducteur du chantier. L'homme de petite taille, d'un teint assez clair, casquette bien vissée sur la tête, vérifie toutes les étapes du pavage : délimitation du périmètre, pose des fondations pour le pavage, positionnement des pavés, la jonction, etc. Tout est scrupuleusement contrôlé par le spécialiste du groupe. Il précise : “Comme vous le voyez, là, nous sommes sur une allée de 50 m. On a utilisé 1v250 pavés. Ce sont de gros pavés.’’ Tout, selon lui, a été pris en compte, des inondations à l’environnement, en passant par la circulation. ‘’Par exemple, sur les rues où passent les gros-porteurs, on a mis de petits pavés : ceux en forme de crochets capables de résister aux voitures. Ensuite, on a laissé des coins fleurs, histoire d'embellir le quartier", explique Pape le sourire aux lèvres.

Un esprit de don de soi

A en croire le chargé de communication, la commission s’est rapprochée de beaucoup de structures afin de demander du soutien. Certains ont répondu favorablement, en donnant soit une tonne de ciment, soit du sable, du béton ou même de l’argent. Mais le grand défaillant à cette quête de soutiens, c’est la mairie même de la commune. ‘’Jusqu’ici, ils ne sont même pas venus faire un constat. Seule une grosse entreprise financière de la place nous a soutenus et quelques personnes de bonne volonté. Certains nous ont remis cinquante mille francs. Certes, ce n’est pas de grosses sommes, mais ils ont répondu présent’’, se réjouit Babacar Ndiaye, non sans magnifier l’initiative. ‘’Je pense que c’est du jamais vue à Rufisque, un projet aussi ambitieux porté par dans jeunes, surtout dans un quartier lébou’’.

Pour les porteurs du projet, le pavage n’est pas le seul but qu’ils se sont fixé. Dans le programme, il est aussi question de décorer les murs pour le plaisir des yeux. Sur place, le décor est magnifique. La vedette, c’est évidemment la pirogue avec ses passagers. Mais d’autres graffitis suscitent également l’admiration. Sur les murs, dans cette allée étroite, il est représenté tantôt des mamans dans des cases, tantôt un père au champ, tantôt des écoliers et des écoles, entre autres, le tout dans un paysage parfaitement aménagé avec des arbres, des cocotiers, avec un mariage parfait du vert, du blanc, du bleu, bref, de toutes les couleurs.

En ce qui concerne les matériaux utilisés, il s’agit surtout de moyens du bord, notamment des coquillages ramassés sur la plage.

Dans le quartier, le projet laisse paraître fierté et joie sur les visages de chacun. Anciens comme jeunes, le plaisir est immense. Gorgui Ndoye, Délégué de quartier, avec quelques amis, sont venus visiter le chantier et constater l'état des travaux. La cinquantaine révolue, il contient à peine sa joie. ‘’Ils auraient pu ne rien faire. Parce que ce n’est pas leur rôle. Mais ils ont pris leur propre argent et ont décidé d’investir dans le quartier. On ne peut qu'être heureux et prier pour eux”, lance-t-il à l’endroit de sa jeunesse.

Fatoumata Bintou Ba (stagiaire)

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