Publié le 2 Feb 2022 - 23:30
LOCALES 2009-LOCALES 2014

Ressemblance et dissemblance !

 

Composée essentiellement d’acteurs majeurs des élections locales de 2009, la mouvance présidentielle refuse de constater ce qui, selon nombre d’observateurs, sonne comme un grand échec. Pourtant, ces élections ressemblent, à bien des égards, à celles de 2009, perçues par beaucoup d’analystes comme point de départ de la chute du régime libéral d’alors.

 

L’opposition comme le pouvoir en avaient fait une sorte de référendum. Pour ou contre l’action du président Macky Sall ? Ce dernier lui-même a ‘’battu campagne’’ à travers des tournées politiques déguisées en tournées économiques. À l’arrivée, chaque partie crie victoire. Alors que Sonko et Cie brandissent leur mainmise sur la plupart des grandes villes, le camp du pouvoir préfère mettre l’accent sur les résultats globaux des élections.

Une chose est sûre : ces élections locales rappellent, à bien des égards, celles de 2009 qui avaient servi d’élément déclencheur de la chute du régime de Wade.

Comme en 2009, le pouvoir perd l’essentiel des grandes villes. Selon des résultats du scrutin du 23 janvier dernier, Benno Bokk Yaakaar a perdu la bataille dans plusieurs capitales départementales dont Dakar, Guédiawaye, Rufisque, Thiès, Ziguinchor, Diourbel, Kaolack… Tous ces départements ont été raflés par la majorité lors des dernières élections de référence, en l’occurrence les Législatives de 2017. Pour la Présidentielle de 2019 également, la plupart de ces départements ont été remportés par le pouvoir, à l’exception de Ziguinchor et peut-être Thiès.

Comme en 2009, le pouvoir a gagné dans la plupart des départements, soit une trentaine. En 2009, il n’y avait pas de conseils départementaux, mais régionaux. Et Abdoulaye Wade s’était imposé dans 11 des 14 régions. ‘’Ce qui lui confère, informait le Bureau d’étude et de conseils AfricADT, un pourcentage de près de 78,57 %. La coalition Benno Siggil Senegaal s’est vue adjuger les trois autres, à savoir Dakar, Kaolack et Fatick’’. Pour les Locales de 2022, la coalition au pouvoir a perdu, en plus de Dakar, les régions de Ziguinchor et de Diourbel au minimum. Soit trois régions comme sous Wade.  

Comme en 2009, l’opposition a fait une percée surprenante un peu partout sur le territoire, surtout dans les zones urbaines. Mais la majorité reste indéboulonnable en milieu rural, surtout dans ses bastions du Fouta et du Sine, à Fatick et à Kaffrine plus précisément. C’était aussi le cas en 2009. La coalition Sopi, selon l’étude susvisée, avait raflé 237 communautés rurales sur les 370 que comptait le Sénégal, soit 64 % des communautés rurales. La coalition Benno Siggil Senegaal, elle, venait loin derrière avec 91 communautés rurales. Dekkal Ngor (de Macky Sall) arrivait en troisième position avec 11 communautés rurales dont la majorité se trouvait dans la région de Matam.

Relativement au vote dans les communes, le rapport indiquait que la majorité d’alors avait remporté presque 54 % des communes sur les 104 que comptait le Sénégal. Elle était suivie de Benno Siggil Senegaal avec 25 % des communes et d’And Liggey Senegaal (6,7 %). La coalition du président Sall, Dekkal Ngor, n’était arrivée qu’à la 5e position avec (2,8 %).

Aussi, en 2009, les Locales s’étaient déroulées dans un climat marqué par de fortes suspicions autour d’une tentative de dévolution dynastique du pouvoir, des faits de mal gouvernance, la crise économique avec son lot de pénuries (riz, électricité…). En 2022, le contexte est aussi marqué par des intentions prêtées au régime de vouloir donner au président en exercice un troisième mandat, en plus des faits de mal gouvernance et de la crise due à la pandémie. Dans l’un comme dans l’autre, il est question de violation manifeste de la Constitution sénégalaise. Dans l’un comme dans l’autre, les régimes successifs ont reçu un signal fort.    

En revanche, entre les Locales de 2009 et celles de 2022, il y a tout de même beaucoup de points divergents. Et ce n’est pas toujours en faveur de l’actuelle majorité.

En effet, en 2009, informait le Bureau d’étude, concernant les régions acquises par l’opposition, les écarts de voix entre les deux principales coalitions - du point de vue de leur poids électoral au sortir du scrutin - n’étaient pas très énormes. À titre illustratif, montrait le cabinet, à Dakar, Benno avait obtenu 27,38 % des votes contre 23,31 % pour Sopi 2009. À Kaolack, Benno a eu 32,15 % des voix contre 28,2 % pour Sopi 2009. Tout le contraire de la plupart des zones dominées par la majorité d’alors.

Pour ce qui est des élections de 2022, en revanche, les collectivités remportées par l’opposition l’ont généralement été avec des scores assez importants, comme c’est le cas dans beaucoup de communes à Dakar et à Ziguinchor. En revanche, les écarts obtenus par l’actuelle coalition au pouvoir sont rarement aussi importants que ceux de la majorité de 2009, à quelques exceptions près.

Globalement, sur un total de 2 109 498 suffrages valablement exprimés, la coalition Sopi, en 2009, avait obtenu 970 220 voix, soit 48,55 % des suffrages exprimés. Ce qui la plaçait nettement devant ses adversaires en termes de suffrages obtenus. La coalition Benno Siggil Senegaal occupait la deuxième place avec un nombre total de voix obtenues de 586 651, soit 27,81 % des suffrages. La coalition Dekkal Ngor, avec 50 417 voix, avait obtenu 2,39 % de l’électorat. Enfin, la coalition And Liggey Senegaal arrivait en quatrième position, avec 46 620 voix, soit 2,21 % des suffrages valablement exprimés.

Face au refus du pouvoir d’entendre parler d’échec, le politologue Babacar Justin Ndiaye affirmait ce qui suit : ‘’Lorsque vous perdez des capitales provinciales, vous ne pouvez pas récuser des termes comme bérézina. Les libéraux ont une lecture erronée des résultats des élections locales…’’ Il n’empêche, malgré ce déni, le pouvoir d’alors avait changé de Premier ministre et remanié sensiblement l’attelage gouvernemental. Babacar Justin commentait : ‘’Ce gouvernement ressemble à une barque qu’on veut utiliser pour arriver en 2012. Mais gare au triangle des Bermudes.’’

Faisant la politique de l’autruche, les amis de Wade n’avaient donc rien voulu entendre, fonçant sur 2012 avec les mêmes vices, les mêmes violations de la Constitution, la justice à double vitesse, la mal gouvernance, la corruption, le désir d’imposer le fils prodige…  Ils ont été balayés par le vent de changement qui soufflait.

 Mais alors que beaucoup d’observateurs semblaient miser sur une victoire de Benno Siggil Senegaal, c’est l’ancien porte-étendard qui est surgi de nulle part pour surprendre ses adversaires.

Yewwi saura-t-elle déjouer les pièges de Benno Siggil Senegaal ? Wallu peut-elle réaliser sa mue pour espérer réaliser l’exploit de Dekkal Ngor devenue Macky 2012 ? Les états-majors vont sans doute continuer de cogiter sur ces questions, après un diagnostic plus approfondi des résultats.

MOR AMAR

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