‘’AAR Sénégal ira jusqu’à la présidentielle de 2024’’
Séduisante. La nouvelle coalition Alternative pour une Assemblée de Rupture (AAR Sénégal) l’est, au moins sur le papier. Une autre chose est sûre : la performance de l’alliance des ‘’technocrates’’ et ‘’hommes de valeurs’’, des étiquettes collées aux profils composant cette alliance, sera particulièrement épiée, lors des élections législatives du 31 juillet 2022. Après avoir passé l’étape de la vérification des parrainages, le porte-parole de AAR Sénégal se confie sur la formation et le petit parcours de cette nouvelle coalition et les sollicitations de Benno Bokk Yaakaar (BBY) ; il se prononce sur leurs relations avec Yewwi Askan Wi et les ambitions et perspectives de AAR Sénégal. Thierno Bocoum, sans langue de bois…
Etes-vous soulagé d’avoir passé cette première étape de la vérification des parrainages ?
Nous l’avons passé sans soulagement puisque nous pensons que c’est un filtre qui peut aussi être injuste pour d’autres. Notre soulagement viendra de l’égalité des chances pour tous les candidats. D’ailleurs AAR SÉNÉGAL dénonce le recalage de certaines coalitions, à travers le filtre du parrainage en vue des élections législatives prochaines. C’est une manière injuste de priver des sénégalais de l’exercice de leur droit d’être candidat. Le parrainage nous l’avons décrié et nous continuerons à le décrier dans certains de ses aspects clairement pointés du doigt par la cour de justice de la CEDEAO. A défaut d’être amélioré, le parrainage doit être écarté, conformément à la décision motivée de la cour de la CEDEAO sur la question. C’est une arme entre les mains du régime actuel qui peut l’utiliser à sa guise, sous le couvert de la loi, pour combattre des adversaires politiques. C’est un procédé inacceptable dans une démocratie.
Etes-vous confiant pour l’acceptation juridique de votre coalition ?
Oui bien entendu. Nous sommes confiants pour la suite. Nous restons concentrés sur les élections, car les conditions sine qua non et cumulatives devant permettre notre participation seront remplies. Nous y avons travaillé avec beaucoup de sérieux. Ce qui est le reflet de la bonne organisation au sein de AAR Sénégal et de à la nature des compétences qui la compose.
Comment s’est passée l'étape de la collecte, pour une première expérience ?
C’est un travail qui n’est pas facile. Nous avons travaillé pour nous assurer d’avoir de bons parrainages et cela s’est effectué sur plusieurs mois, depuis la mise à disposition des fiches de parrainages. Le fait d’avoir travaillé séparément, comme si chaque entité devait y aller seul, a permis d’atteindre un nombre important de parrains, chacun de son côté. La mutualisation de nos efforts respectifs a fait le reste. Après avoir déposé nous disposions d’une réserve importante pour nous prémunir des doublons.
Vous vous êtes déjà prononcé contre le parrainage. Avec la réduction constatée des listes annoncées (15/25), pensez-vous que cela ait joué ? Si oui, une bonne raison ou pas ?
La démocratie a un coût. Ce n’est pas, parce que nous avons dépassé le filtre du parrainage que nous allons l’entériner comme un filtre efficace. Je pense qu’il doit être amélioré, en tenant compte des remarques évoquées aussi bien par les oppositions que par l’arrêt de la cour de la CEDEAO. Le parrainage est injuste. Nous ne cesserons de le clamer. Notre démocratie doit pouvoir permettre l’égalité des chances et la découverte de nouvelles figures qui ne seront pas forcément de s’allier avec du déjà-vu. Nous devons tendre la main à ceux qui souhaiteraient apporter une autre touche dans la manière de faire de la politique. Il faut savoir donner des opportunités de choix aux populations, sans les contraindre à se contenter de ce qui existe déjà.
La nature des élections législatives, avec le ‘raw gaddu’, incite à former de grandes alliances pour multiplier ses chances de remporter les sièges en jeu. Pensez-vous que l’émiettement actuel des forces puisse impacter négativement sur les chances de l’opposition ?
Il n’y a pas d’émiettements de l’opposition, mais, l’expression d’ambitions légitimes de coalitions qui proposent des projets de société au peuple sénégalais. Les chances des oppositions ne peuvent pas être compromises face à un pouvoir qui a montré ses limites dans sa gestion de la majorité à l’Assemblée Nationale. Le peuple sénégalais est au courant de leurs écarts et doit agir en conséquence. AAR Sénégal propose une équipe de compétence et de vertu, pour rendre à l’Assemblée Nationale ses vrais pouvoirs et y apporter les ruptures tant attendues par le peuple sénégalais. Nous avons beaucoup travaillé sur le profilage pour ne permettre aucun doute sur notre capacité à relever le défi de la rupture au sein de l’assemblée nationale.
Etes-vous en train de travailler à élargir votre coalition qui aura en face d’elle des mastodontes ?
La coalition ne cesse de s’élargir tous les jours. Elle n’est pas seulement fréquentée par ceux qui cherchent à être intégrés dans les listes, mais, elle est aussi fréquentée par des Sénégalais qui ont foi que le cheminement ira au-delà des législatives et permettra d’apporter de vrais changements dans notre pays. Des sénégalais qui ont enfin espoir pour l’avenir à travers notre coalition.
On a ouïe dire que la gestation de votre coalition Aar Sénégal a été difficile ; qu’il y avait beaucoup de points de divergence entre les leaders. Pouvez-vous nous raconter les coulisses et d’où est venue l’idée de former cette coalition ?
Il y’a eu d’abord une volonté partagée de se mettre ensemble. Cette volonté a été insufflée par nos bases respectives et par divers Sénégalais qui retrouvent dans nos parcours respectifs des dénominateurs communs, à savoir la constance, la rigueur, la compétence et la vertu. Nous avons eu des discussions sur une longue période. Ce qui a finalement prévalu, c’est le fait d’avoir un esprit de dépassement et d’avoir en ligne de mire les intérêts supérieurs de la nation. Les discussions n’ont pas été faciles et c’est normal, puisque nous avons tous des ambitions pour notre pays et travaillons à les concrétiser au quotidien. Cependant, l’objectif commun a pu prendre le dessus sur nos objectifs personnels. Nous avons su nous retrouver autour des valeurs que nous incarnons et que nous comptons mettre au service des populations.
Les leaders qui forment cette coalition ont le même profil d’intellectuels voire de technocrates, mais, on ne leur connait pas de grandes bases politiques et bien identifiées. Comment comptez- vous pallier cette lacune, si tant est qu’elle en est ?
Nous n’avons aucune lacune à ce niveau, nous n’avons au contraire que des avantages, si nous nous concentrons sur la nature de l’élection. Il s’agit ici d’élire des députés et non des maires. Nous avons proposé la meilleure équipe possible qui est composée d’hommes et de femmes ayant fait leurs preuves dans la correcte prise en charge des préoccupations des Sénégalais, durant tout leur parcours de leader politique et de serviteurs du peuple sénégalais. Nous pensons que les Sénégalais savent ce qu’ils veulent et ne manqueront pas d’intervenir en conséquence. Donc, il ne s’agit pas d’une question de base locale, puisque le député est en principe, une fois élu, un député du peuple et non celui d’une commune ou d’un terroir. Il s’y ajoute qu’on ne peut pas dire que telle ou telle personne n’a pas de base, sans l’avoir évaluée à l’aune du suffrage universel.
Aar Sénégal se projette-t-elle déjà sur 2024 ?
Oui, AAR Sénégal ira jusqu’à la présidentielle de 2024. C’est le souhait largement partagé au sein des leaders qui la compose et nous y travaillons.
En fait, s’agit-il d’une alliance électorale circonstancielle ou bien avez-vous pour ambition de construire dans la durée une coalition solide qui va compter dans l’avenir ?
Nous travaillons dans la durée, mais chaque rendez-vous électoral mérite qu’on s’y attarde, afin de faire les meilleurs choix au grand bénéfice des populations. Pour ces élections législatives, nous avons proposé une équipe de compétence et de vertu qui ne trahira jamais le peuple Sénégalais dans sa volonté de voir de profonds changements s’effectuer au sein de l’hémicycle et qui prendront en compte exclusivement les volontés des populations.
Lors des premières sorties des membres de votre coalition, on a noté que vous n’épargnez pas la coalition YAW. Pourquoi ces supposées attaques ?
Il n’y a jamais eu d’attaques à proprement dit. Nous sommes plus préoccupés à construire qu’à faire des attaques. Il se trouve juste que dans ce projet de construction, il nous faudra révéler respectivement nos convictions fortes sur toutes les questions qui interpellent notre pays. Si en révélant des convictions, des personnes se sentent concernées, qu’elles sachent qu’elles ne sont pas particulièrement visées. Ce sont les principes qui guident nos positions qui sont importantes. Nous sommes plutôt sur les principes. Ces principes transcendent les personnes.
S’agit-il d’une stratégie pour capter son électorat ou une manière de vous démarquez d’elle ?
Notre stratégie pour capter l’électorat, c’est d’être nous-mêmes et de réussir le pari de l’unité et de l’entente collective pour servir notre pays. Chacun d’entre nous a prouvé dans son parcours son attachement aux valeurs et aux principes. Le fait d’être ensemble doit être suffisant pour capter l’électorat. Nous avons assez montré que nous méritons la confiance des Sénégalais. D’ailleurs, beaucoup nous disent que ce n’est peut-être même pas la peine de faire campagne, puisque les Sénégalais ont sur plateau ce qui permettra d’aller vers de vraies ruptures et ils ne manqueront certainement pas de saisir l’opportunité d’une telle coalition.
Avec la percée notable de l’opposition, lors des dernières élections locales du 23 janvier 2022, croyez-vous que cette dynamique va se poursuivre et aboutir à une cohabitation à l’Assemblée nationale ?
Nous pensons que c’est plutôt la dynamique du pouvoir qui facilitera notre majorité à l’Assemblée nationale. Nous avons une majorité qui a fini par complètement ternir l’image de l’Assemblée, sur deux législatures successives. Les populations ne peuvent plus faire confiance à BBY qui a montré ses limites en termes de gestion du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Nous avons l’occasion, avec ces élections, de tourner une certaine page et de rendre au peuple sénégalais son pouvoir législatif. Nous avons espoir que le peuple sénégalais fera le bon choix. Nous avons fait notre offre et nous sommes prêts à servir.
La coalition BBY est en train de recruter à tour de bras des élus et responsables de l’opposition. Quel est votre avis sur le sujet ?
Les responsabilités sont partagées. Le Président Macky Sall n’a pas le droit de détourner le suffrage universel qui s’est exprimé durant les élections locales. C’est une posture inacceptable pour un président de la République qui doit être le garant des valeurs. De même ces maires n’ont pas le droit de trahir les populations qui les ont élus, sur la base d’un programme et sur la base de leur appartenance à l’opposition. C’est un complot ignoble sur le dos du peuple Sénégalais et de la démocratie.
Oui bien-sûr, mais, j’ai décliné gentiment.
Le président de la République s’est récemment prononcé pour la suppression de la limitation des mandats en Afrique. Que pensez- vous de cette sortie, alors qu’il ne s’est toujours pas prononcé sur une candidature pour un troisième mandat ?
Cette sortie c’est tout simplement de la provocation. Elle ne mérite aucune réponse. Je pense que le Président de la République doit se rappeler que des Sénégalais ont perdu la vie pour défendre la limitation des mandats et que lui-même a été à leurs côtés.
PROPOS RECUEILLIS PAR MAMADOU LAMINE DIOUF