Publié le 19 Sep 2022 - 15:24
PROFIL OULIMATA SARR, NOUVELLE MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Une féministe à la tête de l’Économie

 

Spécialiste des finances et non de l’économie, ayant passé une bonne partie de sa carrière professionnelle dans le système financier international et pour la défense des femmes, Oulimata Sarr serait-elle la personne idéale pour remplacer Amadou Hott à la tête du ministère de l’Économie et du Plan ? Son militantisme féministe ne risque-t-il pas de prendre le dessus sur l’efficience dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques ? Les avis restent mitigés.

 

Elle aurait été nommée ministre chargée de la femme ou de leur autonomisation économique, cela n’aurait été une surprise pour personne. Mais la décision de lui confier tout bonnement le département si stratégique de l’Économie et du Plan est loin de faire l’unanimité chez les acteurs. Non seulement son parcours de financier ne fait pas forcément d’Oulimata Sarr le meilleur profil pour les questions économiques, mais il y a surtout son fort penchant pour les questions de genre qui inquiète le plus certains observateurs. Son militantisme féministe ne risque-t-il pas de prendre le dessus sur la pertinence et l’efficience des politiques publiques ? Les acteurs attendent de la voir à l’œuvre pour mieux en juger. En attendant, ‘’EnQuête’’ vous plonge sur le passé assez tumultueux de cette jeune dame belle et très ambitieuse, devenue depuis samedi la première femme ministre de l’Économie et du Plan au Sénégal.

Nous sommes vers le milieu des années 1990 ; Oulimata Sarr vient de convoler en justes noces avec le fils de Lamine Diack, le déjà richissime Massata Diack, qui sera le père de son ainée. Dans la foulée, elle démissionne de son poste d’auditeur à Ernst and Young pour aller vivre avec son homme en Afrique du Sud. C’était le début d’une riche carrière professionnelle, mais d’un échec total pour son ménage. Pendant huit ans, Oulimata Sarr va travailler comme directrice administrative et financière d’une compagnie aérienne sud-africaine, avant de rejoindre plus tard la Société financière internationale (SFI) filiale de la Banque mondiale, où la diplômée de HEC Montréal va passer 10 ans, avant de donner une tout autre tournure à sa carrière professionnelle. ‘’Un beau jour, aime-t-elle raconter, j’ai reçu un mail dans mon inbox à Nairobi. Ça venait du directeur des ressources humaines d’ONU Femmes qui m’encourageait à postuler à un poste sur les questions d’autonomisation des femmes et basées à Dakar’’. Une aubaine pour la Dakaroise, nostalgique de son pays natal.

Ancienne pensionnaire de l’institution Sainte Jeanne d’Arc de Dakar, Oulimata prend vite ses marques dans ce monde qui ne lui était pas forcément familier ; le monde du militantisme féminin. Mais très vite, elle en devient une des identités remarquables dans le continent, avec à la clef un poste de directrice régionale couvrant 24 pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Ses sujets de prédilection : la participation des femmes aux instances de décision, la lutte contre les violences faites aux femmes, l’entrepreneuriat des femmes comme catalyseur d’émergence, ainsi que l’implication des femmes dans les actions de promotion de la paix et de la sécurité dans le monde.

Si les témoignages sont presque unanimes sur ses facultés intellectuelles, les avis sont un peu plus mitigés quant à ses aptitudes à être une bonne ministre de l’Économie. Passionnée de l’autonomisation financière des femmes, Ouli ne risque-t-elle pas de confondre ce département stratégique en un instrument dédié uniquement à la promotion des femmes ? C’est l’une des préoccupations majeures de nos interlocuteurs qui n’ont pas manqué de louer les compétences de son prédécesseur.

Dans tous les cas, les femmes ne devraient pas se plaindre sous son magistère. En effet, la nouvelle ministre a toujours eu cette conviction que les femmes qui sont dans les instances de décision doivent représenter celles qui n’y ont pas accès. Dans un entretien avec Leadership Talk, elle revenait sur les origines de sa transformation, quand la SFI a décidé de créer un réseau de femmes et lui avait proposé la coordination. ‘’Lors de notre retraite, la facilitatrice, qui était une femme, nous disait : ‘Les 25 femmes que vous êtes dans le management de la SFI sur le continent, vous participez à toutes les décisions d’investissement. Donc, vous êtes la voix à la table de toutes ces femmes qui ne sont pas à la table.’ J’ai donc compris que la question n’est plus personnelle ; c’est un mandat ; c’est devenu un sacerdoce, à partir de ce moment.’’

Par ailleurs, il faut noter quelques bizarreries dans cette nomination assez surprenante. En effet, pour beaucoup, Amadou Hott est sanctionné plus pour ses échecs politiques que pour ses lacunes en tant que ministre. Pourquoi donc quelqu’un qui n’a aucun passé politique pour le suppléer ? Depuis quelques jours, en tout cas, Aminata Touré, qui connait bien le système onusien, ne manque pas de jouer sur la fibre genre pour vouer aux gémonies le régime du président Sall qu’elle a pourtant bien servi pendant plus d’une décennie. C’est dans ce contexte que le président de la République a choisi comme porte-étendard de l’économie nationale une femme pour la première fois dans l’histoire du Sénégal.

Selon cet observateur membre de la société civile, ‘’la nomination d’Oulimata Sarr pourrait avoir cet avantage d’éclipser Mimi Touré’’. ‘’C’est un choix qui a une forte incidence sur la gent féminine. Ouli est une femme qui a mené plusieurs combats en faveur de l’autonomisation des femmes, leur présence dans les instances de décision, la protection des femmes et de la famille… C’est dire qu’elle a autant de légitimité sinon plus que Mimi Touré, en plus d’être issue du même système des Nations Unies que cette dernière’’.

La cinquantaine, bien qu’elle n’en ait pas l’air, Oulimata Sarr a également, selon le membre de la société civile, cet avantage de rayonner sur un spectre plus important que Mimi, tant sur le style et la classe qu’elle dégage, mais aussi les âges, voire les générations. ‘’Nekh na jongomayi, diankha yi ak gouney Waliyee yi. Elle peut composer aussi bien avec les anciens, les femmes mures, qu’avec les nouvelles générations...’’.

Avec plus de 30 ans d’expérience, l’enfant des Sicap a connu jusque-là une carrière assez lisse sur le plan professionnel. Elle n’a pas eu, hélas, le même succès en mariage, avec trois ménages au moins qui se sont soldés en véritables fiascos.

MOR AMAR

 

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