Le directeur du Commerce intérieur engage la guerre contre les réfractaires
Récemment, le chef de l'État, Macky Sall, a institué un certain nombre de mesures destinées à diminuer les prix des produits de consommation. La campagne de contrôle des nouveaux prix a démarré hier, à la Médina. Le directeur du Commerce intérieur est allé sur le terrain avec son équipe, pour faire appliquer les nouvelles mesures.
Descente musclée à Dakar ! La campagne de contrôle des nouveaux prix sur le marché a tenu toutes ses promesses. Hier, les commerçants de la Médina n'y ont vu que du feu. En mission commando, le directeur du Commerce intérieur s'en est pris à beaucoup d'entre eux. C'était un spectacle digne d'un film d'action. Accompagné de son équipe, Omar Diallo a pris d'assaut quelques boutiques du quartier, aux alentours de 12 h.
''Nous sommes intransigeants par rapport à l'application de ces mesures'', lance-t-il. Des mots qui suffisent pour s'apercevoir de la détermination et de la rigueur de l'homme qui a sillonné plusieurs rues du quartier de la Médina.
C'est à la rue 25 que les choses ont commencé. Mais tout au début, le calme et la quiétude ont régné. Se tenant devant son magasin, Omar Touré s'est adressé à la presse, affichant un air serein. Le commerçant grossiste est certes au courant des décisions récemment prises par le chef de l'État, mais pour lui, le délai est très court. ''Le gouvernement devait accorder vingt jours au moins, le temps d'écouler les anciens stocks. On ne peut pas sortir un arrêté vendredi et faire appliquer les prix automatiquement lundi. On ne doit pas obliger un commerçant à vendre à perte'', dit-il, regrettant dans la foulée l'existence de stocks déjà vendus à l'ancien prix.
Juste après les explications de M. Touré, un spectacle inédit s'est produit sous le regard de certains passants. Un pick-up contenant divers produits s’est garé devant la boutique. Il s'agit de produits de consommation saisis par la Direction du Commerce intérieur. Pain, sacs de sucre, huile, bonbonnes de gaz... Les informations à ce sujet disent que le propriétaire n'a pas respecté les nouveaux prix. Mais le boutiquier malheureux n'a pas tardé à réagir. Déboussolé et attristé par la saisie de sa marchandise, le jeune Aliou Bâ avance comme argument le manque d'information. Montrant une convocation qu'on lui a servie, il déclare : "L'information n'est pas passée. On n'a même pas affiché un seul de ces nouveaux prix.''
Toutefois, les explications du jeune boutiquier sont loin d’attendrir certains habitants de la zone. Se tenant à l'écart, de l'autre côté de la rue, un homme rend hommage au directeur du Commerce intérieur et aux journalistes venus couvrir l'événement. Il hausse le ton sans la moindre gêne : "On vous félicite. Vous faites un travail remarquable !"
''Pour cette baisse, l'État a subventionné 150 milliards F CFA''
Certains boutiquiers réfractaires avancent cet argument : "Les anciens stocks ne sont pas épuisés et ne devraient pas être concernés par les nouvelles mesures.'' Des explications battues en brèche par Omar Diallo.
Faisant le point de la situation, le directeur du Commerce intérieur pense que ceux qui ont des problèmes avec les nouveaux prix n'ont aucune excuse. "Ces arguments ne tiennent pas, dès lors que la baisse a été annoncée depuis une semaine. Ils devaient prendre leurs dispositions en respectant les nouvelles mesures. En ce qui concerne cette baisse, l'État a fait un renoncement en subventionnant 150 milliards de francs CFA. Cela a permis d'avoir, entre autres, une baisse de 25 F CFA sur le riz, de 25 F CFA sur le sucre, de moins de 100 F CFA sur l'huile… L'application ne devrait pas poser de problèmes au niveau des détaillants, puisqu'il y a un système de commerce import, grossistes, demi-grossistes et détaillants''.
À en croire le directeur, les marges qui reviennent de droit au marchand détaillant ont été rétablies. Notamment sur le riz où il gagne 15 000 F CFA sur la tonne, 25 000 F CFA sur la tonne de sucre, soit 25 F CFA sur chaque kilogramme. Il gagne aussi 500 F CFA sur le bidon d'huile.
Cependant, si certains, en l'occurrence, M. Diallo et son équipe pensent qu'il existe encore des commerçants qui refusent de suivre les instructions étatiques, Modou Kane, lui, voit le contraire. Du moins, il n'est pas au courant de la désobéissance. Le commerçant grossiste est convaincu que tous ont baissé les prix comme indiqué. Il soutient à ce propos : "La baisse des prix est effective depuis samedi dernier. Importateurs, grossistes, détaillants, tous ont diminué les prix. Maintenant, tu peux avoir un bidon d'huile de 20 litres à 22 000 F CFA, alors qu'auparavant il fallait 25 000. Ici, tous les commerçants ont respecté les différents prix annoncés par le président de la République'', déclare-t-il.
Toutefois, Samba Diop ne veut pas l'entendre de cette oreille. D'un âge relativement avancé, l'homme qui vient de sortir d'une boutique est rouge de colère. Il est tombé sur un vendeur qui maintient toujours les anciens prix. Brandissant un sachet de sucre, il explose : "Ils n'ont rien baissé ! Je sors comme ça d'une boutique où le gars m'a vendu ce kilo de sucre à 650 F. Pire, il m'a fait savoir qu'il n'est pas de ceux qui ont diminué, parce qu'il n'a pas encore écoulé l'ancienne marchandise.''
''Il faudra des sanctions lourdes…''
Malheur aux réfractaires ! Le non-respect des mesures prises par le président Macky Sall ne sera pas sans conséquence. Sur un ton menaçant, le directeur du Commerce intérieur est revenu plus largement sur les sanctions à infliger : "Il y aura des sanctions exemplaires. Cela va servir de leçon à ceux qui refusent d'appliquer les nouvelles règles. Des sanctions pécuniaires entre 100 000 et 200 millions F CFA. Des peines privatives de liberté d’un à trois mois. Mais aussi, la confiscation des produits.''
Selon Omar Diallo, le sucre est l'un de ces produits qui n'ont pas fait l'objet de respect des mesures. Pour lui, les commerçants s'entêtent le plus à ce niveau. "Les gens sont encore à 650 F CFA, voire 700 F CFA le kilo de sucre, alors que c'est diminué à 575 F CFA actuellement'', déplore-t-il.
Mais selon lui, la journée d'hier est déjà un bon début. ''C'est une satisfaction, vu que presque l'ensemble des commerçants respecte les nouvelles mesures'', s'est-il félicité.
Bien que Dakar, Rufisque, Guédiawaye et Keur Massar constituent les zones d'intervention pour le moment, il faut retenir que les mêmes opérations seront conduites à partir de la semaine prochaine dans les autres régions pour faire appliquer les prix. Dans ce cas, les gouverneurs sont chargés d'instruire les conseillers régionaux de la consommation qui vont se mobiliser pour faire appliquer les prix dans chaque région.
Y aura-t-il un suivi ?
De ce que l'on sait, l'opération d'hier a été très mouvementée et a finalement porté ses fruits. Fort appréciée par les populations, la campagne de contrôle des nouveaux prix peut être considérée comme un début déjà important, vu les résultats qu'elle a donnés. Toutefois, Amath Sène n'est pas emporté par cette euphorie qui a régné à la rue 24 de la Médina. Le délégué de quartier magnifie certes le travail de contrôle et félicite l'initiative, mais il s'inquiète quant au suivi. Le vieux de laisser entendre : "C'est vraiment une très bonne chose. Il faut faire appliquer les nouveaux prix. De notre côté, on n'hésitera pas à appeler sur le numéro vert de la Direction du Commerce pour alerter, en cas de violation. Mais, personnellement, ce à quoi je pense le plus, c'est la continuité. C'est vrai que chacun s'est engagé, s'est donné à fond pour le début, mais est-ce qu'il y aura une suite ? C'est la question que tout le monde doit se poser. C'est un travail qui doit continuer. Il faut le poursuivre.''
Lui embouchant la même trompette, une femme, moins âgée, pense que les choses risquent de s'en limiter là. Pour elle, ce n'est que l'engouement de la première expérience. Elle glisse quelques mots : "C'est comme ça le Sénégalais ! Pour le début, tout le monde s'implique. C'est la détermination à tous les niveaux. Mais attendons de voir. Bientôt, tout le monde va oublier et on va retourner au point de départ. Heureusement qu'il existe un numéro vert pour signaler les réfractaires.''
Un homme assis sous une petite tente et observant la situation est allé même plus loin en proposant des solutions qu'il juge plus efficaces.
En effet, pour lui, l'État doit recruter beaucoup de jeunes à travers le pays, pour que le contrôle soit beaucoup plus efficace. Autrement dit, disperser ces jeunes à travers toutes les localités du pays. Ainsi, ils seront identifiés comme agents de l'État chargés de faire appliquer les nouveaux prix.
El hadji Fodé Sarr