Publié le 14 Apr 2023 - 04:19

Une vieille relation multiséculaire d’amitié entre la France et la famille Diaw grands électeurs Du Walo

 

Yoro Diao, 95 ans, l’un des plus anciens tirailleurs sénégalais appartient à une famille aristocratique guerrière wolof les Dyao grands électeurs de l’ancien Royaume du Walo dont la ville de Saint Louis était la porte océane

Cette famille a eu à tisser des relations d’alliance et de fraternité d’armes avec les français dès leur installation à Saint-Louis au milieu du XVI e siècle.

Déjà en 1638, les deux grands électeurs Dyao : le Dyogomâye, Maître des eaux, et le Diawdine, Maître de la terre autorisèrent le Brack (roi du Waalo) Naatago Fara Ndiack Mbodj à accorder au Français d’origine normande, Thomas Lambert le droit d’établir un comptoir, au Waalo à l’embouchure du Fleuve Sénégal dans la grande île de Ndar, long de 2 kilomètres et large de 300 mètres,

En hommage au jeune Roi français de l'époque, Louis XIV, l'île de Ndar fut baptisée Saint-Louis-du-Fort du nom de son homonyme

La Famille Dyao cohabita et collabora avec les français pendant des siècles dans cette ile et le premier Maire noir élu fut de cette famille et se sommait Pierre Dyao.

En 1855, le France entreprit la première conquête coloniale en Afrique noire en annexant le royaume du Waalo qui entourait la ville de Saint-Louis. Plus d’un siècle, les populations de ce royaume subissaient les razzias des voisins maures qui réduisaient la population en esclavage. 

Fara Peinda chef de la famille Dyao (arrière-grand-père du Tirailleur Yoro Dyao) noua une alliance militaire avec le Gouverneur français Faidherbe pour libérer son peuple de l’emprise maure.

 Cette première fraternité d’armes franco-sénégalaise fut relatée à travers cet extrait de l’ouvrage colonial français datant de1885 « Annales sénégalaises de 1854 à 1885 suivies des traites passées avec les indigènes »

…C'est pendant cette expédition, que le gouverneur Faidherbe, voulant chercher à reconstituer le malheureux Oualo, offrit à Yoro Altiné Diao, homme de bonne famille, qui s'était déclaré pour nous et nous avait servi de guide, de l’en nommer chef.

Yoro Altiné Diao déclina ce rôle pour lui-même, et proposa à sa place son frère Fara-Penda, réfugié dans le Cayor, et qui, du temps de M. Kernel, Gouverneur du Sénégal, en 1833, avait déjà combattu dans nos rangs avec beaucoup de dévouement.

Fara-Penda accepta, et, à partir de ce moment, il nous rendit les plus grands services en ralliant petit à petit les gens du Oualo et rétablissant les villages, tout en soutenant une lutte acharnée contre les Maures…

Le Chef Fara Peinda en gage de fidélité à la France, envoya son fils ainé Yoro Boly Dyâo à Saint-Louis pour fréquenter l'Ecole des fils de chefs de 1856 et 1860, faisant partie de la deuxième promotion. Cette école fondée par Faidherbe en 1855 avait pour fonction d’accueillir les fils de rois sénégalais, « des fils de chef », et de leur dispenser une éducation, devant faire d’eux des auxiliaires dociles de la colonisation française.

Brillant élève, Yoro Boly Dyâo fut chargé de lire le discours de la sortie de sa promotion devant le Gouverneur Faidherbe. Ce discours fut publié dans le journal officiel de la colonie le Moniteur du Sénégal et dépendances, 1861, page 165.

…Monsieur le Gouverneur,

Je viens, au nom de mes camarades, au nom de nos parents, dont je suis certain d'être en cette circonstance le fidèle interprète, voua remercier de tout le bien que vous nous avez fait depuis que vous avez été placé la tête de cette colonie.

Grâce aux sages et utiles leçons que vous nous avez fait donner, dans votre bienveillante sollicitude, nous sommes à même d'apprécier aujourd'hui les grandes choses que vous avez accomplies au Sénégal dans l'intérêt de nos compatriotes.

Chacun de nous se promet de s'inspirer de votre exemple et de vos conseils pour travailler de son mieux, lorsqu'il sera rentré dans son pays, à la continuation de l'œuvre que vous avez entreprise.

Nous emporterons de Saint-Louis des idées de justice, d'ordre et de travail, que nous emploierons tous nos efforts à faire prévaloir chez les populations au milieu desquelles nous sommes persuadé, Monsieur le Gouverneur, la meilleure manière de vous témoigner à vous et à l'Empereur, dont vous êtes le représentant, toute notre reconnaissance.

Pour moi, qui vais dès demain prendre, conformément à vos ordres, le commandement du cercle que vous m'avez confié dans le Oualo, je vous promets de mettre en œuvre, par tous les moyens en mon pouvoir, les principes qui m'ont été donnés, et j'espère être assez heureux pour témoigner de ma reconnaissance et de mon dévouement à ta France, en faisant prospérer de plus en plus le pays dont vous m'avez nommé chef…

. Yoro Boly Dyao (grand-père paternel du tirailleur Yoro Boly Dyao) fut un agent zélé de l’administration coloniale et participa activement à l’expansion de la conquête coloniale française.

Après une longue carrière Yoro Dyâo finit par obtenir de la France une pension de retraite de mille deux cents francs (1.200) en 1914.

 Au-delà de son parcours politique de collaborateur fidèle et convaincu de la France, Yoro Boly Dyâo mérite surtout d’être considéré comme une figure historique sénégalaise des lettres, de par sa contribution inestimable à la connaissance de l’histoire du peuple sénégalais.

Dès sa sortie de l'Ecole des Otages, Yoro Dyâo fut chargé par l’administration coloniale de rédiger une monographie sur l’histoire des peuples de la Sénégambie. Allié et apparenté de la plupart des cours royales de l’époque, Yoro Dyâo était bien placé pour recueillir des familles princières et des grands griots de cour de par la tradition orale, l’histoire des royaumes sénégalais.

Dès 1860 il rédigea un certain nombre de cahiers relatant l’histoire des migrations et des coutumes des royaumes du Cayor, du Baol, du Djoloff et du Waalo. En 1864 Il publia l’histoire des Damels du Cayor dans le journal le Moniteur du Sénégal. Ces cahiers seront   commentés et publiés en 1912 par l’administrateur colonial Henri Gaden, dans « légendes et coutumes sénégalaises ».

D’après Jean Boulegue, Maître de Conférence à l’université de Paris1 « Yoro Boly Dyâo fut le premier de ces chroniqueurs sénégalais qui ont recueilli, traduit compilé, interprété, aussi les traditions orales de leur peuple ».

Francophile le Chef Fara Peinda confia son autre fils Madiaw Fara    Peinda DIAW dès son jeune âge en 1867, au Commandant français de l’ile de Gorée, pour son éducation.

 Madiaw Fara Peinda DIAW servit sous les ordres du Gouverneur Pinet-Laprade de 1869 à 1873 et fut nommé surveillant des travaux de construction du lazaret du Cap Manuel et de la caserne des spahis de Dakar.

Après avoir subi une formation d’infirmier, l’administration française lui confia la gestion de l'ambulance militaire de Gorée chargé de transporter les malades de l’ile vers le continent.

Lors de l’épidémie de fièvre jaune de 1878 qui sévissait à Dakar, il fit preuve d’un grand dévouement et de grandes qualités professionnelles vis-à-vis de ses compatriotes sénégalais 

Madiaw Fara Peinda DIAW de par ses qualités professionnelles fut choisi par les autorités de la marine coloniale   pour convoyer par bateau vers la métropole à plusieurs reprises les troupes de soldats rapatriés sanitaires en France.

Infirmier major à la Marine, Madiaw Fara Peinda DIAW eut à affronter une nouvelle redoutable épidémie de peste qui frappa en 1900-1901 la presqu’île du Cap-Vert. Avec son bel esprit de dévouement à l’égard de ses compatriotes et son courage exceptionnel face à la mort, Madiaw Diaw Fara fit à nouveau preuve d’un zèle particulier.

Et en récompense de ses admirables services, il reçut deux distinctions : la Médaille d’Or du Ministère de la Marine et la Médaille d’Honneur du Ministère des Colonies.

Lors de la construction du port militaire de Dakar de 1902 à 1908, Madiaw Fara Diaw fut recruté comme chef infirmier chargé de fournir des soins aux travailleurs de l’entreprise de construction. Il assuma   avec brio à la satisfaction de ses supérieurs cette nouvelle fonction de médecin d’entreprise.

La riche carrière professionnelle Madiaw Fara Diaw   fut couronnée de beaucoup de distinctions honorifiques et de médailles.

Chevalier de l'étoile Noire du Bénin en 1922, il reçut en 1930 la croix de Chevalier de la Légion d’Honneur avec l'émouvante citation suivante : " Madiaw Fara Diaw chef infirmier a la Compagnie du Chemin de Fer de Dakar à Saint-Louis 50 ans de services ou de pratiques professionnelles. Modeste employé qui a rendu de grands services au Sénégal et continue d’assurer ses fonctions à l’âge de 78 ans. "

Enfin en 1931 à l'âge de 79 ans ce vieux serviteur infatigable qui a prodigué le meilleur de lui-même pour son pays d'origine et pour la France reçut la Médaille d'Or du Travail qui couronna son admirable carrière.

Le journal Paris-Dakar de décembre 1937 parle de Madiaw Fara dans sa une de la « belle carrière d’un sénégalais »

A travers ce récit le tirailleur Yoro Diao n’a fait que perpétuer l’amitié franco sénégalaise.

Le Diawdine Amadou Bakhaw DYAO diaogo.nilsen@gmail.com

 

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