«Les Sénégalais sont sujets à prendre en charge leur sexualité, alors que...»
Dans cet entretien, le sociologue revient sur l'épineuse question de la contraception dans une société sénégalaise encore réticente à cette pratique.
Les méthodes de contraception, est-ce une honte ?
Nous sommes dans une société qui baigne dans une religiosité et un caractère social assez singulier dans le continent africain. Un pays où, tout ce qui a trait à la sexualité, est pratiquement tabou. Si on le fait, on le fait en cachette. Il n'y a que quelques rares ethnies sénégalaises où il existe une sexualité assez assumée, hors mariage bien sûr. Dans ces sociétés, il est permis aux conjoints de s'adonner à cette sexualité, pour voir si la femme et l'homme sont ''compatibles'', dans l'optique d'un mariage. Au Sud, chez une partie des ethnies diola, et à côté de Mbour, il y a des localités sérères où cette façon de voir est aussi en vogue. Mais d'une manière générale au Sénégal, la religion musulmane décrie la fornication et ne tolère pas l'adultère. Ce qui fait que d'une manière ambiante, les Sénégalais sont sujets à prendre en charge leur sexualité, alors que la religion l'interdit carrément hors mariage...
Quel rôle jouent la télévision et les TIC dans tout cela ?
Ce ne sont pas que les tics, ni la télévision, c'est un cocktail qui est là. (Silence) Même sans ces innovations, la ville prédispose à ce genre de comportements. C'est un lieu de perdition. Car les relations interpersonnelles n'ont pas forcément besoin de l'intervention des Tic. Dans ce contexte social, il est possible d'avoir des relations sans que la société intervienne. Les téléfilms nous bombardent d'images où des hommes et des femmes s'embrassent à longueur de journée. Nous ne connaissions pas cette façon érotique de faire. Il y a tellement de facteurs qu'il faudrait prendre et analyser, pour montrer que la société actuelle est devenue de plus en plus permissive. La plupart des individus, sachant que ces genres de comportement sont décriés par la religion, préfèrent les avoir en cachette. Ce qu'il y a de paradoxal, c'est que la société tolère le copinage. Mais elle n'arrive pas à tolérer que ces individus puissent entretenir des relations sexuelles.
Est ce que la société est prête à parler de sexualité au sein des familles ?
Parler de la sexualité, c'est sûr qu'il faudrait vraiment y penser. Ce sont les mécanismes qu'il faudrait revoir. Beaucoup pensent qu'il faut en parler en famille. Je suis de ceux qui pensent que la famille ne peut pas encore prendre en charge cette éventualité. Ce qu'il y a lieu de faire, c'est créer d'autres institutions qui vont prendre en charge cette façon de discuter de la sexualité des jeunes. Cela peut être l'école, à travers des émissions interactives. Il faut amener la société à comprendre que quand on parle de sexualité, ce n'est pas pour dépraver les jeunes. C'est pour que la jeunesse sache comment se comporter, vis-à-vis de cette sexualité.
Par Viviane Diatta et Idelette Bissuu
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